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Les Echos du Mandé N° 1 : Implosion de l’Ensemble Pour le Mali ?

jeudi 6 juin 2019, par Assane Koné

Créé à la veille des élections présidentielles de 2018, pour soutenir la candidature de IBK, l’Ensemble Pour le Mali (EPM) vient d’imploser ou du moins est en phase avancée d’une implosion. Des partis politiques et non des moindres, non content de la gouvernance de Dr Bocary Tréta viennent de claquer la porte et d’autres s’apprêtent à le faire dans les jours à venir. Et, avec ces départs, il faut craindre que l’EPM ne soit une coquille vide.

Dans le Mandé, il est connu de tous qu’une grande discorde s’installe chaque fois après un mauvais partage des fruits d’une pêche collective. Et, aujourd’hui, tout porte à croire que l’EPM ne fera pas exception.

Créés pour conquérir le pouvoir, les partis politiques développent des stratégies pour participer à sa gestion quand ils savent que l’ambition première n’est pas à portée de main. C’est dans ce contexte que 68 partis politiques et associations s’étaient regroupés dans une alliance politique dénommée « Ensemble Pour le Mali » ou EPM, pour soutenir et faire gagner IBK lors de l’élection présidentielle de 2018.

Même, si après les élections, l’opposition et un certain nombre de candidats malheureux ont contesté les résultats, force est d’admettre que IBK a été proclamé vainqueur par la Cour constitutionnelle du Mali. Ainsi, installé dans le fauteuil à Koulouba, nombreux sont ses soutiens qui espéraient au retour de l’échelle. Surtout du côté de l’EPM, des barrons de la politique malienne espéraient refaire surface avec la victoire de IBK qu’ils ont soutenu, même si l’on n’a pas la possibilité de quantifier leur effort dans la victoire.

Et, si le mauvais partage du gâteau était la cause ?

Déjà, à la mise en place du Premier Gouvernement après la victoire, Soumeylou Boubeye Maïga, à l’époque Premier ministre, a fait de nombreux frustrés du côté de l’EPM. Et, le deuxième gouvernement mis en place récemment par Boubou Cissé, ancien ministre de l’économie et des finances de Soumeylou Boubeye Maïga, devenu Premier ministre, n’a pas du tout arrangé les choses. Le Gouvernement de Boubou Cissé a été perçu par de nombreux leaders de l’EPM comme une provocation.

Et, immédiatement après la mise en place de ce gouvernement, certains qui espéraient y occuper des "strapontins", n’ont pas caché leur désolation.

Mais, à analyser la situation de près, l’on pourrait penser que IBK et son ancien Premier Ministre Soumeylou Boubeye Maïga, ont fait de Boubou Cissé un Premier Ministre à la tête d’un gouvernement de Soumeylou Boubeye Maïga, sans Soumeylou Boubeye Maïga.

Vu que IBK n’a jamais voulu se séparer de Soumeylou Boubeye Maïga, malgré la pression des milieux religieux qui ont mobilisé la rue, l’on peut penser que le Président de la République et son ancien Premier ministre de guerre lasse ont cédé, mais avec la ferme décision de faire payer à certains acteurs politiques leur entêtement à manœuvrer pour la motion de censure à l’Assemblée nationale contre Soumeylou Boubeye Maïga, même si elle a été perçue comme une bouée de sauvetage du régime qui devait choisir entre l’ancien PM et la rue.

Le plat de la vengeance se mange à froid

Donc, aujourd’hui, avec ce qui se passe à l’EPM, l’on est en droit de se demander si Soumeylou Boubeye Maïga, ancien Premier ministre du Mali, n’a-t-il pas eu raison de Dr Bocary Tréta, Président du RPM et non moins Président de l’EPM qui a remué ciel et terre pour le faire partir sous la menace d’une motion de censure ? Pratiquement convaincu que Dr Bocary Tréta, en sa qualité de Président du RPM et de l’EPM a manœuvré pour qu’il démissionne sous la menace d’une motion de censure, Soumeylou Boubeye Maïga allait l’attendre au tournant.

Et, comme IBK n’a pas caché son opposition à la décision de faire partir son Premier Ministre par une motion de censure, l’on pourrait facilement imaginer que Dr Bocary Tréta devait s’attendre à une conspiration, à l’allure d’une sanction. Et, mieux, pour qui connaît le "tigre" de Balabougou, devenu "hérisson", l’affront du Président de l’EPM ne devait pas rester impuni. Et, aujourd’hui, la meilleure punition, en plus du fait qu’il n’a pas eu le poste de Premier ministre, c’est de neutraliser Dr Bocary Tréta, en l’isolant de la base de l’EPM, par le départ de tous les partis politiques qui s’étaient regroupés autour de lui. En tout cas les vrais.

Partant du principe que nombreux sont les partis politiques qui étaient venus dans l’EPM avec la ferme conviction qu’un gâteau devait y être partagé après la victoire de IBK, il suffit de dire aux leaders de ces partis politiques que Dr Bocary Tréta est à la base de tous leurs malheurs pour les dresser contre lui.

