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Esclavage par ascendance en pays Sarakolé : IBK interpelé

lundi 29 octobre 2018, par Assane Koné

En sa qualité de garant de la constitution malienne IBK est fortement interpelé face au phénomène de résurgence de l’esclavage par ascendance dans le pays Sarakolé.

Depuis des mois, dans le pays sarakolé, contrairement aux prescriptions de l’article 2 de la constitution malienne, des Maliens ne naissent pas et ne demeurent pas libres et égaux en droits et en devoirs. En contradiction totale avec le principe d’égalité entre les citoyens qui fonde la république, des individus, piqués par on ne sait quelle insecte, ont décidé de nous imposer des pratiques moyenâgeuses. Ils sont encore au stade de voir en certains de leurs concitoyens des esclaves. Du coup, au regard de la gravité de ce qui se passe aujourd’hui dans le pays sarakolé, Ibrahim Boubacar Keita, Président de la République et Chef de l’Etat du Mali, qui a « juré devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi », est interpellé.

Youssouf Sissoko, né en 1950 à Djandjoumé, Commune de Gogui, Cercle de Nioro du Sahel, père de 7 enfants, vit un drame depuis le 4 janvier 2018. En effet, ce jour-là, à pratiquement 68 ans, délégué par le conseil de sa famille, il est allé déclarer à Hamey Coumba yattabaré, que lui et les siens cessaient la fonction d’esclave. Mieux, il a souhaité que désormais, seuls des relations de fraternité doivent les lier.

Dans le Mali de 2018, et en pays Sarakolé, pendant la période des travaux champêtres, il y a encore des maliens (toute une famille) qui doivent travailler les samedis et les dimanches dans le champ du maître, en occurrence Hamey Yattabaré. Et, tout absent doit lui verser par jour la somme de 1000 FCFA.

Pire, lors des cérémonies, notamment fêtes, mariages, baptêmes et décès…, le vieux Youssouf Sissoko et sa famille sont astreints à se rendre dans la famille Hamey Yattabaré. Lorsque les femmes de la famille Youssouf Sissoko font la cuisine et le ménage, les hommes deviennent des bouchers et assurent la corvée en bois de chauffe.

C’est ce à quoi, Youssouf Sissoko et les siens ont décidé de mettre le 4 janvier 2018. Et, comme, il fallait s’y attendre, en guise de représailles Hamey Yattabaré a délimité la cour d’habitation des Sissoko et leur a signifié qu’elle ne leur appartenait plus. Et, comme cela ne suffisait pas, le 25 mai 2018, Hamey Yattabaré a signifié à Youssouf Sissoko et les siens qu’ils ne pourront plus cultiver le champ légué par leurs ancêtres et que leur famille exploitait depuis plus de 188 ans.

« Immédiatement, nous sommes allés nous plaindre chez le Maire de Gogui, il nous a dit qu’il ne peut rien, mais qu’il prenait acte pour le témoignage au besoin. Ensuite, nous nous sommes adressés au Sous-préfet qui nous a dit qu’en cas de procès, il sera prêt à témoigner et n’a donné aucune consigne. Après, nous sommes allés voir le Préfet de Nioro du Sahel, ce dernier a dit qu’il prend acte et que c’est au Sous-préfet de le saisir du problème et non les victimes ». Désespéré face à ce que l’on pourrait considérer comme un « déni » de justice de la part de l’administration malienne, c’est en ces termes que Youssouf Sissoko est venu se plaindre à Temedt, Association malienne pour la consolidation de la paix, le développement, la protection et la promotion des Droits humains, qui s’est dédiée à la lutte contre l’esclavage par ascendance au Mali.

Malheureusement, dans le Mali démocratique sous Ibrahim Boubacar keita, le cas de Youssouf Sissoko n’est pas un cas isolé dans le pays Sarakolé. Et, si l’Etat ne prendre pas le taureau par les cornes, il faut craindre que les citoyens maliens considérés comme des esclaves, excédés par les représailles, ne se mettent dans des logiques d’autodéfense.

