Politique > Tiébilé Dramé : « Faute de vision, faute de stratégie, notre Gouvernement s’est remis totalement à l’Algérie »

Tiébilé Dramé : « Faute de vision, faute de stratégie, notre Gouvernement s’est remis totalement à l’Algérie »

mercredi 6 août 2014, par Assane Koné

Dans une interview qu’il a accordée à Malijet au siège de son parti, le président du Parena, Tiébilé Dramé, aborde les questions brûlantes de l’actualité, notamment les négociations avec les groupes armés et l’Accord de Ouagadougou. Tiébilé Dramé parle aussi des 10 mois de gestion du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita et de ce qui l’oppose à ce dernier. Nous vous proposons en deux parties l’interview à nous accordée par le Président du Parena.

En 2007, Tiébilé Dramé et Ibrahim Boubacar Kéita étaient ensemble dans le FDR. En 2012, après le coup d’Etat du capitaine Sanogo, les deux étaient encore ensemble dans un autre FDR. Aujourd’hui pendant qu’IBK est au pouvoir, Tiébilé Dramé s’est inscrit dans l’opposition. Au fait, qu’est-ce qui oppose les deux hommes ?

Ecoutez, il y a eu un évènement majeur dans ce pays, un évènement grave qui est le coup d’Etat du 22 mars 2012. C’est une question essentielle, importante, une ligne de démarcation entre ceux qui ont soutenu le coup d’Etat, ceux qui se sont opposés au coup d’Etat et ceux qui ont montré beaucoup d’ambigüité vis-à-vis du coup d’Etat. Ceux qui se sont retrouvés au sein du Front uni pour la démocratie et la République ont opposé une résistance démocratique à l’interruption des institutions de la République. Il y en a d’autres qui ont eu une autre appréciation de la situation, qui ont montré des positions louvoyantes, ambigües. Je crois que cela a été la principale ligne de démarcation entre nous et d’autres. C’est pourquoi nous ne nous sommes pas retrouvés dans le même camp que celui qui est devenu le président de la République. Au Parena, nous avons, dès les débuts, condamné le putsch du 22 mars 2012, et nous l’avons combattu. Nous n’avons eu aucune forme de compromission avec la junte de Kati et nous en avons tiré les conséquences jusqu’au bout.

Le 12 juillet dernier, lors d’une conférence-débat organisée par la jeunesse du Parena, vous avez fait le diagnostic des 10 mois de gestion du président IBK. Vous disiez : « Jamais depuis l’indépendance, le Mali n’a été dans une situation aussi difficile, aussi fragile ». Est-ce que ce jugement n’est pas trop sévère ?

Jugez-en vous-mêmes ! La quasi-totalité du Nord est aux mains des groupes armés. Le drapeau du MNLA flotte sur Djébock, à 40 km de Gao. Le drapeau du MNLA flotte sur Ber, à 60 km de Tombouctou. Les groupes armés ont traversé le fleuve Niger. Ils se trouvent aujourd’hui dans le Gourma malien, c’est à dire au sud du fleuve Niger. Et sur le plan économique, tout le monde sait les difficultés que le pays traverse. Le Mali est bloqué, les affaires ne marchent pas, l’économie est grippée et nous avons les relations extrêmement difficiles avec la communauté financière internationale, avec ceux qui en mai 2013, à Bruxelles, ont décidé, généreusement, de venir en aide au Mali. Et ces amis du Mali, pays et organisations, ont été obligés de suspendre leurs contributions financières sous la forme d’aide budgétaire à notre pays en attendant la clarification d’un certain nombre de questions liées à des décisions malheureuses prises par les autorités qui dirigent notre pays : à des marchés douteux et opaques, achat d’un second avion présidentiel. Toutes choses qui montrent aujourd’hui que les pouvoirs publics actuels n’ont pas le sens des priorités dans un pays qui sort à peine du gouffre. N’est-ce pas ? C’est pourquoi nous avons dit que jamais le Mali n’a été dans une situation aussi difficile et nous avons ajouté ce jour-là que jamais le leadership malien n’a été autant faible, que jamais la crédibilité intérieure et extérieure d’un gouvernement n’a été autant entamée depuis l’indépendance de notre pays. C’est dans ce même contexte que nous nous sommes rendus aux négociations prélminaires d’Alger et c’est dans ce même contexte que nous allons nous rendre aux négociations sur le fond le 17 août prochain.

Vos critiques envers le pouvoir actuel ont-elles quelque chose à avoir avec la relation peu cordiale entre le Président IBK et votre beau-père, l’ancien Président Alpha Oumar Konaré ?

