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Promotion de la création artistique au Mali : Don Sen Folo organise un séminaire pour outiller des artistes sur la migration et le changement climatique
mardi 18 mars 2025, par
Intitulé « Séminaire Pirogue du Zémé », cette initiative de Don Sen Folo, en collaboration avec la Fédération « Founou- Founou » dont il est membre, s’est déroulée du 6 au 7 mars 2025, sur le site de Don Sen Folo-Lab à Boucoumana, localité située à une quarantaine de kilomètres de Bamako, dans le Mandé. Pour ce séminaire financé par l’Union européenne, dans le cadre du projet « ZÉMÉ », DON SEN FOLO et la Fédération « Founou Founou » ont concocté un programme intéressant.
Le jeudi 6 mars 2025, dans la matinée, Don Sen Folo-Lab, situé à Bancoumana a accueilli les lauréats des Résidences Nomades et les participants du séminaire Pirogue du Zémè, autour d’un petit déjeuner convivial. Et, sans trop de protocole, sous la Direction de Lassina Koné, directeur artistique de la Compagnie Don Sen Folo, a procédé à la présentation du Centre Don Sen Folo-Lab.
A la découverte d’un joyau au service de la création artistique
Sous le regard très intéressé de Michel De Knoop, Chef de la Coopération de la Délégation de l’Union européenne au Mali, cette visite a commencé par la présentation de la scène Bamory Koné.
Ensuite, les visiteurs guidés se sont rendus à la Place Cheick Diallo. Cheick Diallo est un artiste designer malien de renommée internationale. Installé sous le plus grand arbre du site de Don Sen Folo-Lab, cette place est un vibrant hommage rendu à ce grand artiste qui continue d’écrire les plus belles histoires du design en Afrique et dans le monde. Cheick Diallo a énormément contribué au projet Zémè, en apportant sa précieuse contribution à la réalisation de la Pirogue du Zémè. Cette pirogue qui avait été conçue pour faire la promotion de la danse le long du fleuve Niger. Malheureusement, la belle aventure de cette pirogue s’est arrêtée à quelques encablures de la ville de Mopti, où elle a été saccagée et brûlée par des djihadistes qui avaient même enlevé 3 membres de l’équipage. Heureusement, qui ont été libérés après quelques mois de détention.
De la place Cheick Diallo, les visiteurs se sont rendus à la Place Yaya Coulibaly. Ici, le grand et célèbre Marionnettiste malien de notoriété internationale, est célébré par une belle tente touareg, majestueusement installée sur un banc de sable. En cette journée ensoleillée du 6 mars 2025, cette tente était une belle invitation à un repos mérité. Mais, sauf que la visite de ce site formidable, dédié à la création artistique était loin de prendre fin.
De la place Yaya Coulibaly, nous sommes passés par la visite des cages piscicoles, relativement vides après la vente avec succès des 5000 sujets qu’y séjournaient, avant de traverser un espace maraicher pour accéder au restaurant. « Ce restaurant est un ancien poulailler que nous avons modifié pour le rendre beaucoup plus convivial », nous a indiqué le premier responsable de Don Sen Folo-Lab. Le repas n’était pas encore prêt. Des femmes s’afféraient au niveau de la cuisine, qui jouxte le four qui chauffait déjà pour recevoir les premiers pétris des participants au séminaire. « Ici, on ne forme pas des boulangers, mais chaque résident apprend à faire le pain qu’il mange », a indiqué Lassina Koné.
Mais avant, les visiteurs, avec à leur tête Michel De Knoop, Chef de la Coopération de la Délégation de l’Union européenne au Mali, ont été émerveillés par les tableaux de fin de résidence de l’artiste plasticien Mouhamed Kébé. A la question de Michel De Knoop qui a voulu savoir si le plasticien bénéficiait d’un environnement qui lui permet de vivre de son art au Mali, la réponse de l’artiste Mouhamed Kébé, a été sans équivoque. « Je vis bien du fruit de ma pratique artistique au Mali. Je participe à des festivals à travers le monde et je vends dans des galeries au Mali comme ailleurs en Afrique », a indiqué l’artiste. Avant d’ajouter qu’il fait des ventes d’au moins 300 000 à 500 000 FCFA par mois. Ce qui lui permet de joindre actuellement les deux bouts. Et, lui permet de continuer à créer. « Je suis ici à Don Sen Folo-Lab depuis trois semaines. Il vient de m’offrir une opportunité d’un mois de résidence de création. Cela m’a été exceptionnellement bénéfique au regard des nombreuses créations que j’ai pu boucler ici », a-t-il déclaré.
