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La MINUSMA et les FAMA à Tombouctou : 48 heures de patrouilles avec des journalistes

mercredi 13 avril 2016, par Assane Koné

Depuis plus d’un an, la patrouille mixte Forces de sécurité malienne/Minusma opère à Tombouctou. Organisée de jour comme de nuit, elle a permis d’instaurer un climat de confiance entre les populations et les forces de sécurité. Du coup, la population vaque à ses occupations, malgré les attaques répétées des bandits armés. Une équipe de journalistes a séjourné du 5 au 7 avril 2016 dans la Cité des 333 saints pour s’enquérir de l’état des patrouilles. Reportage !

Après 1 h 40 de vol, l’avion transportant les journalistes atterrit ce jeudi 5 avril à l’aéroport de Tombouctou. Il est 16 h 05. Le soleil est toujours accablant. Descendent de l’appareil, plusieurs militaires des forces onusiennes, des civils et des journalistes représentant « Les Echos », « Le Républicain », « Info-Sept », « Radio citoyen ».

Un homme de taille moyenne, un Blanc, aux allures déterminées se dirige vers nous. Piergorgio Pagliamonga, c’est son nom. Il est le responsable de l’information et de la communication de la Minusma à Tombouctou. Après les salamalecs, il nous briefe sur le programme de la mission qui consiste à accompagner la patrouille mixte FAMa/Minusma.

« C’est bien que les journalistes viennent s’imprégner de ce qui se passe sur le terrain en termes de sécurité », se félicite-t-il. Après ce « be to be », il nous invite à prendre place dans une Toyota blindée. Direction le « Super camp » de la Minusma, à quelques encablures de l’aéroport et contigu au camp des forces Barkhane (les forces françaises).

Entrer au « Super camp » n’est pas chose aisée. Cela suppose plusieurs contrôles au niveau des check-point. Le premier check-point est tenu par d’intraitables militaires du contingent libérien. Ils ont eu l’instruction de ne laisser personne entrer dans le camp sans le badge de la Minusma.

La Kalach en main, la tête complètement enturbannée, exceptés les yeux, c’est un soldat bien « bâti » qui avance et demande les badges au responsable de l’information du bureau de la Minusma de Tombouctou. Il brandit le tien au militaire. Jusque-là pas de problème. Il se tourne vers nous et nous demande de lui montrer nos badges M. Piergorgio s’explique : « Ce sont des journalistes, ils sont avec moi et ont été invités par la Minusma ». On se dit la seule présentation peut suffire.

Erreur ! Nous sommes confrontés au refus catégorique du soldat qui, d’ailleurs, alerte sa hiérarchie. A défaut des badges, le chef de poste demande de lui remettre nos cartes d’identité pour les enregistrer. Au bout de cinq minutes, les choses rentrent dans l’ordre. L’autorisation de lever la barrière est donnée. Nous voici dans l’imposant « Super camp » de la Minusma qui sera bientôt le nouveau QG des forces Minusma basée dans la Cité des 333 saints. La voiture blindée s’immobilise devant le QG du contingent salvadorien.

Juste après que le véhicule eut stationné, deux militaires, armes au poing et pistolets accrochés au niveau de la taille se dirigent vers nous. M. Piegorgio sort du véhicule et les rencontre. Il s’explique aux deux soldats. La conversation se fait en anglais. Nous sommes accueillis avec sourire par un troisième soldat, qui nous conduit dans une grande chambre (conteneur) climatisée.

A peine rafraîchis, le chef communication demande qu’on rende une visite à l’imam de la Grande mosquée de Djigareyber, Ben Essayouti. Pas de problème ! Rencontrer l’imam Essayouti est toujours un grand privilège ne serait-ce que pour ses bénédictions. Après 15 minutes de trajet, la voiture s’arrête à côté de la Grande mosquée. Non loin de là, se trouve le camp des FAMa.

