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Roch Marc Christian Kaboré, président du mouvement du peuple pour le progrès (MPP) : « A Blaise de donner un contenu au dialogue »

samedi 27 septembre 2014, par Assane Koné

Aujourd’hui 23 septembre 2014, le président du Faso reçoit la majorité et l’opposition. Le MPP sera sans doute, à ce rendez-vous. Pour son président, Roch Marc Christian Kaboré, l’initiative présidentielle est bonne mais, il faut espérer qu’elle aboutisse à une solution consensuelle. Un mois pile, jour pour jour, que l’opposition a battu le macadam contre le référendum et l’article 37, les rumeurs de brouille au sein de la hiérarchie du MPP ? Fadaises ! répondra-t-il en substance, du dialogue constructif qui aurait permis depuis belle lurette, de résoudre certaines questions, il est partant. Et bien sûr, de sa candidature à la présidentielle de 2015. Dans cet entretien recueilli à la veille de ce face-à-face avec Blaise, RMCK dit (presque) tout, avec le ton apaisé qu’on lui connaît, mais avec ouverture et détermination.

Parlons de la marche du 23 août 2014, sous l’égide du Chef de file de l’opposition politique (CFOP). Elle a été qualifiée d’inédite et d’exceptionnelle. N’est-ce -pas exagéré ?

Tout le monde s’accorde à qualifier cette mobilisation d’inédite. La presse en a largement rendu compte et mérite d’être félicitée pour son objectivité. En tant que responsable politique, j’ai été heureux de voir les Burkinabè marcher, si nombreux, sur 8 kilomètres, dans la sérénité, dans l’ordre et la discipline, scandant des slogans sur la démocratie, la paix, la liberté et résolument opposés à toute idée de référendum pour réviser l’article 37 de la constitution qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux.

Au regard des enjeux, n’avez-vous pas été inquiet de la réussite de cette marche ?

A aucun moment, je n’ai craint pour la mobilisation le 23 août dernier, tout comme à chaque fois que nous appelons le peuple à manifester. On a pu sentir, malgré les intimidations et les tentatives d’entrave, la détermination du peuple burkinabè pour le changement qui s’est encore exprimée de manière remarquable.

La marche a été effectivement interdite par le maire de la ville de Ouaga, puis autorisée. Que s’est-il passé ?

L’essentiel est que la question a été traitée et résolue de manière responsable, par la négociation, entre l’autorité communale et le CFOP. Le reste appartient au passé.

D’aucuns affirment que la marche était une réponse aux déclarations du président du Faso, à l’occasion du sommet USA-Afrique aux Etats-Unis. Vrai ou faux ?

Cette marche est avant tout, l’expression d’un refus déterminé du peuple burkinabè de l’idée même d’un référendum destiné à réviser l’article 37 de notre constitution. Elle traduit un désir profond d’alternance. Bien sûr, les déclarations du chef de l’Etat à Washington, auxquelles vous faites allusion, ont contribué à renforcer l’engagement des populations.

A l’occasion à Washington, le président du Faso a déclaré qu’« il n’y a pas d’institutions fortes, s’il n’y a pas d’hommes forts pour poser les jalons de ces institutions, dans la durée ». Qu’en pensez-vous ?

Dans une démocratie, seules les institutions doivent être fortes, au-delà des dirigeants pris individuellement. L’idée d’hommes forts renvoie, me semble-t-il, aux Etats d’exception ou de non droit. Les hommes passent, mais les institutions demeurent. En tout état de cause, je pense que le Président du Faso devrait se méfier de certaines formules qui accentuent la fracture sociale et ne militent pas en faveur de l’apaisement et de l’unité du peuple burkinabè.

Le Président, le CDP, ainsi que leurs alliés, semblent déterminés à organiser le référendum pour modifier l’article 37. Comment appréciez-vous cette détermination affichée ?

Je ne sais pas si le Président est déterminé, comme vous le dites, puisqu’il a dit qu’il est dans la réflexion. Je souhaite que sa réflexion le conduise à une décision de rassemblement pour la paix et la cohésion nationales.

