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Uranium : Le partenariat entre Areva et le Niger dénoncé par une ONG

jeudi 28 novembre 2013, par Assane Koné

Entre 1971 et 2010, l’Etat nigérien n’aurait touché que 13% de la valeur d’exportation totale de l’uranium extrait par le groupe français, selon l’ONG Oxfam.

Le partenariat entre Areva et le Niger, où le géant du nucléaire français extrait près de 40% de son uranium, est très défavorable à ce pays africain pauvre, a dénoncé l’ONG Oxfam, alors que les deux parties renégocient le contrat les liant.
« En France, une ampoule sur trois est éclairée grâce à l’uranium nigérien. Au Niger, près de 90% de la population n’a pas accès à l’électricité », constate le rapport d’Oxfam « Areva au Niger : à qui profite l’uranium ? », rendu public vendredi 22 novembre.

Au jeu des comparaisons chiffrées, le géant français paraît l’emporter largement sur le petit poucet sahélien. Le chiffre d’affaire d’Areva en 2012 est quatre fois et demi supérieur au budget de l’Etat nigérien - 9 milliards d’euros contre 2.
Entre 1971 et 2010, dernière année pour laquelle des chiffres sont disponibles, Areva et ses ancêtres, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et la Cogema, ont extrait 114.346 tonnes d’uranium du Niger, affirme Oxfam, qui se base sur des données de l’Association nucléaire mondiale.

Le Niger n’aurait touché que 13% de la valeur d’exportation

Mais l’Etat nigérien n’aurait touché sur cette période que 300 milliards de francs CFA (environ 459 millions d’euros), à peine 13% de la valeur d’exportation totale estimée à 2.300 milliards de francs CFA (plus de 3,5 milliards d’euros), observe Oxfam, qui se base sur une étude de l’ONG néerlandaise Somo.
« Il est incompréhensible que le Niger, 4e producteur d’uranium au monde, (...) ne tire pas davantage de revenus de cette exploitation et reste l’un des pays les plus pauvres de la planète », note Anne-Sophie Simpere, d’Oxfam France, l’auteure de cette enquête.

La faiblesse de cette redistribution est notamment liée à d’importantes exonérations - de droits de douane, de TVA, de taxes sur les carburants - dont bénéficie Areva et auxquelles le groupe français doit renoncer, plaide l’ONG. La version d’Areva est toute autre. « Depuis 40 ans, l’Etat du Niger a perçu 871 millions d’euros, c’est-à-dire 85% des revenus directs ; Areva 129 millions d’euros, soit 13% ; et 24 millions d’euros pour les partenaires directs étrangers, soit 2% », explique un porte-parole du groupe à l’AFP. En 2012, le rapport est de 70% des recettes globales pour le pays hôte, 27% pour Areva et 3% pour les partenaires, ajoute-t-il.

Renégociation du contrat d’exploitation

Le contrat d’exploitation de l’uranium nigérien arrive à terme au 31 décembre 2013. Sa renégociation occasionne un bras de fer intense entre Niamey et Areva, dont l’Etat français est actionnaire à plus de 80%. Oxfam incite Paris à exiger « transparence » et « équité » dans des discussions « historiques » pour le Niger.
Mais la France, « censée être un modèle » de probité, devient « totalement opaque » « quand il s’agit d’une entreprise française », remarque Anne-Sophie Simpere, qui pointe une « incohérence » hexagonale. Le développement du Niger est en jeu. L’uranium représentait plus de 70% des exportations du pays en 2010, mais à peine 5,8% de son PIB, pointe l’experte d’Oxfam. Or, le Niger, dernier Etat au monde en terme d’indice de développement humain, selon l’ONU, a cruellement besoin de ressources.

Le pétrole rapporte déjà plus

« Areva, c’est 40 ans de pillage de nos sous-sols », peste Ali Idrissa, coordinateur du Rotab, une organisation nigérienne. Ramatou Solli, du Gren, un mouvement proche du Rotab, dénonce de son côté les conséquences « environnementales » et « sociales » de l’exploitation d’uranium, selon elle sans réelles contreparties pour le pays. «  Avec une entreprise normale, il serait plus facile pour le Niger d’imposer ses vues qu’avec la compagnie nationale de l’ancienne puissance coloniale », estime Ali Idrissa. Le rôle fondamental du Niger dans la libération récente de quatre otages français - qui travaillaient sur un complexe d’Areva à Arlit - permettra-t-il de renverser la tendance ? Les deux Nigériens sont dubitatifs. « Cela ne va pas changer le rapport de force... »

Si deux mines d’uranium « ne peuvent financer seules le développement économique d’un pays de plus de 17 millions d’habitants », selon le porte-parole d’Areva, l’exemple du pétrole, dont le Niger est devenu un - petit - producteur l’an passé, peut faire réfléchir. « Avec moins de 20.000 barils/jour, le pétrole rapporte déjà plus que l’uranium au Niger », remarque Oxfam. Et d’ajouter : « certes, le pétrole vaut cher, mais les contrats ont aussi été mieux négociés ».

(Avec AFP)

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