Sur les dents}

Trois minutes de marche sont nécessaires pour arriver chez l’imam. A l’étage, l’imam Essayouti, nous reçoit dans un imposant salon à l’allure divine. Après les salutations d’usage, l’imam se prête à nos questions.

Sans autre forme de procès, j’introduis les raisons de notre présence à Tombouctou et chez lui. Il se félicite de la démarche et laisse entendre que c’est un plaisir pour lui de rencontrer des journalistes venus de si loin le rencontrer et échanger sur les sujets locaux et nationaux.

« Comment se porte Tombouctou sur le plan sécuritaire ? » L’imam, le regard figé répond : « Dans l’ensemble, on ne se plaint pas trop ». Il faut dire qu’au lendemain de la signature de l’accord d’Alger et de Bamako, la situation sécuritaire va mieux, mais depuis quelques semaines, les choses se dégradent avec des attaques répétées contre des forains. L’imam rappelle les actes de banditisme, les enlèvements de véhicules en plein jour dans la ville de Tombouctou. Une situation qui le désole. « Les populations ne peuvent pas se déplacer et aller tranquillement à Goundam et dans les villages environnants de peur d’être dépouillées par des hommes armés dont nous ignorons la provenance », souligne-t-il.

D’où viennent ces attaques ? L’imam Essayouti donne ses explications : « La région est très vaste, les frontières sont très difficiles à contrôler et nos forces de sécurité n’ont pas les moyens adéquats pour traquer les bandits ».

Pourtant, la Minusma est présente dans la ville, réplique-je ? Il observe un silence et répond sur un ton d’impuissance : « Ils disent qu’ils n’ont pas mandat de traquer les bandits sauf en cas de légitime défense ». La solution peut donc venir d’où alors ? « Tant que les FAMa n’ont pas les moyens aériens, je veux dire les hélicoptères de dernière génération pour mener à bien leurs missions, les populations seront toujours inquiétées et il sera difficile que la sécurité revienne ».

A ses dires, l’insécurité a un impact négatif sur le développement socio-économique de la région. « Nous ne savons plus quoi faire », dit-il. Toutefois, le saint homme se dit optimiste pour le retour de la paix. « La situation va changer. Tombouctou a toujours connu beaucoup de péripéties et a toujours été convoitée ce, depuis Sonni Ali Ber ».

Après une heure d’échange, nous sommes de retour au « Super Camp », en attendant l’heure de la patrouille mixte nocturne prévue pour 22 h 30. A 18 h, le dîner est servi. On déguste un savoureux mets salvadorien. A 22 h 40, alors que nous dormions, un militaire salvadorien tape à notre porte et nous demande à partir pour la patrouille.

A côté du check-point à l’entrée du QG, deux blindés à bord, Remco Leon, policier et chef de la patrouille et son collègue également policier (néerlandais) nous attendent. Les journalistes prennent place dans l’arrière du 4x4 blindé. Le second blindé, une sorte de BRDM léger (le Bastion), est occupé par une dizaine de soldats nigérians.

Avant d’arriver au QG de la Minusma, situé au centre-ville, le chef de la patrouille nous explique que les patrouilles sont organisées de nuit comme de jour à Tombouctou et dans les villages environnants. Il s’agit de patrouilles mixtes Forces de sécurité malienne/UNPOL. « L’essentiel, c’est de faire en sorte que les populations vaquent à leurs affaires. Et témoigner l’engagement de la Minusma et des forces maliennes en faveur de la paix », relève M. Remco.

Au QG de la Minusma, on change de voiture. Zanou Constant, un policier du contingent béninois revenu de congés est chargé de nous conduire. Il nous demande de le suivre dans sa voiture blindée. Dans un blindé, nous n’avons pas vu la nécessité de porter des gilets pare-balle et autre casque. Remco et son collègue néerlandais remontent dans le blindé.

A 23 h 20, les trois blindées quittent le QG se suivent et s’arrêtent devant le commissariat de police de Tombouctou. Remco Leon et Constant Zanou descendent de leur véhicule et échangent avec le commissaire malien. L’opération est coordonnée. Au bout de cinq minutes, un pick-up de la police malienne avec à bord dix éléments et un autre de la garde malienne (trois gardes) prennent la tête du convoi.