Je suis dans l’action publique depuis l’adolescence, depuis le lycée. Mes positions politiques ne sauraient être dictées par des considérations autres que celles qui sont relatives aux principes, aux valeurs auxquels croit le Parena et qui fondent notre engagement dans la vie publique.

[ NB : A l’issue de l’entretien, M. Dramé a tenu à préciser ceci :

Vous avez dit dans votre introduction que le Président IBK et moi avons fondé en 2007 un regroupement qui s’appelait le FDR. À cette époque mon beau-père et IBK ne se parlaient pas. Je suis un acteur politique indépendant. Mes positions ne s’inspirent de considérations de ce genre.]

Selon vous qu’est-ce qui manque à la gouvernance actuelle ?
Il manque à la gouvernance actuelle de l’humilité, de la vision. Il lui manque le sens de la mesure et des priorités. Il lui manque la juste mesure de la gravité de la situation du pays. Autrement il n’y aurait pas eu toutes les dérives qui ont caractéisé la première année du mandat du Président. Autrement, il y aurait eu d’autres priorités que les dépenses de prestige telles que l’acquisition, à coup de milliards, d’un nouvel avion pour les voyages du Président, les travaux de rénovation de la résidence privée du Président, la construction de nouveaux bureaux de luxe à Koulouba pour le Président et ses collaborateurs. S’il y avait le sens de la mesure et des priorités, il n’y aurait pas cet étau de la famille du Président sur les institutions du pays en si peu de temps. S’il n’y avait pas manque de vision et de stratégie, le Nord ne nous aurait pas échappé aujourd’hui.

Le manque de vision nous a conduits dans un immobilisme profond dans la gestion de la question du Nord, l’immobilisne nous a conduits à la visite aventureuse du Premier ministre à Kidal le 17 mai et cette visite nous a conduits aux évènements graves et douloureux du 21 mai à l’issue desquels le Mali est sorti humilié et affaibli. Ce qui est regrettable, ce qui me peine, c’est que le président de la République a couvert de son autorité l’aventurisme et les déclarations guerrières du Premier ministre qui nous ont conduits au 21 mai : jour noir, jour douloureux, jour triste pour le peuple malien.

Certains pensent que vous êtes très critiques parce qu’IBK ne vous a pas reconduit à votre poste de Conseiller spécial du Président chargé de conduire le processus de négociation après l’Accord de Ouaga que vous avez fait signer pendant la Transition

Vous savez, ces genres de considérations sont totalement dérisoires. Il s’agit du pays. Comment peut-on choisir l’opposition et espérer être conseiller du Président ? Si je n’étais mû que par mes intérêts personnels, qu’est-ce qui m’aurait empêché de faire comme beaucoup d’autres qui ont décidé de soutenir IBK au premier ou au deuxième tour ? Beaucoup de Maliens comme beaucoup d’étrangers savaient qu’IBK allait être élu pour les raisons évidentes que nous connaissons tous. Parce qu’il avait le soutien de la junte de Kati. Si je n’étais mû que par mes intérêts, pour quelle raison je n’aurais pas fait comme les autres. Non, soyons sérieux, il s’agit de notre pays. Il s’agit de politiques et de stratégies pouvant permettre à notre pays de sortir de l’abîme, de l’ornière. Si je souhaitais avoir un quelconque poste dans la gouvernance actuelle, il était beaucoup plus simple pour moi de soutenir le candidat IBK. Je ne l’ai pas fait. J’ai fait le choix que vous connaissez.. Ce choix fait consciemment m’ a conduit dans l’opposition. Je suis dans l’opposition. J’y reste. Et je trouve normal que le président s’entoure dans la conduite de sa gouvernance de femmes et d’hommes qui l’ont soutenu. Je suis plutôt heureux de ne pas être associé ni de près ni de loin à la façon dont le Mail est géré aujourd’hui.

Le gouvernement malien et les groupes armés viennent de signer un accord sur la feuille de route des négociations à Alger. Quelle est votre opinion là-dessus ?

D’abord je me réjouis que notre gouvernement après de longs mois de tergiversations, d’atermoiements ait pris le chemin du dialogue politique. Je me réjouis que le processus politique ait été, enfin, sur les rails. Et je salue tous ceux qui ont aidé et aident le Mali. Je salue l’Algérie pour ses efforts comme je salue le Burkina et la CEDEAO.

