Actualités > La calebasse : une fierté de la tradition africaine aux multiples usages

La calebasse : une fierté de la tradition africaine aux multiples usages

mardi 9 janvier 2024, par Assane Koné

Fierté de la tradition africaine. Sa forme se présente comme le ventre d’une femme enceinte. La calebasse revêt une signification symbolique en rapport avec les coutumes. Elle fait partie de la vie quotidienne en Afrique en générale, au Mali en particulier. Elle sert également d’objet pratique et utile dans la maison. Mais, elle est aussi un objet utilitaire dans le domaine de l’art (balafon, cora….) et d’objet spirituel.

Nous sommes lundi. Jour de la foire hebdomadaire à Ségou. Situé entre le quartier « Somono » à l’Est, la grande Mosquée « Sininyesigi », et le quartier « Sokalakono » à l’Ouest, le grand marché de Ségou s’ouvre sur le fleuve. Ici, tout le monde appelle ce grand marché de Ségou : « Ségou Ntènè » ou encore « Segou fatignè kila do », en français, cela veut dire « le jour du partage de l’héritage à Ségou ». Pour la simple raison que chacun y trouve sa part.

Il est 10 heures, la délégation de l’Union des Journalistes Reporters du Mali (UJRM) arrive au grand marché ‘’Ntènè’’, le 18 décembre 2023. Elle rentre dans un passage, en face de la station d’essence et à gauche de la grande mosquée, où il y a une place réservée aux vendeuses de calebasses. Le soleil brille de tous ses rayons. Et, donne aux calebasses une couleur dorée, qui dégage le mythe et la symbolique que nos traditions leur réservent. Sur place, on y voit des vendeuses de calebasses, assises derrière des étales, sous des arbres et d’autres sous des hangars.

Pour se faire une idée de ce que la calebasse représente dans nos traditions, la délégation de UJRM est allée à la rencontre d’une vieille dame du nom de Fatoumata Sirifo, l’une des grandes vendeuses de calebasse au grand marché Ntènè, depuis près de 25 ans. Habillée en robe longue avec un foulard attaché sur la tête, entourée des clientes, elle nous explique le sens de la calebasse et son importance dans nos vies. Considérée comme l’un des premiers objets de travail pour les femmes, « Filew » ou la calebasse, selon elle sert à faire de multiples choses. D’abord, dit-elle, « chez nous au Mali, une femme ne se marie pas sans la calebasse. On l’utilise durant toutes les cérémonies de mariages. Également pour faire la cuisine qui traduit à la fois, la beauté dans le foyer. Cela est pratiquée depuis des années par nos parents. De telle sorte que travailler avec la calebasse est mieux qu’avec les autres objets de travail pour la cuisine », a-t-elle rappelé.

Entourée de calebasses. Elle jette un regard et nous rappelle les moments où le marché Ntènè était bondé de calebasses. Selon Bintou Founè Kanta, dite Maman Koroba, vendeuse de calebasse dans le marché Ntènè, c’est une tradition pratiquée depuis des années. « On lave les pieds et les mains de la nouvelle mariée avec de l’eau contenue dans une nouvelle calebasse. Et, la nouvelle mariée l’utilisait comme ustensile pour ses bains », indique-t-elle. Avant d’ajouter qu’il est dé pratique de mettre une calebasse sous le pneu de la voiture, du bus, ou de la charrette qui transporte la mariée et son trousseaux chez son mari. « Quand la calebasse se casse, le bruit que ça fait, c’est contre les mauvais yeux et cela chasse les mauvais esprits », précise-t-elle. Pour finir, elle a invité la nouvelle génération à ne peut pas abandonner toutes ces anciennes pratiques, qui ont sûrement une importance sur notre existence.