La patrouille peut commencer.

Il est 23 h 42, les cinq véhicules se suivent. La ville est calme, les rues sont dessertes, Tombouctou dort. Les grandes artères, les rues et ruelles sont sillonnées. Nous ne croisons aucun véhicule, ni motocycliste. Sur deux ou trois artères, des groupes de jeunes prennent du thé, sans être inquiétés par la patrouille, pendant que les derniers boutiquiers s’apprêtent à fermer.

Nous profitons des causeries sur la vie au Bénin pour demander à Zanou le mode opératoire des patrouilles mixtes. De ses explications, il ressort que la patrouille nocturne est organisée par la police malienne et appuyée par la police de la Minusma.

L’avantage de la patrouille, selon le policier onusien, « est de dissuader les bandits, redonner confiance à la population et maintenir la pression ».

Est-ce que la patrouille a une fois interpellé des suspects ? M. Zanou, sous réserve d’une réponse de sa hiérarchie, assure qu’il n’a pas connaissance qu’un suspect ait été interpellé. « Le temps que j’ai passé ici, on n’a jamais eu de problème avec qui que ce soit ». A peine finit-il sa phrase que son talkie-walkie sonne. Quelqu’un de la hiérarchie veut savoir le nombre de policiers coté malien pour la patrouille. Ce coup de fil ne lui est pas destiné.

C’est le chef de la patrouille Remco, depuis son talkie-walkie, qui répond : « Je suis surpris ce soir par la présence de dix policiers maliens ». Après cette conversation, ma curiosité me pousse à demander le policier onusien M. Zanou sur le mot « surprise » auquel fait allusion M. Remco. « Oui ! D’ordinaire la police malienne sort avec trois ou quatre éléments », signale le policier béninois.

Aux environs de 2 h du matin, je me suis souvenu du pacte que le responsable communication a signé dans la soirée avec les éléments de garde du « Super camp » : « Ne pas dépasser 2 h du matin sous peine de ne pouvoir rentrer dans le camp ». Je demande à Zanou de rentrer au camp. Il prend son talkie-walkie et transmet notre message au chef de la patrouille et à la police malienne. La patrouille prend fin prématurément à 2 h du matin ce soir-là.

Dans 2 ans, la paix définitive…

Mercredi 6 avril, la seconde patrouille part pour Koriomé (à 19 km de Tombouctou et situé au bord du fleuve dont les activités sont concentrées sur la pêche) et Kabara (moins de 10 km). Cette fois-ci seuls les policiers de la Minusma la mènent. Le chef de la patrouille se nomme Zanou Constant. Il fait en sorte que nous ayons chacun un gilet pare-balle et un casque.

Malgré un soleil de plomb, nous sommes obligés de les porter. Il est 12 h 30, les deux blindés prennent la route de Koriomé. Chemin faisant, un policier allemand de la patrouille, du nom Mathias, nous entretient sur le tronçon Koriomé-Tombouctou. Il rappelle que l’axe a été refait en partie par la Minusma. « Les véhicules ne pouvaient pas bien circuler à cause du sable ».

Sur la route de Koriomé, je lis la peur sur le visage de deux confrères. L’un d’entre eux me confie que notre voiture pouvait sauter sur une mine ou qu’on pouvait être attaqués par des terroristes. Je le rassure en lui disant que nous sommes dans des blindés. Il réplique que deux voitures blindées dont un seul de combat ne pouvaient pas nous sécuriser.

Il me conseille de porter mon gilet pare-balle et mon casque dans la voiture même blindée. Du coup, je pense que je pouvais être un martyr, quand bien même dans le document de voyage de la Minusma, j’ai signé avant d’embarquer dans l’avion que la Minusma n’est pas responsable de ce qui pourrait m’arriver durant mon séjour.