Ensuite, je crois qu’il est important dans l’intérêt de notre pays que nous conservions le contrôle et la maîtrise du processus de sortie de crise. Or, faute de vision, faute de stratégie, notre gouvernement s’est remis totalement à notre voisin et notre frère, l’Algérie. Je pense que si le Mali n’a pas de vision, s’il n’y a de plateforme malienne, le risque est que le processus de résolution de la crise nous échappe. C’est pourquoi le Parena a proposé avec le reste de l’opposition qu’il y ait une table ronde opposition-majorité élargie aux autres forces vives du pays pour qu’ensemble, parce qu’il s’agit du Mali, parce qu’il ne s’agit pas d’IBK ou personne d’autre, il s’agit de notre patrimoine commun, que nous puissions discuter et élaborer une position, une plateforme, une vision maliennes que les négociateurs du gouvernement iront défendre à Alger. Dans les circonstances actuelles où notre pays est fragile, où nous nous rendons aux négociations sur une position de faiblesse, où le rapport des forces sur le terrain n’est pas à notre faveur, il est indispensable que ce qui va être discuté, ce qui va nous engager à Alger ait la caution, le soutien de tout le pays. Et pour avoir le soutien et la caution de tout le pays, il faut aller au-delà des concertations de type cosmétique qui ont eu lieu à Koulouba le 24 juillet. Il faut des concertations sérieuses sur le fond afin que nous ayons une plateforme malienne reflétant la volonté de l’ensemble de notre nation pour parvenir à une solution juste et démocratique de la question du Nord.

Que peut-on encore négocier avec les groupes armés ?

Il est heureux que les groupes armés aient accepté de confirmer les engagements qu’ils ont pris à Ouagadougou au mois de juin 2013 consignés dans l’Accord préliminaire de Ouagadougou. Il est heureux que notre gouvernement soit enfin revenu à cet Accord de Ouagadougou. Vous êtes au Mali ici. Pendant de longs mois vous avez vu que notre gouvernement donnait l’impression de se méfier de l’Accord de Ouagadougou. Vous avez vu que notre gouvernement donnait l’impression que l’Accord de Ouagadougou n’était pas favorable au Mali. Or, cet accord est favorable au Mali. Dès le mois de juin 2013, cet Accord avait consigné l’acceptation du principe de l’intégrité du territoire national, l’acceptation du principe de l’unité nationale, l’acceptation de la forme laïque et républicaine de l’Etat. Et au-delà, il avait été également prévu un redéploiement progressif des forces armées et de sécurité du Mali dans toutes les régions du Nord y compris à Kidal, comme il était prévu le redéploiement progressif de l’administration malienne et des services techniques de base du Mali dans toutes les régions du Nord. Cela, notre gouvernement ne l’a perçu malheureusement qu’après les graves évènements du 21 mai 2014. C’est dommage. Nous avons perdu 10 longs mois d’immobilisme, d’atermoiement qui ont conduit à un pourrissement de la situation. Et c’est ce pourrissement de la situation qui nous a conduits à la visite aventureuse du Premier ministre et aux évènements du 21 mai.

Encore une fois je profite de l’occasion que vous me donnez pour lancer un appel au président de la République, chef de l’Etat dont personne ne conteste sa légitimité, dont personne ne conteste l’élection, il est le président du Mali et il a été élu pour conduire le processus de sortie de crise. Les Maliens lui ont fait confiance parce qu’ils ont cru qu’il était le mieux placé pour récupérer Kidal, pour résoudre la crise du Nord. Alors, après près d’une année d’atermoiement, les négociations vont commencer sur le fond à Alger. Monsieur le Président avant d’envoyer vos plénipotentiaires à Alger pour négocier, réunissez les forces vives du pays, discuter de ce qui va être débattu à Alger, dégager une position malienne, ayez une proposition malienne résultant de concertations. C’est l’intérêt de notre pays.

Cela est d’autant plus important qu’il y a eu le 17 mai, le 21 mai. Cela est d’autant plus important que les groupes armés font leur loi dans la quasi-totalité du Nord du pays. Alors la mobilisation de tout le pays est importante et d’ailleurs, nous avons le 24 juillet dernier au nom du Parena remis au chef de l’Etat un mémorandum contenant un certain nombre points. Nous disons qu’une fois que les négociations ont commencé, que le Mali demande que les groupes armés retournent aux positions d’avant 17 mai.