Une histoire que beaucoup de gens ignorent sur la calebasse

Comme emportée par une puissance extraordinaire qui se dégagé de l’histoire de la calebasse, elle se met à parler sans qu’on ne lui adresse des questions. Assise aux côtés des femmes qui recousent les calebasses fissurées, sous un arbre, Mariam Diallo, vendeuse de poissons séchés au grand marché ‘’Ntènè’’ depuis une année, nous partage ses savoirs sur « Kolo filew », la calebasse ornés par des cauris. Cette calebasse est encore appelée « Guita Filew ». D’après elle, c’est une tradition qu’on pratique depuis des décennies. Surtout pendant les périodes de noces, les jeunes filles se regroupent chaque soir pour chanter en jouant le « kolo filew » comme instrument de musique symbolique. Mais cela à un sens, car si tu te marie sans que cela ne soit pratiquée, on te critique tout en disant que « on n’a pas joué le ‘’kolo filew’’ pour ta mère ». Une sorte d’insulte pour d’autres et une honte qui pousse certains à aller en aventure. « Si on ne joue pas cet instrument lors de ton mariage, cela veut dire que tu n’es même pas une femme », a-t-elle ajouté. Elle précise qu’avant, c’est la seule calebasse du ‘’Kolo filew’’ qui recevait des dessins. Mais, qu’aujourd’hui les choses ont changé.

Jouer le ‘’Kolo Filew’’ lors du mariage a un prix. Selon la vendeuse de poisson séché, avant, si c’est une jeune fille qui se mariait, on le joue de 200 000 F à 300 000 F. Payer cette somme est obligatoire, même maintenant. Car, selon elle, on ne le dit pas à un enfant né après le mariage, qu’on n’a pas payé l’argent de ‘’Kolo Filew’’ pour ta mère, sinon il va mourir.

La calebasse avec ses mythes !

« Pratiquer ce travail sous cet arbre, est un souvenir pour nous. On l’a hérité de nos parents, depuis le temps du Président Moussa Traoré », indiquent des femmes qui recousent les calebasses fissurées. Elles sont en groupe , elles recousent la calebasse à l’aide d’un fil et d’une aiguë. On les appelle « filew kalalaw » en langue bambara et plus connu au Mali sous le nom de ‘’Koulé’’. Dans ce même marché, on tend le micro à l’une d’elles, Kadia Dembélé, également vendeuse de calebasse. Elle coud les calebasses fissurées et dit grâce à ce travail, elle arrive à subvenir à ses besoins. « Malgré que c’est un dur labeur, je le fais au grand marché Ntènè depuis mon enfance et dans tout autre lieux à un prix qui dépend de la gravité de la fissure de la calebasse. On nous surnomme à cause de ce travail ‘’Koulew’’, c’est ce qui nous décourage souvent. Nous sommes les descendants des forgerons. C’est un métier comme les autres, même les peuhls le font », a-t-elle dit avec un regret.

On ne se marie pas au Mali sans la calebasse, est-ce toujours une réalité ?

Fatoumata Sirifo revient sur les difficultés en cette période de crise sécuritaire. En tant que vendeuse de calebasse, elle précise qu’actuellement on en trouve peu à cause de la crise sécuritaire que nous vivons. Dit-elle, avant le prix était abordable et on l’a trouvait en grand nombre. « J’achète pour stocker chaque année. Avant, le colis coûtait 30 000F et des fois à 25 000F pour 30 à 40 calebasses ». Selon elle, c’est en cette période de fraicheur qu’on trouve la calebasse. Elles viennent de Touna, Kononbougou, etc. Elle révèle que, les gens viennent timidement pour acheter la calebasse. Par unité, les prix varient entre 500F, 1000F et 2000F, cela dépend aussi du volume de la calebasse. Pour Bintou Founè Kanta, dite Maman Koroba, on transportait les calebasses dans beaucoup de localités telles que : chez les Maraka, les Bozo, dans des pays comme le Sénégal, Abidjan etc… mais actuellement elles rencontrent beaucoup de difficultés. « Que faire, c’est le marché et souvent la tendance change », a-t-elle dit avec regret.

Le mois de décembre, c’est aussi la période des mariages. Dans ce passage réservé uniquement pour les vendeuses de calebasses, une cliente du nom de Kadidiatou Sanogo, vient d’acheter des calebasses pour sa fille qui se marie. Elle nous dit l’importance de la calebasse parmi le trousseaux de mariage. « C’est une tradition. On ne doit jamais l’oublier. Le faire c’est bien. Malgré cela, il faut reconnaitre que de nos jours c’est chère. Je viens d’acheter des calebasses à 1000F par unité, ce qui fait que beaucoup de gens vont vers des tasses et n’utilisent pas la calebasse alors que ça nous protège », a-t-elle laissé entendre.