Du restaurant, les visiteurs sont passés par la Scène Adama Traoré. Cette scène conçue pour recevoir des spectacles d’arts vivants, rend hommage à un émérite homme de théâtre malien. Adama Traoré n’est personne d’autre que le président de l’association Acte Sept et directeur du Festival théâtre des réalités. Au regard de son parcours inspirant, le nom de personne d’autre ne pouvait figurer sur la scène qui lui rend hommage. Et, Lassina Koné a été bien inspiré.
Il a aussi été bien inspiré en donnant le nom du célèbre artiste malien Abdoulaye Konaté à un Togouna. Abdoulaye Konaté est sonrhai. Le Togouna est une pratique chez ses cousins dogons. Donc, comprenez qu’ici, nous sommes en plein hommage à une des valeurs les plus sûrs du Mali : « le sinangouya » que nous appelons de façon triviale « la parenté à plaisanterie », à défaut de trouver mieux.
Ici, le Togouna Abdoulaye Konaté, est sûrement le seul au Mali, à être monté sur des piliers en fer, à base de matériaux de récupération, réalisés avec un design très créatif. Sûrement pour rendre hommage à l’un des Maliens le plus créatif de sa génération.
De retour du Togouna Abdoulaye Konaté, après une escale dans le bosquet des célèbres visiteurs, où Michel De Knoop, Chef de la Coopération de la Délégation de l’Union européenne au Mali, a planté son manguier avec fierté et une brève visite du monument consacré à la pirogue du Zémè, l’on a eu droit à un jeu de marionnettes de Assita Diallo, Kadiatou Diarra et Aouwa Camara. Toutes, des femmes marionnettistes qui ont bénéficié des formations de la Compagnie Nama de Yacouba Magassouba, membre de la Fédération « Founou Founou ».
Intitulé « le rêve brisé », cette pièce porte sur les regrets de deux migrants morts sur le parcours migratoire sans pouvoir atteindre leur objectif.
Mais avant la visite du Togouna Abdoulaye Konaté, l’on a eu le privilège de suivre la performance de Samuel Coulibaly, une pièce de danse intitulée, le « Lien de sang et du lait », qui dénonce les préjugés sur le métier d’artiste dans nos sociétés.
Pour sa part, Makan Gaoussou Coulibaly, un autre pensionnaire de la Compagnie Don Sen Folo, nous a servi une performance de danse intitulée « Brifini » ou la couverture. Dans une démarche très philosophique, l’artiste attire l’attention des uns et des autres sur les difficultés dans un couple. « Le mariage est beau de l’extérieur. Mais, seuls les mariés savent ce qu’ils vivent à l’intérieur de leur couple « , a-t-il indiqué.
Comme si Don Sen Folo-Lab avait décidé de nous mettre plein la vue. De performance en performance, toutes de belles factures et fruits de grandes réflexions, nous avons aussi apprécié la prestation d’Ismaël Traoré, intitulée « Makou ». Ici, l’artiste utilise la danse comme un espace cathartique. Il y trouve un moyen pour évacuer, pour chasser sa timidité, afin de devenir ce qu’il veut être.
Selon Lassina Koné, toutes ses performances sont les fruits de résidences de création organisées dans le cadre deux projets étroitement liés : « Gnininin » et « Sorofin ».
Bientôt, Bancoumana va abriter l’évènement « Miss des ânes »
Ce fut aussi, l’occasion pour lui, en compagnie des leaders de la jeunesse de Bancoumana, de nous présenter dans les grandes lignes une grande manifestation qui aura bientôt lieu à Bancoumana : le festival Miss des ânes.