Je crois qu’il y a des réalités, on a beau voulu être indulgent ou complaisant vis-à-vis des pouvoirs publics qui dirigent le pays aujourd’hui, on ne peut pas les cacher, on ne peut pas les occulter. Leur responsabilité est entière dans l’humiliation du pays, dans l’immobilisme qui nous a conduit à cette humiliation du pays. Alors, nous les invitons à un peu de modestie, un peu d’humilité pour la suite du chemin qui reste à faire, qui est long, qui est difficile.

Vous venez de qualifier la visite du Premier ministre Moussa Mara à Kidal d’aventureuse. Pourtant dans l’Accord de Ouagadougou que vous avez fait signer, il était prévu un retour de l’administration à Kidal et le cantonnement des groupes armés. Le Premier ministre étant le premier responsable de l’administration, car chef du Gouvernement, pourquoi alors devait-il renoncer à ce voyage ?

Ecoutez, si nous sommes allés négocier à Ouagadougou, c’est parce que le Mali s’est effondré en 2012. Parce qu’il y avait une rébellion qui a entrainé un coup d’Etat militaire. Un coup d’Etat militaire qui a entrainé l’effondrement de l’Etat et de l’armée et toutes choses qui ont entrainé l’occupation des 2/3 du pays. Le monde est venu à notre secours. A partir de là, il s’agissait de s’engager dans une dynamique politique progressive de restauration de la souveraineté du Mali sur l’ensemble du territoire. Si Kidal était comme Sikasso ou Ségou, le Mali n’aurait pas été dans l’état dans lequel il est. Il ne faut pas être dans le déni de réalités. Si nous n’avions pas de problèmes à Kidal, le pays ne se serait pas effondré. C’est cette lecture de sagesse qui a manqué au gouvernement et au chef du gouvernement. La question n’est pas qu’il est interdit au chef de gouvernement se rendre là où il veut. Quand on gouverne, on doit mesurer les conséquences des actes que l’on pose, on doit mesurer les conséquences de ses propos et ne pas parler à tort et à travers. Personne ne conteste le droit légal et légitime du chef de gouvernement de se rendre là où il veut sur le territoire national, mais il se trouve que le Mali a un problème de restauration de sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Les actes du gouvernement doivent tendre à renforcer la restauration de la souveraineté du pays. Les actes du gouvernement ne doivent entrainer le rétrécissement de la souveraineté sur l’ensemble du territoire. Malheureusement, c’est ce que nous avons connu le 17 mai et jours suivants.

Après la motion de censure qui n’a pas eu l’avant de l’Assemblée nationale, est-ce que l’opposition continue de réclamer le départ du Premier ministre ?

L’opposition a déposé une motion de censure comme le fonctionnement de l’Assemblée nationale l’y autorise. C’est un acte de la vie démocratique. Mais il est évident, ce faisant, l’opposition ne se faisait aucune illusion sur l’issue d’une telle motion de censure. Et puis pour ne rien vous cacher, pour nous, le problème n’est pas le Premier ministre ou le gouvernement. Ils n’ont pas été élus. Le problème c’est le président. C’est lui qui s’est présenté devant les Maliens pour leur dire : "je suis l’homme de la situation, avec moi le Mali sera debout, avec moi Kidal sera libéré, avec moi le Nord sera pacifié". Nous attendons, depuis bientôt douze mois après, que toutes ces promesses soient réalité.

Donc franchement l’opposition à l’Assemblée a fait son travail mais en aucun moment, elle n’a donné l’impression que le problème central, c’est le Premier ministre ou le gouvernement. Ils n’ont pas été élus. Le problème c’est le président qui a été élu pour conduire le pays hors du gouffre. Il ne l’a pas encore fait, au contraire la situation du pays s’est aggravée. Donc à lui de se ressaisir.

Êtes-vous intéressés par un Gouvernement d’union nationale ?

