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Exposition « AB IMO PECTORE » : La beauté des douleurs profondes vue par Wahib Chehata et Abdou Ouologuem

dimanche 10 juin 2018, par Assane Koné

« Comment rendre beau toutes les douleurs profondes ». Telle était la préoccupation qui a de tout temps hanté deux peintres : Le malien Abdou Ouologuem et le franco-tunisien Wahib Chehata. Aujourd’hui, c’est chose faite. Depuis le 28 avril 2018, c’est deux artistes dont le talent n’est plus à présenter, ont levé le voile sur leur fabuleuse exposition qui se tient actuellement à la Galerie Médina.

Impressionné par la profondeur de la quinzaine d’œuvres réalisées en deux mois et exposées par les deux artistes à la galerie Médina, nous nous sommes laissé dire par l’artiste peintre Abdou Ouologuem : « On a voulu poser un acte de foi dans un monde où les gens n’ont plus de foi ». Et, pour réaliser cet acte de foi, en pratiquement une quinzaine d’œuvres de février à avril 2018, « les deux artistes ont travaillé avec leurs 4 mains, mais avec le même esprit », nous a indiqué Abdou Ouologuem. Et, cela est d’autant plus vrai qu’il y a un certain écho entre les œuvres exposées à la Galerie Médina.

Et, comme l’or bénéficie de la même perception à travers le monde, qui en a fait une valeur refuge pour toutes les nations et pour tous les peuples, les artistes ont volontairement fait l’option de nous donner des œuvres dorées. Pour cela, ils ont utilisé avec une forte dose les feuilles d’or.

Quand les feuilles d’or sont supports d’expression chez Wahib Cheheta, elles sont mélangées à la peinture acrylique pour donner une fière allure aux toiles de jute chez Abdou Ouologuem.

Violence, vanité et hégémonie sont des notions qui montrent l’autre face du monde. Loin de leur perception de l’humanité, c’est cette autre face du monde, pratiquement et forcement affreuse, laide, et abominable, pour toutes les souffrances qu’elle charrie, qui a été plastifiée par les deux artistes, afin qu’on puisse l’apprécier.

Déjà, les intitulés des œuvres, en disent long sur ce que les artistes ont voulu dénoncer au grand jour : Les croisades, Al Quods, les Cêtres de Kankou Moussa, Tombouctou la victime, la tempête du désert, le dernier repas du Christ, l’homme blessé, l’homme sang visage, Khaddafi, La vanité, l’émeute et la mort bleue.

Hégémonie destructrice

« Les Croisades », un chef d’œuvre de Abdou Ouologuem, tout comme l’œuvre de Wahib Chehata, intitulée « Le dernier repas du Christ », traite de l’hégémonie.

Abdou Oulouguem dans une maîtrise exceptionnelle de la technique de l’usage de l’acrylique sur toile de jute, avec un fort usage de la feuille d’or comme pigment, nous donne pratiquement une fresque murale qui nous renvoie aux chaos dans lequel le monde a été plongé par les croisades. Dans cette œuvre le chaos est tellement bien décrit par l’artiste qu’il faut se mettre à quelques mètres de la toile pour bien percevoir les détails. Comment dessiner de si près quelque chose qui ne se révèle que lorsque l’observateur se met à distance ? C’est la prouesse qu’est parvenue à faire Abdou Ouloguem qui va inscrire son nom au panthéon des grands artistes de ce monde avec cette approche novatrice qui révèle tout son talent.

« Aujourd’hui, l’humanité est confrontée au phénomène du djihadisme. Mais, il faut reconnaître que toutes les religions révélées ont fait couler du sang des humains », nous dit l’artiste dans un sourire qui lui est particulier. Ici, nous sommes face à l’hégémonie d’une religion. Si Abdou Ouologuem a traité de l’hégémonie d’une réligion, Wahib Chehata a fait l’option de la mise en lumière de l’hégémonie d’un état.

« Le dernier repas du Christ », traite de l’hégémonie américaine sur le monde. Et pour la dénoncée, Wahib Chehata, a utilisé une technique mixte, qui fait appelle à la photographie, au dessin et au traitement informatique. Mais, en plus, l’œuvre est dans une démarche d’une installation, où le chaos est symbolisé par des vitres brisées. « Le dernier repas du Christ » est un travail artistique qui nous montre le Christ en plein vole, avec des ailes qui ont une forte similitude avec le drapeau américain, mais qui se vide de son sang, entouré de ses douze apôtres sans visage et impuissants.

Mais, il faut reconnaître que Wahib Chehata dans ses œuvres intitulées « textes sacrés », a décidé de revisiter des techniques anciennes d’écriture telle que la manière byzantine et la calligraphie arabo-japonaises. La combinaison de ces deux approches donnent des œuvres d’une beauté exceptionnelle, quand c’est du noir brillant qui parle sur du jaune or, pour assurer une ascension céleste.

Dans ce travail exposé à la Galerie Médian, les artistes, Wahib Chehata et Abdou Ouologuem, dans une symbiose qui laisse penser à une fusion de leurs âmes, ont décidé de croquer l’actualité à travers la violence dans des scènes de bataille, comme des « Émeutes ». Mais, ils touchent aussi au désespoir de cette génération que beaucoup pense perdue, à travers l’œuvre « jeune homme blessé ». Et, oui, comme il fallait s’y attendre, le drame migratoire occupe une place de choix dans cette exposition à travers une métaphore lyrique de Abdou Ouologuem, intitulée « La mort bleue ». Cette œuvre est une révolte, mais un hommage rendu à ces milliers de bras valides noirs happés par le grand bleu lors des traversées incertains pour un Eldorado tout aussi incertain : L’Europe.

Mais en un mot, l’harmonie, le raffinement, la beauté, se donnent rendez-vous à travers le faste des écritures pour rappeler l’histoire de certains lieux saints. Ce fut vraiment un défi à soit : Rendre beau la douleur qui secoue le monde. Réalistes, les artistes ont révélé le défi. Ils ont eu l’intelligence de faire revivre toutes ces douleurs qui nous traversent dans un monde bouleversé, sans nous bouleverser et c’est déjà bien. Au contraire, nous sommes éblouis.

Assane Koné


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