D’où vient la calebasse ?

On ne peut pas parler de calebasse, sans faire un détour par Touna, une localité connue pour la production et la commercialisation de calebasse. Touna se situe à 63 km de Ségou et à 20 km de Bla. L’UJRM s’y est rendu le 21 décembre 2023, lors dans de sa tournée régionale à Ségou. Et, y a été accueillie par le chef de village et son conseiller dans sa concession.

Sous le hagard, les membres de la délégation de l’UJRM entourent le chef de village de Touna, assisté par son conseiller. Enthousiastes, attentionnés par cette histoire de calebasse, ils fixent tous un regard vers ces deux notabilités. Assis sur la natte, le chef de village de Touna et son conseiller nous plongent dans l’histoire.

79 ans, vetus en boubou multicolore avec un chapeau bien en vue sur sa tête, il s’appelle Bandjougou Tangara, conseillé du chef de village de Touna, indique que, cette ville tire la plupart de ses ressources de la culture et de la commercialisation des calebasses. Plusieurs hommes pratiquent cette culture à Touna, presque dans toute la commune. Ce qui fait que la calebasse est à inscrire au titre des richesses de Touna. Selon lui, on ne peut pas parler de tous les biens fait de la calebasse. Il dit que la calebasse est un médicament. Elle est utilisée par les femmes et par les hommes pour beaucoup de raisons, comme objets d’art, spirituel, et pour le trousseau de mariage. Et, est utilisée contre tout ce qu’on peut considérer comme mauvais œil lors du mariage, aussi par les guérisseurs traditionnelles et beaucoup d’autres dans la vie.

Plus explicite, dans son champ, le conseiller du chef de Village de Touna, nous parle de la culture de calebasse. Il indique que, c’est au mois d’août qu’ils cultivent la calebasse, une fois dans l’année et pour une durée 6 mois. « On l’arrose pas. Elle se nourrie par l’eau de pluie et par l’ engrais traditionnelle (fumure organique).

Les interdits de la calebasse

La femme ne cultive pas la calebasse et il est interdit aux femmes de rentrer dans le champ de calebasse au moment que la plante donne des fleurs. Dans le cas contraire, ce champ ne fleurira plus jamais. Le remède contre cet interdit, selon le conseiller du chef de village, c’est un médicament fait à base de noix de Karité. Les femmes ne sont pas les seules à subirent cette interdiction. Pour les hommes, si tu veux cultiver le champ de calebasse tu dois être propre, exempte de toute souillure, sinon ce champ ne va pas fleurir.

En outre, l’UJRM se tourne vers les fournisseurs de calebasse. A Touna, elle s’adresse à Madani Sogoba, commerçant, cultivateur et vendeur de calebasse au bord du goudron où on aperçoit des colis de calebasse prêts à transportés. « Cela fait 4 ans que je suis dans le commerce de calebasse, le prix dépend de la qualité et du volume. Le colis varie entre 2 500F, 15000F, 17500F, 10 000F, 12 500F, 20 000F, 25 000F. Par détail, en dehors de Touna, c’est-à-dire les localités où on transporte la calebasse surtout en dehors du Mali, on vend en unité et en gros. Le prix du transport, est fixé entre 500 à 600F par colis. Les calebasses qu’on exporte viennent de Touna et dans ses villages environnants », a-t-il précisé. Avant d’ajouter que c’est une culture traditionnelle, qui a tendance à devenir un métier qui les aide énorme à subvenir à leurs besoins. Mais, il a levé le voile sur des difficultés : le prix n’ont abordable comme dans les deux dernières années ; le changement climatique qui joue énormément sur la production et la commercialisation de calebasse, surtout en cette période de crise.

Bintou COULIBALY


Voir en ligne : La calebasse : une fierté de la tradition africaine aux multiples usages

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.