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Mondial 2014 : Les brésiliens partagés entre fortes sensations et contestations sociales

lundi 23 juin 2014, par Assane Koné

Les contestations sociales qui avaient ébranlé de nombreuses grandes villes du Brésil à l’approche de la coupe du monde s’estompent graduellement.

Ayant débuté au soir du 12 juin à San-Paolo (Sao-Paulo), le mondial 2014 se poursuit entrainant fortes émotions et grandes sensations dans les stades. Les contestations violentes qui avaient fortement suscité les vives inquiétudes au niveau des instances internationales du sport et du Gouvernement de Mme Dilma Roussef sur l’opportunité de la tenue du mondial ont peu à peu laissé place au débat et à la réflexion critique.

Pourquoi une telle hostilité à l’égard d’un sport dans un pays où il est considéré comme une religion ? Sociologues, politiques et hommes politiques tentent de répondre à cette question. Mais tous partent d’un constat unanimement partagé : depuis que le Parti des Travailleurs (PT) a pris les commandes du pays il y’a 11 ans, le niveau de vie des brésiliens a progressé de façon notable. Les augmentations successives du salaire minimum ont eu pour effet d’augmenter considérablement le pouvoir d’achat des plus humbles. Des programmes sociaux de grande envergure comme le « panier familial », « faim zéro » ou encore « un brésil sans misère » ont permis aux classes moyennes estimées à plus de 20 millions d’améliorer leur quotidien. Aujourd’hui ces classes moyennes disposent de cartes de crédits, sont enregistrées aux assurances de santé, vivent dans des appartements confortables et possèdent des voitures de luxe. Cependant, le pays reste fortement marqué par les inégalités sociales et les conditions matérielles de vie des brésiliens sont loin d’être dignes pour tous.

C’est pourquoi, au regard des orgies financières qu’a engendré l’organisation de cette coupe du monde- plus de 50 milliards d’euros déboursés- bon nombre de brésiliens estiment que le pays pouvait, avec cette manne colossale, construire plus d’écoles, de logements sociaux, d’infrastructures en matière de santé… Mieux, ils dénoncent le coût de construction des stades qui a flambé et est devenu trois (3) fois supérieur au budget prévu. Ces travaux de construction des stades ont été financés par l’argent du contribuable à travers la Banque Nationale de Développement Economique et Social du Brésil. Celle-ci a confié la construction des stades et les gigantesques travaux d’infrastructure à des firmes privées. Lesquelles auraient cyniquement programmé les retards des droits de livraison en amenant la FIFA, talonnée par les ultimes échéances, à délier les cordons de la bourse pour donner des primes supplémentaires afin de tenir les dates.

Les opposants à la coupe du monde dénoncent également l’expulsion dans les villes qui abritent les compétitions, des milliers de familles dont les favelas ont été détruites, pour libérer les terrains pour la construction de stades, d’Hôtels, d’autoroutes oud’aéroports. D’autres dénoncent la marchandisation du football, les privilèges énormes et scandaleux concédés par le Gouvernement brésilien aux multinationales qui détiennent les grandes marques commerciales comme Coca-Cola, Mc Donald’s, Budweiser, bras financiers et complices de la FIFA et qui interdisent les ventes de boissons, nourritures ou gadgets sportifs aux alentours des stades.Cette situation a donné naissance à des mouvements politiques de revendication avec des consignes de boycott du mondial.

Ils ont pour slogan « contre une coupe du monde sans le peuple. Je descends dans la rue de nouveau » ! Les manifestants formulent cinq (5) points de revendication à l’image des cinq coupes du monde remportées par le pays : logement, santé, transport public, éducation et justice à travers la fin de la violence d’Etat dans les favelas et qui doit se traduire par la démilitarisation de la Police militaire. Ils ajoutent une sixième revendication, (convaincus que le Brésil reportera sa sixième coupe du monde), que les vendeurs ambulants puissent s’installer aux abords de stades.

Les mouvements sociaux (dont le Mouvement des Sans abris) qui ont pris la tête de ces contestations se sont divisés en deux groupes différents : Une tendance radicale avec des mots d’ordre « sans droits pas de mondial ! » allié objectif des mouvements violents comme les « Black Bloc » et leurs pratiques de confrontation directe et destruction, et l’autre tendance organisée en Comité Populaire de la Coupe (CPC) qui dénonce le mondial de la FIFA et l’arrogance des lobbies financiers qui l’instrumentalisent. Mais cette tendance rejette la confrontation et préfère que la Coupe du monde se tienne.

Même si elle se poursuit, la contestation qui se passe n’a plus la virulence de celle de 2013 au moment où a lieu la Coupe de la Confédération. Les groupes radicaux ont considérablement affaibli l’unité d’action et discréditer la lutte. Les deux tiers de brésiliens désapprouvent les violentes protestations. Mieux, malgré une crise sociale, l’immense majorité de brésiliens s’apprêtent à renouveler en octobre prochain leur confiance à Dilma Roussef et au Parti des Travailleurs.

Aspirant à plus de bien-être et de progrès, Ilspréfèrent questionnent plus tôt leur système politique qui n’accorde que très peu de marge au PT qui, durant les onze années passées au pouvoir, a mené des réformes politiques et sociales audacieuses qui ont entrainé de véritables transformations sociales et fait du Brésil un pays qui compte dans le monde.Ne disposant pas de majorité ni à la Chambre des Députés, ni au Senat, le PT a été contraint de s’allier à d’autres partis conservateurs et affairistes réfractaires à toute idée de changement.

Derrière la fièvre du mondial, les brésiliens sont déterminés à marquer leur engagement collectif envers l’histoire. C’est cela le sens de leur profonde aspiration.

Nouhoum Keita

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