Avec la situation actuelle, l’atmosphère politique et sociale est anxiogène. Quel est selon vous, le meilleur moyen de préserver et consolider la paix et la cohésion nationale, aujourd’hui ?

Le respect de la constitution me paraît essentiel. C’est pourquoi la position de notre parti sur les velléités de lever la limitation du mandat présidentiel est sans équivoque : un référendum pour la révision de l’article 37 n’est pas juridiquement fondé, son illégalité et son inconstitutionnalité ont été suffisamment démontrées par d’éminents constitutionnalistes de notre pays. Il n’est pas politiquement défendable et pose un problème, au plan de la morale et de l’éthique en politique. Pour l’essentiel, la constitution doit recevoir une interprétation qui permette de consolider la démocratie et non d’en assurer le recul. Je rappelle que l’intention du législateur en 1991, puis en avril 2000, suite au rapport du Collège de sages, était bien d’interdire plus de deux mandats présidentiels. Fruit d’un consensus national, l’article 37, dans sa formulation actuelle, a été accepté par chacun pour garantir l’alternance et préserver la paix et la stabilité. Par ailleurs, toute tentative qui viserait à remettre en cause, après 27 ans de pouvoir, la limitation du mandat présidentiel serait un acte anticonstitutionnel, en ce qu’elle instaurerait un pouvoir personnel proscrit par notre constitution. En outre, le principe d’éthique et de respect de la parole donnée devrait interdire aux parties prenantes, y compris au Président Blaise Compaoré, de revenir sur les engagements pris en 2000 pour accepter les réformes politiques issues des travaux du Collège de sages, suite à la grave crise sociopolitique, consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons. En somme, la révision de l’article 37 ruinerait tous les acquis démocratiques obtenus au prix de mille efforts par le peuple burkinabè, depuis le 2 juin 1991.

Un député du CDP a récemment déclaré que le Burkina n’a pas encore produit de leader de la trempe de Blaise Compaoré. Que lui répondez-vous ?

De tels propos relèvent, à mon sens, de simples élucubrations, qui n’engagent que leur auteur. Je pense que le Burkina Faso n’est pas taillé à la mesure d’un homme, chaque citoyen étant appelé à participer à la construction du pays et, en conséquence, à prétendre exercer toutes les charges publiques de l’Etat.

Le Front républicain a lancé, depuis Gaoua, un appel au dialogue pour résoudre la crise actuelle. Quel est votre sentiment sur cet appel au dialogue ?

Dans le principe, nous ne sommes pas opposés au dialogue, à condition qu’il s’agisse d’un dialogue sincère et constructif et non d’une logique de duplicité. Vous voyez bien que, pendant que des appels au dialogue sont lancés, une proposition de loi initiée par le groupe parlementaire CDP, portant modification de l’article 37, a été commuée en un appel au Président du Faso pour le référendum. Est-ce cela la volonté de dialogue tant clamée ?

Aujourd’hui 23 septembre, tout comme la majorité, le chef de l’Etat Blaise Compaoré rencontre l’opposition. Qu’attendez-vous de cette rencontre ?

On espère que ce n’est pas une rencontre de plus. On ose penser que pour une fois, le président, dans la mesure où il était dans une réflexion, va proposer une solution qui permette d’œuvrer à l’unité du peuple. C’est pourquoi, cette rencontre, autant elle est source d’espoir, inquiète aussi, car il faut espérer que ce se soit pas une activité théâtrale, dont les résultats soient connus d’avance.

Les populations attendent, car la lassitude gagne, or, on semble tourner en rond. Concrètement, qu’est-ce qui peut sortir d’une telle audience ?

Je ne peux pas présager de ce qui va sortir de cette rencontre, puisque le président va rencontrer les partis membres de l’opposition, et ceux de la majorité. C’est à lui qu’appartient l’initiative. Ce n’est qu’au sortir de cette audience que nous saurons ce qu’il en est exactement. A ce moment, chaque camp se déterminera.

