Communiqués > Syndicat Libre de la Magistrature : revendique une Magistrature Indépendante et Responsable au Service d’une (...)

Syndicat Libre de la Magistrature : revendique une Magistrature Indépendante et Responsable au Service d’une Justice de Qualité

jeudi 16 octobre 2014, par Assane Koné

« Le climat délétère dans lequel sont installés les rapports sociaux entre le Gouvernement à travers l’administration centrale du ministère de la Justice et les syndicats des magistrats et des greffiers depuis votre prise de fonction nous interpelle tous fortement ». C’est par cette phrase sans équivoque le Sylima s’est adressé au Ministre Mohamed Bathily, dans une lettre ouverte. Lisez !

Bamako, le 14 octobre 2014

Lettre ouverte

à

Monsieur le Ministre de la Justice,
des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux

Monsieur le Ministre,

Le climat délétère dans lequel sont installés les rapports sociaux entre le Gouvernement à travers l’administration centrale du ministère de la Justice et les syndicats des magistrats et des greffiers depuis votre prise de fonction nous interpelle tous fortement.

Un grand nombre de faits illustrent ce climat préjudiciable à tous égards.

1. Le Syndicat Libre de la Magistrature (SYLlMA) et le Syndicat Autonome des Greffiers et Secrétaires des Greffes et Parquets (SYNAG) ont conjointement déposé leur cahier de doléances le 08 mai 2014. Cela n’a suscité aucune réaction de votre part (silence du Gouvernement)

2. Un rappel du dépôt de ce cahier vous été fait par lettre en date du 26 août 2014, reçue à votre Secrétariat le 27 du même mois, soit environ quatre mois (04) plus tard (silence du Gouvernement)

3. Cette lettre de rappel a été pour nous l’occasion d’attirer votre attention sur le constat qui était que, outre que la situation d’attente prolongée d’un mouvement prochain a créé une démobilisation au sein des juridictions, la fin très prochaine des grandes vacances scolaires augmentait l’angoisse chez les magistrats, du fait justement des nécessaires mesures de transfert ou d’orientation des enfants en cas d’affectation de leurs parents n dehors de leur lieu de résidence d’alors. Nous vous invitions en conséquence à procéder aux mutations pendant les vacances scolaires et judiciaires. (Là également, silence du Gouvernement)

4. A la veille de l’examen du projet de décret portant affectations et mutations des magistrats du parquet au mois de mai 2014, nous avons, par lettre adressée au Président du Conseil Supérieur de la Magistrature et dont une ampliation vous a été destinée, attiré l’attention de cet organe sur les divers manquements au droit que contenait ledit projet, ainsi que sur le risque d’affaiblissement des syndicats du fait du redéploiement massif des membres des bureaux en dehors de Bamako, dans des lieux où ils ne peuvent pas exercer correctement leur mandat (La lettre n’a pas été présentée par le Président au Conseil Supérieur de la Magistrature et vaus n’en avez dit mot).

Nous avions prévenu le Conseil Supérieur de la Magistrature sur les conséquences fâcheuses de se limiter aux affectations des seuls magistrats du parquet au lieu de procéder à un mouvement d’ensemble, comme Il a toujours été fait. Ses effets néfastes n’ont pas manqué de suivre : beaucoup de magistrats se trouvent ainsi relevés, de fait, et attendent depuis d’être redéployés, mais en vain ; certaines juridictions fonctionnent dans la plus grande illégalité, comme c’est le cas du Tribunal d’Instance de Bougouni où le Procureur de la République, comme partie au procès exclusivement, juge tous les jours en toutes matières .

5. Si l’affaire du Substitut du Procureur de la Commune IV du District de Bamako, Idrissa Hamidou Touré, a connu un dénouement disciplinaire et judiciaire heureux (le collègue a été absous por le Conseil de discipline et vos deux décisions ont été annulées pour irrégularité par la Cour Suprême), nous déplorons la hargne dont vous avez fait montre dans le traitement de ce dossier et qui sentait plus un relent de règlement de comptes personnels, extérieurs aux faits de la cause.

6. Votre refus obstiné d’engager le dialogue social, vos attaques publiques et répétées çà et là contre les juges et l’institution judiciaire, votre propension à étaler sur la place publique les affaires pendantes devant les juridictions, mêmes répressives, l’habitude que vous avez prise de vous adresser directement aux magistrats, même ceux du siège, en faisant fi des règles, notamment en court-circuitant la hiérarchie, les menaces et intimidations que vous exercez sur les magistrats qui vous résistent et s’en tiennent à la légalité républicaine et les représailles que vous leur réservez alors, cet ensemble de comportements nous édifient suffisamment sur la conception très particulière que vous avez de votre fonction de ministre.

Cette conception n’est pas la nôtre. Pour nous, en chaque titulaire d’une charge publique coexistent une personne publique et une personne privée entre lesquelles toute forme d’interférence est moralement malsaine et constitue son auteur dans l’abus et dans l’illégalité. Quand vous agissez, nous sentons davantage Monsieur Bathily que Monsieur le Ministre. Nous vous invitons à une perception plus républicaine de votre fonction, laquelle est une fonction sacerdotale dont vous n’avez pas la libre disposition.

La loi a mis entre les mains de l’autorité hiérarchique les moyens de corriger les manquements de ses subordonnés. Les humilier publiquement, susciter et encourager les actions qui bafouent leur dignité et leur autorité, les vouer à la vindicte populaire ne font pas partie de ces moyens. Nos valeurs sociétales nous enseignent que nous devons résister à de telles pulsions. Elles ne construisent pas. C’est le moins qu’on puisse en dire.

7. La Commission d’experts que vous avez mise sur place, dans le but de reformer la justice tel que cela ressort de votre Lettre de Recommandation en date du 08 août 2014, ne comprend que des avocats, à l’exclusion de toute autre composante de la famille judiciaire. Certes, les avocats désignés sont illustres ! Mais il s’agit hélas d’avocats dont on dit qu’ils sont assez proches du ministre de la justice. On craint que les travaux qui sont menés dans un tel contexte aient un parfum de travaux dirigés. Nous estimons que le prisme par lequel un avocat peut percevoir la justice, quelque soit son effort d’objectivité, peut être différent de celui d’un magistrat, d’un greffier, d’un notaire ou d’un autre membre de la famille judiciaire. Nous l’avons déjà dit, une composition composite retiendrait notre préférence au SYLIMA.

Sur le fond, les syndicats estiment qu’une évaluation du niveau d’application des divers textes de droit positif et de mise en oeuvre des dispositifs déjà existants sont plus appropriés que de s’encombrer ncore d’une reforme de plus.

Monsieur le Ministre, convenons-en que pour être appelés par l’Histoire à faire un bout de chemin ensemble, faisons en sorte que, au moment de la relève, nous puissions éprouver la fierté du citoyen qui peut s’enorgueillir d’avoir traversé la tourmente en gardant sa conscience sans tache. Du reste, chacun répondra de ses actes. L’enjeu est tel qu’il ne paraît permis à aucun citoyen de se réserver sur le sujet.

Et c’est ce que nous faisons en vous adressant la présente lettre ouverte dans l’espoir que vous allez enfin comprendre qu’un ministre qui dialogue ne se rabaisse pas ; qu’il se donne ainsi, au contraire, les moyens de réussir son mandat et de gagner, le pays avec.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.