Selon Lassina Koné, le festival Miss des ânes est un projet festif sur un territoire, porté par la jeunesse. L’idée est que si Don Sen Folo n’a plus les moyens de porter l’initiative que cela puisse continuer à prospérer grâce à l’engagement du village et des villageois. « Le festival Miss des ânes se tiendra le 3e jour de la fête de Tabaski », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que ce sera un évènement autour des ânes.
« Fali ou ka miss est une initiative de Lassina Koné de Don Sen Folo Lab que nous avons bien voulu porter pour l’intérêt de notre commune rurale », a indiqué Moriciré camara, président des jeunes de Bancoumana. Selon lui, ce festival sera ancré pleinement dans le territoire et porté par la jeunesse. « L’objectif visé par Lassina Koné est d’imaginer un événement pensé, conçu et organisé par la jeunesse, au cœur même de son cadre de vie », a-t-il déclaré. Et, d’ajouter que Miss des ânes, est un festival à la fois original et humoristique. « Cet événement servira de cadre pour aborder, sur un ton léger, des thématiques majeures telles que la critique sociale, le lien communautaire, le vivre-ensemble, l’acceptation et la tolérance », a-t-il ajouté. Et, en riant, il dira que cette initiative constituera le premier festival dédié à la valorisation de la beauté des ânes, mettant en avant leur rôle emblématique dans notre culture.
« Nous sommes en pleine réflexion pour faire de cet événement un moyen d’améliorer la gouvernance de nos communautés par la critique sur un fond humoristique », a indiqué Lassina Koné. Avant d’ajouter que le défi sera de parvenir à critiquer son voisin, sa voisine, le maire et tous ceux qu’on veut critiquer, sans que ce dernier ne se fâche, et accepte de se remettre en cause.
Émerveillé par tout ce qu’il a vu, Michel De Knoop a déclaré que « cet espace démontre que quand nous voulons, nous pouvons ». Il a estimé que ces quelques performances que nous avons vues, ont fini par nous convaincre que cet espace vaut sa raison d’être. « Chacun veut la même chose : la paix et une vie descente. Le Mali fait partie des pays qui nous tient à cœur », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que malgré toutes les difficultés auxquelles le Mali est confronté, il faut des moments de divertissement. « Et, nous sommes ici pour apprécier un travail très bien conduit en matière de création artistique », a-t-il déclaré.
La migration et le changement climatique au centre du Séminaire Pirogue du Zémè
Après cette visite guidée, très bien appréciée, les lauréats des Résidences Nomades et les participants du séminaire, se sont regroupés à la place Cheick Diallo pour la cérémonie d’ouverture. Présidée par Aboubacar Traoré, Sous-préfet de l’Arrondissement de Bankoumana, accompagné par Chiaka Dembélé, secrétaire général de la Mairie de Bancoumana, représentant le Maire, cette cérémonie a enregistré la présence de Michel De Knoop, Chef de la Coopération à Délégation de l’Union européenne au Mali et des représentants des organisations membres de la fédération « Founou Founou ».
Les structures membres de la fédération « Founou Founou » ont procédé à leur présentation. Seydou Camara, président de Yamarou photo, dira que sa structure est un espace de rencontre et d’échange pour le développement de la photographie artistique.
Moussa Sidibé de Anw Jigi’art, a indiqué que leur structure est née en 2016, pour la valorisation de la culture malienne à travers le théâtre et le conte. « Notre vision, c’est un théâtre de proximité », a-t-il déclaré.
Yacouba Magassouba de la Compagnie Nama, dira que sa Compagnie a été créée en 2013, et a participé à la formation de plus 200 marionnettistes en Afrique et au Mali. « Notre objectif, c’est de former des jeunes pour une très bonne promotion de l’art de la marionnette », a-t-il indiqué. Il a ajouté que la fédération « Founou Founou » a été initiée pour une meilleure synergie d’action entre leurs différentes structures pour mieux impacter l’offre de produits culturels de qualité au Mali.
