Culture > Hommage : Il y a un an, disparaissait l’écrivain Hamidou Berthé

Hommage : Il y a un an, disparaissait l’écrivain Hamidou Berthé

jeudi 4 juin 2015, par Assane Koné

Le texte qui va suivre nous rappelle à son souvenir. C’est l’avant propos du livre qui sort aujourd’hui en librairie et qu’il a intitulé Bamako, ventre de rumeurs et regards de palabre. Nous n’avons pas trouvé de meilleur hommage que ce texte sorti de sa plume. Dors en paix l’ami, collaborateur et ami exemplaire, mari et père inoubliable.

‘’Peut-être que la fortune des créateurs est la douleur et la souffrance. Nul doute, la question ne se pose pas dès lors que l’on considère la création artistique comme un geste d’accouchement. Les poèmes que je soumets ici à votre lecture sont en majorité nés dans un contexte de douleur et dans un temps relativement court. C’est connu, nous vivons actuellement dans un pays en crise. Cette situation est douloureuse à vivre. Affligé par ce qui nous arrive et inquiet par les perspectives de résolution des différentes crises, mais obligé de croire au destin du Mali car je ne perds pas espoir, je ne puis m’empêcher de reprendre ma plume poétique. Et pourtant je l’avais mise en veilleuse pour d’autres genres. Mais les murmures de ma muse sont devenus aussi insistants que des injonctions d’un devoir de citoyen.

Mon projet initial était de faire des petits textes qui serviraient à habiller un livre de photographies de la ville de Bamako. Donc pour un livre de beaux arts, je travaillais sur des textes qui chantaient essentiellement la beauté de notre capitale en plusieurs images. L’objectif était clair : véhiculer une image attrayante de notre capitale au monde extérieur, du moins pour ceux qui auraient accès à l’ouvrage. Entre temps, survient une succession de malheurs depuis le 17 janvier 2012 et l’on en vient à se demander si l’on peut parler au reste du monde maintenant de notre beauté.

Le virage pris par ma plume a été de porter ce regard, le mien, en vers, sur l’actualité encore brûlante de mon pays. Oui, faire de la poésie contre une crise aussi grave que la notre relève d’une floraison d’esprit et l’acte n’aurait d’utilité que pour ceux qui voudraient cueillir quelques fruits de raisonnement. Effort vain ? Une rêverie de trop ? Sûrement pas ! Seulement dans une fourmilière chaque fourmi creuse sa galerie selon la capacité de ses mandibules.

Point de témoignage je ne veux faire, car je ne peux en faire avec la rumeur qui est au menu quotidien, plus que l’information, une recette que chacun compose à son goût. Je me contente d’être dans un ventre de rumeurs et j’écoute la palabre des acteurs sur la scène. Mais en spectateur mon regard n’est pas moins bavard que leurs bouches qui écument de verbe en attendant le geste.

J’ai voulu chanter Bamako et sa vie. Vous comprendrez si au mieux ce sont des râles qui dominent mon timbre. La réalité triste a rattrapé ma pensée et ma plume. Je me sens, comme dans la tradition, condamné tels ces gens qui jouent au tintamarre pour faire fuir « le chat lorsqu’il attrape la lune ». Seulement ni mon calepin ni mon clavier ne feront suffisamment de bruit pour dégager mon pays de l’éclipse. Ce n’est finalement qu’un rituel dans un Bamako au ventre lourd de rumeurs et aux regards plein de palabre.

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