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Exposition « 60 ARTS » : L’artiste Noumouké Camara accuse Lassana Igo Diarra de l’avoir censuré

lundi 21 septembre 2020, par Assane Koné

L’artiste Noumouké Camara a-t-il été censuré par Lassane Igo Diarra de la Galerie Médina dans le cadre de l’exposition de célébration des 60 ans d’accession du Mali à la souveraineté nationale ? L’artiste jure la main sur le cœur qu’il a été victime d’une censure. Mais quel est le problème ?

La censure est définie comme la limitation arbitraire ou doctrinale de la liberté d’expression de chacun. Elle passe par l’examen du détenteur d’un pouvoir (étatique ou religieux par exemple) sur des publications, des pièces de théâtre, des films ou diverses œuvres d’art, avant d’en permettre la production et la diffusion au public.

Au regard des faits dénoncés par l’artiste Noumouké Camara, est ce qu’il fait l’objet d’une censure, en nous fondant sur la définition de la censure ?

A l’occasion de la célébration des 60 ans d’accession du Mali à la souveraineté nationale, la Galerie Médina a décidé d’organiser une Exposition intitulée « 60 ans d’indépendance de la créativité malienne ». Dans le cadre de cette exposition dont le vernissage est prévu pour le 22 septembre 2020, à partir de 16h30 au Musée national du Mali et ensuite à la Galerie Médina, les artistes, toutes les disciplines confondues, avaient été invités à la « mobilisation » pour une réflexion plastique, littéraire, musicale sur les 60 ans à venir et les 60 ans passés. L’Appel à proposition, dont la date limite était le 16 septembre 2020, avait précisé que des œuvres historiques et contemporaines pouvaient être proposées.

Une des deux œuvres querellées

C’est dans le cadre de cet Appel à proposition et soucieux de participer à la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance du Mali que Noumouké Camara, l’un des précurseurs de l’art plastique graphique au Mali, a décidé de proposer 2 œuvres contemporaines. Début sûrement d’une nouvelle série d’œuvres, l’artiste a placé son travail sous l’angle de la thématique : « les problèmes du Mali et d’Afrique : à chacun sa réponse ».

Tout compte fait, l’artiste maître de l’écriture graphique a réalisé deux tableaux d’une extrême beauté et c’est tout heureux qu’il les a proposées à l’exposition. Tout porte à croire que les deux œuvres ont été sélectionnées. Car Lassana Igo Diarra, Directeur de la Galerie Médina nous a indiqué que c’est au moment de l’accrochage des œuvres au Musée National du Mali que des employées du Musée se sont offusquées et cela l’a interpellé.

Donc, la décision fut prise de ne pas exposer les deux œuvres de Noumouké Camara dans le cadre de cette exposition. Dans tous les cas de figure, l’artiste Noumouké Camara n’arrive pas à s’expliquer cette décision de Lassana Igo Diarra. Il estime que ses œuvres n’engagent que sa personne et en aucune manière Lassana Igo Diarra ne doit prendre la lourde responsabilité d’attenter à sa liberté d’expression en tant qu’artiste.

Et, sur la question dans une vidéo diffusée le 19 novembre 2019, sur Youtube par Olivier Salgado, (https://www.youtube.com/watch?v=j9R9UM8eaSE), Noumoutié Camara a été on peut être plus clair. « Chez moi, il n’y a pas de tabou. Quand je vois quelque chose dans la société, Je me dis qu’on peut peindre. Ça veut dire qu’on peu en parler. Chez moi le tabou n’existe pas. Je suis contre ça. Je dis ce que je pense et je peins ce que je pense. J’explique le bien fondé de la matrice, si ça vous intéresse tant mieux… ».

De son côté Lassana Igo Diarra s’offusque du fait que l’artiste n’ait pas adopté la démarche qui consiste à peindre une nudité poétique qui passe mieux dans les esprits. Mais, en plus du fait qu’il estime que la nudité est exposée de manière violente dans les 2 œuvres proposées par Noumouké Camara, il a aussi dénoncé la grandeur du format des œuvres.

Dans le contexte malien, Lassana Igo Diarra pense qu’au Mali, on n’a pas encore atteint ce niveau de compréhension pour exposer de façon publique des œuvres ostentatoires en matière de nudité. « Dans le cadre d’une exposition rétrospective dans le contexte de la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance du Mali, je ne peux pas assumer l’exposition de telles œuvres », a déclaré Lassane Igo Diarra. Et, d’ajouter que des enfants pourraient passer voir cette exposition.

Une des deux œuvres querellées

Ici, nous avons deux visions inconciliables à l’heure actuelle qui s’affrontent. L’artiste Noumouké Camara qui s’accroche à sa liberté artistique qui frise la liberté d’expression à travers une liberté de création qu’il revendique haut et fort et Lassana Igo Diarra qui pense que sa responsabilité ne lui permet pas de tout exposé, n’importe quand, n’importe comment et n’importe où.

Sans le vouloir, ce conflit entre l’artiste Noumouké Camara et le galeriste Lassana Igo Diarra, pose le problème de la liberté artistique. En effet, DEEYAH KHAN, Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour la liberté artistique et la créativité, est convaincue que : « Le droit des artistes de s’exprimer librement est menacé partout dans le monde. L’art a un pouvoir extraordinaire d’exprimer la résistance et la rébellion, la protestation et l’espoir. Il apporte une contribution essentielle à toutes les démocraties prospères ».

Selon l’UNESCO : « La liberté artistique est la liberté d’imaginer, de créer et de distribuer des expressions culturelles diverses sans censure gouvernementale, interférence politique ou pressions exercées par des acteurs non étatiques. Elle comprend le droit de chaque citoyen d’accéder à ces œuvres et est essentielle au bien-être des sociétés ». Et, l’UNESCO a précisé que la liberté artistique regroupe un ensemble de droits protégés en droit international :

• le droit à la création sans censure ni intimidation ;
• le droit au soutien, à la diffusion et à la rémunération des activités artistiques ;
• le droit à la liberté de circulation ;
• le droit à la liberté d’association ;
• le droit à la protection des droits sociaux et économiques ;
• le droit à la participation à la vie culturelle.

Assane Koné


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