Il est question d’un gouvernement d’union nationale dans lequel figureront le MPP, l’UPC et d’autres partis de l’opposition. Vrai ou faux ?

En ce qui nous concerne, au MPP, nous n’entrerons pas dans un gouvernement dans n’importe quelles conditions. Je crois que le préalable est le respect de la constitution, c’est-à-dire que le mandat du président s’achève en 2015 et que l’orientation soit l’organisation d’une élection transparente, sans le président Blaise Compaoré. C’est cela, le préalable à toute forme de discussion.

Même avec un Premier ministre issu de vos rangs, avec des pouvoirs étendus, qui organisera la présidentielle, le MPP ne serait-il pas tenté ?

La question n’est pas celle d’un PM. Mais, celle du préalable. Si nous sommes d’accord pour respecter la constitution, il n’y a pas de problème mais, si c’est pour être là à tergiverser, à savoir s’il faut organiser un référendum, si le président peut avoir 5 ans, ce n’est pas la peine. Dans ce cas-là, même si on nous donne la primature, mieux vaut ne pas pactiser.

Que se passe-t-il exactement au MPP ? Des rumeurs font état de dissensions au sommet et même des démissions imminentes et pas des moindres !

Tout laisse croire que le MPP est la cible à abattre du CDP. Il s’agit, en réalité, d’une entreprise organisée de désinformation de nos adversaires politiques. Cela ne nous surprend guère et nous demeurons convaincus que, quelles que soient les méthodes utilisées, les instigateurs seront déçus des résultats, s’ils ne le sont pas déjà. J’invite les militants à rester sereins et concentrés sur les objectifs qui sont les nôtres à cette étape de la vie du parti et à poursuivre notre implantation et notre assise au sein du peuple.

Quel bilan pouvez-vous faire de la mise en place de vos structures ?

Après la mise en place des structures géographiques dans les régions, les provinces et les communes, nous sommes à la phase de finalisation des bureaux des comités des secteurs et des villages. De même, la mise en place des bureaux des unions des femmes, des jeunes et des anciens, ainsi que celles des marchés et yaars, des secteurs structurés et du secteur informel, se déroule avec satisfaction sur l’ensemble du territoire. L’ensemble du processus sera terminé en fin septembre.

A l’évidence, vous serez le candidat du MPP pour la prochaine présidentielle…

Le moment venu, le parti décidera du choix de son candidat, dans le respect des textes qui le régissent.

Peut-on s’attendre à une candidature unique de l’opposition ?

Pourquoi pas ? Après tout, nous faisons actuellement, de grandes choses, ensemble et avec bonheur.

L’actualité de la sous-région est marquée par la psychose liée à l’épidémie d’Ebola, alors même que les craintes liées aux conflits n’ont pas entièrement disparu. Quelle réflexion cela vous inspire-t-il ?

L’épidémie d’Ebola, au regard du taux de mortalité et de sa fulgurante progression à travers les frontières, nous préoccupe au plus haut point. Je saisis cette occasion pour exprimer la solidarité de notre parti aux peuples de Guinée, du Libéria, de la Sierra-Léone et du Nigéria, ainsi qu’à tous ceux qui vivent dans la psychose liée à cette maladie. Face à cette épidémie, nous devons encourager les pouvoirs publics à accroître la vigilance et à renforcer les mesures de prévention, tout en développant la coopération médicale sous- régionale et internationale. S’agissant des conflits, il faut reconnaître que notre sous-région fait face à l’apparition de groupes armés qui réclament ouvertement leur affiliation au terrorisme international. C’est pourquoi, nous saluons les efforts déployés, à travers la coopération régionale et internationale, pour lutter, avec efficacité, contre cette gangrène qu’est le terrorisme. Je suis convaincu qu’aucun Etat ne peut, tout seul, venir à bout de ces fléaux et que la solution réside dans la mutualisation de nos forces et de nos moyens, à travers une véritable intégration africaine.

Interview réalisée par Joachim de KAÏBO

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