Arrivés à Koriomé, les deux blindés se garent et les militaires nigérians sortent et se positionnent sur les abords du fleuve. Le chef de la patrouille, Zanou, et son collègue allemand, Mathias, nous demandent de nous approcher du seul militaire malien en poste (les autres sont absents). Il nous conseille de porter nos gilets.

Pendant que les policiers UNPOL se mettent en marge, assis sur un canapé sous un hangar, le jeune soldat, un sergent très engagé nous entretient sur la situation sécuritaire. Selon lui, « tout va bien à Koriomé. La population vaque tranquillement à ses occupations et la collaboration avec cette dernière est parfaite ». Quels sont les difficultés ? Avare en mots, il répond qu’il n’y en a pas. Et la collaboration avec la Minusma ? « Elle est parfaits ! RAS. Elle est surtout basée sur les renseignements et c’est tout ». En prenant congé de lui, il nous demande de sensibiliser la population pour qu’elle continue à collaborer franchement avec eux.

Cette collaboration, la population est déterminée à l’entretenir. « Les forces de sécurité, c’est nos fils, nos frères, nous sommes à leurs côtés. Et nous allons leur donner toutes les informations et dénoncer les personnes suspectes », réaffirme un habitant de Koriomé. Après une vingtaine de minutes, nous voici sur la route de Kabara, situé à une dizaine de kilomètres de Tombouctou ville.

Sur les deux sens de la route de Kabara, on aperçoit des jeunes travailler sans nullement s’inquiéter d’une éventuelle arrivée de terroristes. Ils cultivent des champs de riz. Dix minutes en voiture nous permettent d’arriver à Kabara, un village qui, jadis, était un des fiefs des terroristes à cause de la présence d’un dépôt de carburant d’une multinationale.

Le séjour à Kabara nous permet de mesurer l’impact des patrouilles pour la population. Habitant du village D. M. félicite de l’arrivée quotidienne des forces onusiennes dans son village : « Qu’ils continuent sur cette lancée, même si nous n’avons pas connu de danger jusque-là ». Après la patrouille proprement dite, nous nous entretenons avec les chefs d’opérations sur le terrain : FAMa et Minusma. La rencontre permet d’avoir une idée claire de l’intervention, l’implication de chaque force et la collaboration qu’il y a entre elles.

Dans un camp réhabilité, le colonel Oumar Diarra, commandant de la zone militaire FAMa de Tombouctou parle surtout de la sécurisation des populations, les moyens pour y parvenir, les cas de voitures volées, leurs destinations et la collaboration avec la Minusma, ainsi que la réalité de l’application de l’accord d’Alger sur le terrain.

Dépourvus de moyens aériens, les soldats, selon le colonel Diarra, « sont néanmoins déterminés à exécuter toute mission à eux assignée ». Il précise que les FAMa sont parfois épaulées dans leurs missions à travers les renseignements fournis.

Le lieutenant-colonel, Sylvain du Pontavice, chargé des opérations militaires du secteur ouest de la région de Tombouctou, apporte des éclaircissements. Pour lui, la Minusma n’agit que quand elle est attaquée, quand elle est en légitime défense. Elle peut intervenir au cas où la population civile est menacée.

Malgré les attaques répétées contre la Minusma, les FAMa, la population, selon le lieutenant-colonel, ne désespèrent pas. Il promet que : « d’ici deux ans, la paix va revenir à condition que tout le monde s’y mette ». Il ajoute que « le Mali est sur la bonne voie. Il suffit de mettre la pression sur tout le monde ».

Juste après la rencontre avec le lieutenant-colonel Sylvain, c’était au tour du général suédois de la Minusma, Torbjorn Larsson de rappeler le mandat de la Minusma. « Nous sommes au Mali afin que les groupes armés et l’Etat malien regardent dans la même direction pour la paix ».

La mission prend fin avec la présentation et la visite des hélicoptères du contingent salvadorien.

Amadou Sidibé
(envoyé spécial)


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