Bocary Tréta accusé

En réalité, l’EPM a volé en éclat depuis le jour où le nouveau Premier Ministre n’a pas caché aux camarades de Dr Bocary Tréta, le rôle qu’il a joué dans la mise en place du nouveau gouvernement, en sa qualité de Président de l’EPM

Il nous revient que l’EPM a pratiquement eu une dizaine de ministres dans le gouvernement que dirige Boubou Cissé et que ces dix ministres ont été pratiquement désignés par le Président de l’EPM

« Si vous n’êtes pas dans le Gouvernement, il ne faut pas vous en prendre à moi. C’est plutôt la faute de votre président. Si non tous ceux qu’ils a proposé, occupent un fauteuil ministériel », cette phrase pour des gens qui avaient cousu des nouveaux boubous en prévision de leur future nomination, suffit de faire de Dr Bocary Tréta l’homme à abattre.

Et, une bonne manière de l’abattre, c’est de le laisser seul à la tête de son EPM qui n’aura aucune emprise sur la scène politique. « Nous quittons l’EPM parce que la gouvernance de Dr Bocary Tréta n’est pas bonne », est en substance l’accusation formulée par les partants pour justifier leur décision. Mais, pourquoi, c’est aujourd’hui que cette gouvernance est dénoncée ? Simplement parce que cette gouvernance ne les a pas aidé à avoir ce qu’ils voulaient : un "strapontin" dans le gouvernement.

Aujourd’hui, c’est Dr Bocar Tréta qui est contesté, mais il faut s’attendre que dans les jours avenir que les nouveaux regroupements qui vont naître des flancs de l’EPM se dressent contre IBK.

Quitter l’EPM et rester dans la Mouvance Présidentielle ou s’installer dans l’opposition ?

Et, la manière avec laquelle l’Action Républicaine pour le Progrès (ARP) dirigée par Tiéman Hubert Coulibaly de l’UDD a été mise sur les fonds baptismaux le 2 juin 2019 et officialisée le 6 juin 2019, en dit long sur les intentions des uns et des autres.

Le fait de préciser dans son communiqué de presse annonçant la création de l’ARP que « le Président précise que ladite Alliance se réclame de la Mouvance Présidentielle…... tous les partis, associations et mouvements membres déclarent leur démission de tout autre groupement politique auquel ils appartenaient, à compter de ce jour 6 juin 2019 », est révélateur.

En fait, il nous est revenu que Tiéman Hubert Coulibaly était dans des négociations très avancées avec d’autres partis membres de l’EPM qui s’apprêtent à quitter, mais qui ne veulent plus se donner mains et pieds liés à IBK, sans conditions. Tenant à rester coûte que coûte dans la mouvance présidentielle pour des raisons qui lui sont personnelles, le Président de l’UDD s’est empressé pour lancer son ARP, dont il a autoproclamé son appartenance à la Mouvance Présidentielle. Mais, pour qui connaît les accointances, voir les atomes crochus entre le Président de l’UDD et Soumeylou Boubeye Maïga, l’on doit de se poser des questions sur la finalité de l’ARP. L’ARP ne sera-t-elle pas l’un des chevaux de Troie que Soumeylou Boubeye Maîga compte se donner en prévision de 2023 ?

Mais, nous restons convaincus qu’IBK doit avoir à l’idée que les partis politiques qui l’ont soutenu pour la présidentielle de 2018, sont venus dans une alliance politique et ne ce sont jamais inscrits dans une démarche d’allégeance. Ils aspirent tous à des retombées politiques. Et, plus cela tarde, ils auront tendance à s’inscrire dans le lot des contestataires. D’autant plus que des contestataires avérés et notoirement connus de tous ont été conviés récemment à la table pour manger.

« Nous n’avons rien eu depuis la mise en place de deux gouvernements », regrettait récemment un responsable de l’EPM, qui est aujourd’hui parmi les partants.

En attendant, l’ARP est née, même si elle prétend rester dans la Mouvance Présidentielle. Elle est composée de : Union pour la Démocratie et le Développement (UDD), Mouvement Pour le Mali (MPM), Forces Alternatives Pour le Changement (FAC), Le Parti Malien pour la Démocratie Sociale (PMDS), Mouvement Mali Emergence (MME), Union pour un Mouvement Populaire de Changement (UMPC), Union des Patriotes pour la République (URP), Association Jeunesse et Alternance (AJA), Parti pour le Peuple Malien (PPM) et Alliance pour la Promotion et le Développement du Mali (APDM-Equité).

Et, dans les jours qui viennent, il faut s’attendre à voir un deuxième regroupement sortir des flancs de l’EPM. Mais, avec des conditions claires et précises pour participer à une Mouvance Présidentielle.

Tout compte fait, aujourd’hui, ils ont quitté ou vont quitter l’EPM. Mais demain, ils quitteront la majorité présidentielle, parce que la politique, c’est aussi le partage du pouvoir. Et s’ils n’ont pas gain de cause, il ne faut pas qu’on soit surpris de les voir un jour aller grossir les rangs des contestataires du régime.

Assane Koné


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