Education > Droit et esclavage en Afrique de l’Ouest : Les scientifiques interrogent les textes et les traditions

Droit et esclavage en Afrique de l’Ouest : Les scientifiques interrogent les textes et les traditions

lundi 30 octobre 2017, par Assane Koné

Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Assétou Founé SAMAKE MIGAN, a présidé, hier lundi, l’ouverture des travaux du colloque scientifique international sur l’esclavage au Mali au campus universitaire de Badalabougou. Le thème au centre de ce rendez-vous de haut niveau est « Droit et esclavage en Afrique de l’Ouest ».

La cérémonie d’ouverture des travaux a enregistré la présence des représentants des ambassades et des organisations internationales accréditées au Mali, de l’ambassadrice du royaume du Danemark ; de l’Ambassadrice de la France au Mali, Evelyne DESCORPS ; de la présidente du Conseil de l’université des sciences juridiques et politiques de Bamako ; du directeur général de l’ENA, des doyens et vice-doyens des universités de Bamako, des représentants des universités et organisations partenaires, des invités venus d’Afrique, d’Amérique et d’Europe, des enseignants chercheurs, des étudiants, etc.

Le Colloque international Droit et esclavage en Afrique de l’Ouest est une initiative du Laboratoire d’études et de recherche en droit, décentralisation et développement local (LERDL) de l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB) et du département d’histoire de la School of Oriental and African Studies (SOAS), de Université de London (Angleterre) en partenariat avec l’Institut français de Bamako et la représentation malienne de l’Association du Barreau américain.

Il vise à contribuer à l’identification, l’évaluation et à la comparaison des normes juridiques issues des traditions et textes locaux par des sociétés dites esclavagistes et post esclavagistes en Afrique de l’Ouest.

Dans son mot de bienvenue, le recteur de l’USJPB, le Pr Bakary DJIRE, a tenue à saluer et remercier tous les participants, notamment ceux venus de l’extérieur du Mali pour prendre part à ce rendez-vous scientifique.

Dans ses propos, il a déploré le fait notre pays et certains de ses voisins soient classés en zone rouge dans plusieurs chancelleries qui conseillent à leurs ressortissants d’éviter de s’y rendre, et cela à cause de la situation qui prévaut actuellement dans notre région sahélienne. « Cela fait mal, surtout lorsqu’on sait que la menace terroriste est partout, sous diverses formes, certes ; mais partout, elle est présente. Et ce ne sont pas avec des réactions de frayeur, de repli sur soi, de mise en quarantaine des pays fragiles, qu’on va la faire reculer », a-t-il craché.

De son avis, l’agenda proposé est très riche et il en ressort que tous les contours du sujet, dans le temps et dans l’espace seront abordés.

Les exposés concerneront l’évolution historique, les études contemporaines, les considérations sociologiques et économiques, le cadre juridique. De même, il y aura une réflexion approfondie qui sera menée sur ces thèmes avec le souci d’apporter des éclairages utiles non seulement au législateur, mais également à tous les autres acteurs impliqués dans la lutte contre les pratiques avilissantes.

A l’entame de son propos, le ministre Assétou Founé SAMAKE MIGAN, a tenu, au nom du Premier ministre, à indiquer qu’au-delà de l’intérêt scientifique, la tenue de cette rencontre à Bamako est un acte de solidarité hautement symbolique envers le peuple malien meurtri par la violence et les attaques des groupes terroristes. C’est pourquoi, elle a tenu, au nom du Premier ministre et de l’ensemble du gouvernement, a exprimé la gratitude du Mali aux participants venus d’autres pays africains, des Etats Unis et d’Europe pour participer au colloque scientifique.

Alors qu’elle devrait être aux côtés du Chef de l’Etat en visite à Kayes, l’importance de l’évènement, a-t-elle fait savoir, a amené les plus hautes autorités à décider qu’elle reste. Afin de témoigner de l’intérêt du gouvernement Malien pour le sujet et exprimer sa reconnaissance aux partenaires et aux participants, notamment à ceux venus d’ailleurs.

Pour le ministre, le Colloque international Droit et esclavage en Afrique de l’Ouest organisé par l’Université de Bamako et ses partenaires, est une initiative heureuse qui s’inscrit parfaitement dans la vision de son département qui veut ramener la réflexion sur les grands sujets de la nation et du monde contemporain au niveau des universités, entre chercheurs, en premier lieu.

Selon le chef du département en charge de la recherche, la question de l’esclavage interne est un sujet dont on parle relativement peu ici en Afrique de l’Ouest et les principaux discours qui se font entendre dans la sous-¬région sont relatifs à la traite atlantique et les régions côtières.

Malheureusement, a-t-elle déploré, on mentionne rarement les zones de l’hinterland comme le Mali. Pourtant la réalité est que notre pays fut aussi un important carrefour de la traite jusqu’à la fin du XIXe siècle.

« Si officiellement l’esclavage n’existe plus, il est difficile de nier qu’il existe des survivances de nos jours », a-t-elle soutenu. De même, a-t-elle reconnu, la question du trafic contemporain des êtres humains est une réalité pour des individus et souvent des groupes sociaux.

Au ministre de constater que le sujet est régulièrement débattu par les organisations de la société civile et les organismes internationaux pour répondre à la mise en place de législations internationales sans pour autant engager une réflexion approfondie sur ces pratiques, dans la durée.

« Certes, toutes les formes d’esclavages sont à condamner en ce sens qu’il s’agit de discrimination flagrante ; mais il est difficile de nier que certaines formes sont plus déshumanisantes que d’autres. La traite des Noirs qui a vu le commerce de millions d’Africains transportés en Amérique est sans commune mesure avec la forme pratiquée par nos sociétés traditionnelles. », a-t-elle indiqué. C’est pourquoi, dans son intervention, elle a invité les chercheurs à se pencher, sans complexe sur le sujet et de proposer des éclairages scientifiques, des réponses objectives.

« Un débat entre universitaires chercheurs et acteurs de la société civile ne peut qu’aider à mieux comprendre les questions complexes comme le phénomène de l’esclavage et de proposer les moyens idoines de le combattre », a-t-elle dit. Toujours selon le ministre de l’enseignement supérieur, l’esclavage doit être perçu comme une violation des droits humains et le colloque offre une occasion d’invoquer les instruments existants relatifs à l’esclavage.

De par ailleurs, il offre aussi un cadre pour faire l’état des lieux des différents types d’esclavage. Le gouvernement de la République du Mali, selon son représentant, soutient toutes les formes d’émancipation et appui aux initiatives allant dans ce sens. En l’occurrence, il soutient les initiatives de recherche et de réflexion sur le sujet car, il est toujours plus facile de légiférer sur les sujets sociaux lorsqu’ils ont fait l’objet d’une large concertation et d’une réflexion approfondie. Elle s’est dite convaincue que les meilleurs textes de loi seront insuffisants pour atteindre le résultat escompté sans la nécessaire sensibilisation des acteurs.

Selon ses organisateurs, ce colloque aura une approche à la fois historique, juridique et anthropologique pour parler de l’esclavage. Au cours de ces trois jours, les experts vont partager leurs réflexions pour mieux appréhender les héritages contemporains de l’histoire de la traite et de l’esclavage en Afrique de l’Ouest, notamment en termes de discrimination envers les descendants d’esclaves.

Par Zié Ouattara


Voir en ligne : Droit et esclavage en Afrique de l’Ouest : Les scientifiques interrogent les textes et les traditions

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.