Profitant de l’occasion, Yacouba Magassouba a fait un plaidoyer pour un meilleur accompagnement des artistes maliens pour leur épanouissement. A titre d’exemple, il dira que dans le cadre de la fédération « Founou Founou », ils ont mis en place un fonds de mobilité des artistes maliens, qui besoin d’être soutenu par toutes les bonnes volontés au Mali et à travers le monde.
Pour sa part, Lassina Koné dira que le projet Zémè a été un axe central pour la promotion de leur fédération, qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Tout comme son prédécesseur, il dira que le fonds « Tama demè » a été créé pour aider les artistes maliens à voyager au Mali et dans le monde. « Nous sommes dans une démarche qui vise à faire bénéficier nos territoires de nos créations artistiques », a-t-il déclaré. Avant d’inviter les autorités maliennes à mobiliser un peu de ressources pour l’accompagnement des artistes maliens. « Nous sommes heureux d’avoir avec nous Michel De Knoop, chef de la coopération de l’UE au Mali, nous allons attirer son attention sur le rétrécissement des espaces d’expression des artistes maliens par manque de financements. Pour être plus clair, nous demandons que la culture malienne soit soutenue par l’Union européenne », a-t-il indiqué.
Cette précision faite, il dira que Don Sen Folo-Lab, dans le cadre de ces actions, a initié ce séminaire de deux jours pour permettre aux lauréats de se rencontrer, d’échanger et de participer à des panels impliquant des experts qui partageront des exposés sur des thématiques diverses qui peuvent les inspirer dans leur création artistique.
En sa qualité de représentant de l’état Aboubacar Traoré, commandant de l’arrondissement de Bancoumana, a salué Don Sen Folo-Lab pour sa belle initiative qui a consisté à venir s’installer à Bancoumana pour y ouvrir un laboratoire à ciel ouvert, dédié à la création artistique et culturelle. Pour la promotion de ce centre, il a indiqué que l’engagement de l’administration ne fera jamais défaut.
Au nom de la mairie de Bancoumana, Chiaka Dembélé, secrétaire général de la mairie, a indiqué et salué la très bonne collaboration qui existe entre Don Sen Folo et la mairie. « Don Sen Folo-Lab est une structure qui travaille en tandem avec la Mairie de Bancoumana. Ce centre ne fait rien sans associé la mairie au milieu », a-t-il indiqué. Avant de réaffirmer la disponibilité de la Mairie à accompagner toutes les initiatives du Centre Don Sen Folo-Lab.
« L’UE vous a accompagné. L’UE va continuer à vous accompagner. Mais, je rappelle que l’état du Mali, en décidant que 2025, soit une année culturelle, est un bon signe d’engagement à soutenir la culture. Et, est un espoir pour nous tous », a indiqué Michel De Knoop de la Délégation de l’UE au Mali. Il a indiqué toute sa joie d’être venu à Bancoumana pour visiter cet endroit qui répond à ses objectifs d’origine, à savoir l’installation d’un espace de création artistique capable d’apporter de la valeur ajoutée en termes de produits de qualité.
Après cette série d’interventions, les participants ont pu suivre l’intervention de la chercheuse Fatoumata Keita sur la thématique la migration et l’autonomisation des femmes au Mali. Cette présentation a été suivie d’une discussion, où les participants ont posé des questions pour mieux comprendre.
Dans l’après-midi, ce fut la séance de présentation des Lauréats et de leurs projets. Ensuite, les participants ont été initiés à la fabrication de pain traditionnel.
Dans la nuit, comme au village, en lieu et place de la soirée de conte, les participants ont suivi avec beaucoup d’intérêt l’intervention de Mahamoud Camara, habitant de Bancoumana, sur l’histoire singulière de sa migration. Et, pour boucler la boucle de cette journée marathon du 6 mars 2025, les participants ont participé à la projection du film de Ousmane Samassékou, intitulé : « Le dernier refuge ».
Le Vendredi 7 mars 2025, la deuxième journée du séminaire a démarré par l’intervention de Dr Salia Malé sur la thématique de la jeunesse, suivie d’une discussion. Et, dans l’après-midi, ils ont suivi l’Intervention du chercheur Youba Sokona sur la thématique du changement climatique.
Assane Koné