Aujourd’hui, au Mali, en pays Sarakolé, dans les villages des cercles de Kayes, Yélimané, Diéma, Nioro, Nara, Baraouéli, Banaba et une partie du cercle de Kita, de nombreux citoyens maliens sont victimes d’exactions, parce qu’ils refusent d’être esclave de qui que ce soit.

« Je ne suis pas esclave de quelqu’un et je n’accepte pas d’être esclave de quelqu’un », la déclaration a été faite par Hammet Coulibaly, de Kérouané dans la commune de Gourouméra, dans le cercle de Diéma et non moins président pour le cercle de Diéma de l’Association rassemblement malien pour la fraternité et le progrès (GANBANA).

Le 25 octobre 2018, il a fait un témoignage émouvant et pathétique, lors de l’atelier de plaidoyer pour l’adoption de la loi portant répression de l’esclavage et des pratique assimilées au Mali, organisé par Temedt, dans le cadre de son projet de plaidoyer pour l’émancipation et le renforcement des capacités des leaders du secteur informel.

« Dans tout le pays sarakolé, tous ceux qui ont des noms de famille à consonance bambara, comme Coulibaly, Traoré, Diarra, Dembélé, Koné, Keita, Sissoko, …sont aujourd’hui tous considérés comme des esclaves et traités comme tel », a indiqué Hammet Coulibaly. Avant d’ajouter que l’esclave ne peut pas être élu maire. Il n’a pas le droit de devenir Imam, même s’il est un érudit. La veuve de l’esclave ne fait qu’à peine deux mois de veuvage pour se remarier. Pire, il dira que tous ceux qui refusent le statut d’esclave sont mis sous embargo. Aucun boutiquier du village n’a le droit de te vendre quoi que ce soit. Tes animaux ne peuvent plus paitre dans les pâturages à la lisière du village. Même en cas de décès personne ne te soutien pour l’enterrement.

« Si le pays avait une justice et une administration digne de nom, je suis convaincu que la loi allait être dite. Parce que les maliens sont égaux en droit et en devoir », a-t-il indiqué. Avant de regretter le fait qu’aucun soit disant maître d’esclave n’a été inquiété par la justice malgré les exactions qu’ils font subir à leurs concitoyens qu’ils considèrent comme leurs esclaves.

De Djandjoumé (Nioro) à Troungoubé, en passant par Tafassirga, Bahara, Béma, Diéma et Kérouané, ce sont au moins une trentaine de citoyens qui été victimes d’exactions allant jusqu’à des coups et blessures, sans compter les centaines de personnes molestées et humiliées publiquement, parce qu’ils ont simplement osé dire qu’ils ne sont pas esclaves de qui que ce soit. Et, chose grave, incompréhensible et inadmissible, aucun Chef de brigade de gendarmerie, aucun Sous-préfet et aucun Préfet, dans ces zones n’a osé lever le petit doigt pour protéger les victimes d’exactions du fait de l’esclavage par ascendance.

La résurgence de l’esclavage par ascendance viole en plusieurs points la constitution malienne

Or, il se trouve qu’en plus des conventions internationales signées et ratifiées par le Mali, le pays, dans le titre premier de sa constitution consacré à « DES DROITS ET DEVOIRS DE LA PERSONNE HUMAINE », une série d’articles sont claires en la matière.

Au Mali, « la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne », nous dit l’article premier de la constitution. Or, il se trouve aujourd’hui que dans le pays sarakolé des citoyens maliens ne sont plus sacrés. Ils ne sont pas inviolables, parce que battus comme des bêtes de sommes, jusque dans leur domicile.

Au Mali, « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée », comme le prévoit l’article 2 de la constitution. Mais, comme aucune autorité ne veut lever le petit doigt pour faire respecter cette disposition constitutionnelle, des individus se permettent de s’offrir des esclaves sur mesure, en s’installant dans la discrimination fondée sur l’origine.