Là n’est pas le problème, ce n’est même pas la solution au problème actuel du Mali. Le problème actuel du Mali, c’est que le président s’est trompé de pays. Oui, il s’est trompé de pays. Il a été élu dans un pays qui était sens dessus dessous, en crise totale : crise sécuritaire, institutionnelle, politique, occupation, rébellion, pays déchiré…. Quand on est élu à la tête d’un tel pays, on ne peut pas se comporter comme si ce pays est un pays normal. Le Mali n’était pas en septembre 2013 un pays normal, malheureusement il ne l’est pas en août 2014. Même si vous mettez en place un gouvernement d’union nationale demain et que le président continue à se comporter et à agir comme il le fait depuis 11 mois, le naufrage va se poursuivre. Il faut donc revenir sur terre, considérer que le Mali est un pays en crise, que le Mali n’est pas un pays normal et adopter des politiques en conséquence, apporter des remèdes en conséquence. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Le problème, c’est le diagnostic et cela implique comme politique des mesures, de sagesse, de bonne gouvernance. Avons-nous depuis onze mois, la gouvernance d’un pays qui est au fond du précipice ? Je vous pose la question vous messieurs les journalistes. Croyez-vous que ce que nous voyons sous nos yeux depuis bientôt onze mois est une gouvernance adaptée à un pays en crise ? L’inversion de priorités, le manque de sens de priorités, des choix contestables en matière de gouvernance, c’est cela la gouvernance d’un pays en crise ? Non. Il faudra que le président accepte de se remettre en cause, revoir totalement sa gouvernance et considérer qu’il n’est pas à la tête d’un pays normal. Quand il aurait fait cela, on pourra discuter du reste. Pas avant.

Le président de la République a affirmé au Maroc que le Parena l’a démarché pour rentrer au Gouvernement. Que lui répondez-vous ?

Oui, mais cela est dépassé. Il a parlé ainsi en avril dernier quand le Parena a publié son mémorandum sur l’impasse. Je crois que c’est dépassé parce que le secrétaire général du Parena a publié un communiqué demandant au président de dire qui l’a démarché pour cette audience, où cette audience a eu lieu, quand et en présence de qui ? Il n’y a pas eu de réponse et nous, nous considérons que c’est dépassé. Je crois que le président était sous le coup de l’émotion après la sortie du Mémorandum du Parena qui faisait un diagnostic sans complaisance de l’état du pays. C’était la première critique de fond de sa gestion....

………..........C’est quand même le président de la République qui l’a dit….............

Oui d’accord. On l’a démarché. Quels sont les détails ? Qui l’a approché ? L’audience a eu lieu où ? A Koulouba ? A Sébénicoro ou au siège du Parena ? En présence de qui ? Qui est témoin ? Ce sont des questions qui auraient permis d’éclairer la lanterne des Maliens.

Nous vous savons très engagé et fervent défenseur de la démocratie et des droits de l’homme. Cela, depuis le temps où vous étiez étudiant, leader estudiantin qui a fait la prison à plusieurs reprises sous le général Moussa Traoré. Vous avez été de ceux qui ont lutté pour l’avènement d’un Mali démocratique avec le CNID Faso Yiriwaton. Aujourd’hui, à 59 ans, vous continuez ce combat au sein de votre parti, le Parena. Il faut dire que le Parena est l’un des rares partis politiques au Mali qui se prononce régulièrement sur les sujets clés de la vie de la nation. Mais en dépit de l’ancienneté de votre parti et de sa régularité dans les débats politiques, vous n’avez actuellement qu’un seul député représenté à l’Assemblée nationale…. Comment expliquez-vous cette situation ?

D’abord il aurait été juste de dire qu’à l’issue du scrutin législatif, nous avons eu trois députés. Nous avons aujourd’hui, un député comme d’autres qui avaient terminé la course législative avec 5 ou 6, mais qui se retrouvent avec un seul. Ce sont malheureusement les réalités de la vie politique malienne, les textes maliens qui font qu’un député peut être élu sous une couleur et le lendemain se retrouve sous une autre.Cela dit, le Parena n’est pas un grand parti. Il fait partie je crois des partis moyens. Mais ce qui est important et vous l’avez dit, c’est la constance, la fidélité aux valeurs et aux principes du premier jour. L’engagement pour le Mali, l’engagement pour la démocratie. Et cela caractérise l’action de notre parti. C’est cette foi et cette flamme en nous qui sous-tendent notre combat de tous les jours et nous sommes déterminés à ne pas lâcher, parce que nous croyons à ce que nous faisons, nous croyons en notre pays, nous pensons qu’il va se relever. Il est en difficulté aujourd’hui mais il se relèvera. Nous, nous sommes constants dans notre combat, dans nos engagements. Le 21 mars 2012, nous avons multiplié les efforts pour empêcher le coup d’État et sauver la démocratie. En vain. Comme nous avons contribué à faire échouer un coup d’État dans la nuit du 10 au 11 janvier 2013, un putsch qui aurait plongé le pays dans le chaos. Nous croyons fermement à ce que nous faisons. Nous croyons fermement en notre pays et à son avenir, nous croyons fermement que nous allons y arriver, que le Parena y arrivera.

Vous évoquez le 21 mars 2012, mais au fond est-ce que ce n’est pas la classe politique qui est aussi responsable de cette situation, notamment à travers le consensus ?