Au Mali, l’article 3 de la constitution dispose que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants. Tout individu, tout agent de l’Etat qui se rendrait coupable de tels actes, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi ». Aujourd’hui, dans le pays sarakolé, cet article 3 de notre constitution, est violé à longueur de journée. Parce que des citoyens maliens y sont torturés, y subissent des sévices et traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants, du fait d’autres maliens qui se payent le luxe au nom de la soit disant pureté de leur sang.

Selon l’article 6 de la constitution malienne, « Le domicile, le domaine, la vie privée et familiale, le secret de la correspondance et des communications sont inviolables. Il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi ». Mais, voilà que seulement le 24 octobre 2018, aux environs de 23 heures, à Kérouané, ce sont des ressortissants de 3 villages qui se sont donnés rendez-vous dans la famille de Hammet Coulibaly, pour faire des blessés et des dégâts matériels considérables. Pire, au lieu de bénéficier de la protection de l’Etat du Mali, à travers la gendarmerie, deux de ses jeunes frères qui se sont armés d’armes blanches pour se défendre au cas où cette furie humaine allait franchir le seuil de leur famille, sont aujourd’hui dans les violons de la gendarmerie. Droit où est-tu ? Justice, où te caches-tu ?

Il faut que les autorités maliennes se réveillent et prennent ce dossier à bras le corps, si non la constitution de ce pays n’aura plus de sens. En effet, dans son article 12, il est dit que « Nul ne peut être contraint à l’exil. Toute personne persécutée en raison de ses convictions politiques ou religieuses, de son appartenance ethnique, peut bénéficier du droit d’asile en République du Mali ». Voilà, le Mali qui s’engage à accorder un droit d’asile à toute autre personne qui serait persécutée chez lui, qui peine à éviter que des citoyens maliens ne soient contraints à l’exil par le fait d’autres citoyens maliens, qui ne leur laissent pas d’autres choix que de fuir leurs contrées, s’ils refusent le statut d’esclave.

L’article 13 de notre constitution qui dispose que « Le droit de propriété est garanti. Nul ne peut être exproprié que pour cause d’utilité publique et contre une juste et préalable indemnisation », ne veut rien dire aujourd’hui pour certains dans le pays sarakolé. Oui, à longueur de journée des citoyens maliens sont dépossédés de tous leurs biens, champs et concession, par d’autres maliens à qui ils refusent de se soumettre au nom de l’esclavage par ascendance. Mais ce qui est encore plus grave est que la constitution malienne dans son article 24 a prévu que « Tout citoyen, toute personne habitant le territoire malien a le devoir de respecter en toutes circonstances la Constitution ». Mon œil, si au nom de la pratique de l’esclavage par ascendance, des citoyens maliens ont été aveuglés et refusent de respecter la constitution du Mali, c’est à l’autorité légitime de les rappeler à l’ordre. Et cette autorité légitime n’est personne d’autre que Ibrahim Boubacar keita, Président de la république du Mali. Au terme de l’article 37 de la constitution, avant d’entrer en fonction, il a prêté serment devant la Cour Suprême et a « juré devant Dieu et le peuple malien … de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi… ».

En s’accrochant à la résurgence de l’esclavage par ascendance, des maliens dans le pays sarakolé ont décidé de violer la constitution malienne. En pareille circonstance et dans un souci de maintenir l’ordre public force doit rester à la loi. En sa qualité de garant de la constitution malienne, le Président de la république doit rapidement mobiliser la force publique à sa disposition pour mettre fin à ce problème qui prend de l’ampleur chaque jour que dieux fait dans les cercles de la région de Kayes.

Si les autorités maliennes refusent de s’assumer, il ne faut pas être surpris que les victimes soient contraintes de se rendre justice. Mais, au pire des cas, des organisations internationales extérieures à notre pays pourront s’intéresser à ce dossier et ce sera une très mauvaise publicité, si non une publicité de trop pour notre pays.

Assane Koné


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