.C’est une des raisons pour lesquelles il y a lieu de s’arrêter pour tirer les leçons de ce qui nous est arrivé. Pourquoi le pays s’est effondré ? Quand le ver est rentré dans le fruit ? Comment le ver a prospéré dans le fruit ? Pourquoi ce sont les sergents et les adjudants qui ont pris le pouvoir le 21 mars 2012 à Kati ? Pourquoi ceux plusieurs dirigeants de la majorité d’alors se sont précipités à Kati dès le 22 mars au matin ? Beaucoup étaient avec ATT et dès les 22, 23 mars 2012 ils ont rejoint les tombeurs d’ATT. Si nous ne tirons pas des leçons de cela, nous ne pourrions pas repartir de bon pied, nous ne pourrions pas reconstruire notre pays. Or, notre pays a besoin d’être reconstruit sur de nouvelles bases.

Quel est votre dernier mot à l’endroit de nos internautes ?

Que le Mali est dans une situation qui est grave. Que la situation de notre pays s’est détériorée bientôt ces 12 derniers mois. C’est évident. Encore une fois nous avions il n’y a pas longtemps un gouverneur à Kidal, nous avions le drapeau malien qui flottait sur Kidal, nous avions l’ORTM de Kidal qui dépendait du gouvernement central, nous avions les Fama à Kidal, nous avions les préfets, les sous-préfets à Kidal de la région, même quand on est à Kidal. Ils étaient là déjà et ils géraient leurs circonscriptions. Ils ont même organisé des élections : la présidentielle et les législatives depuis Kidal. Et qu’au moment où nous parlons tout cela est un triste souvenir. Nos forces ont dû se replier, l’administration n’est plus là. La situation du pays est grave. Les groupes séparatistes ont franchi le fleuve Niger. Ils sont au Sud du fleuve dans le Gourma.

Ça doit interpeller tous les Maliens sur la gravité de la situation. Que nos relations avec les partenaires techniques et financiers sont au plus bas. Ils ont suspendu le versement de l’aide budgétaire. Le pays est au bord d’une crise financière sérieuse dont nous devrons prendre la mesure. La réputation internationale du Mali est aujourd’hui ternie. Jamais la réputation d’un gouvernement, la crédibilité intérieure et extérieure d’un gouvernement n’a été autant entamée. Le pays est dans une situation fragile, difficile, il est important que nous en prenions conscience. Il est important que nous nous rendions à Alger pour des négociations sur le fond à un moment d’une fragilité grave. Cela suppose donc un sursaut et ce sursaut il faut le faire autour d’une vision. Cette vision pour le Mali, nous avons le devoir de l’élaborer ensemble. Cette vision pour le Mali doit être faite sur la base d’une politique d’humilité, de modestie, de sagesse, de prise de conscience que nous ne sommes pas dans une situation normale et par conséquent nous devons avoir une gouvernance faite de vertu, d’humilité. Que la gouvernance que nous avons vue depuis bientôt 12 mois est à revoir de fond à comble, qu’il faut la remettre en cause totalement si nous voulons préserver les chances de notre pays de se relever, de se redresser, si nous voulons préserver les chances du Mali de renaitre de la grave crise qui nous a valu la sympathie du monde.

Nous avons le devoir de nous rappeler que le monde s’interroge à notre sujet aujourd’hui, que nos partenaires qui étaient enthousiastes il y a 12 mois, aujourd’hui se demandent où va le Mali, qu’est-ce qui se passe au Mali. Que fait le Malien de la solidarité et de la générosité du monde ? Que font les Maliens de l’attention internationale dont ils ont bénéficié jusqu’ici ? Que font les Maliens de tout cela et quelle leçon les Maliens tirent de l’effondrement de leur pays ? Quand nous nous serions posé ces bonnes questions, nous nous devons d’indiquer quelles sont les solutions possibles pour préserver notre chance. Il ne faut pas griller toutes les chances du Mali de se relever. Je sais qu’il y a une forte conviction, que le Mali est un vieux pays, que nous sommes une vieille nation, que le Mali peut tanguer, mais que le Mali se relèvera. Cette forte conviction en nous doit être sous-tendue par des actes, par une gouvernance moderne et prévisible, une gouvernance faite de vertu. En somme, tourner le dos au politique de 11 et bientôt 12 derniers mois. C’est une invitation et cela on doit le voir tout de suite au sujet des difficiles négociations qui s’engagent en Algérie.

Malijet.com

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