Opinion > Non, le drapeau malien sur les Champs-Elysées n’est pas une fierté pour moi

Non, le drapeau malien sur les Champs-Elysées n’est pas une fierté pour moi

jeudi 22 octobre 2015, par Assane Koné

Certains compatriotes estiment que » c’est une fierté de voir le drapeau malien sur les Champs-Elysées ». Non ! Ce n’est pas mon opinion. Fierté par rapport quoi ? Voir le drapeau d’un pays africain sur les avenues de l’Hexagone est-il devenu une fin en soi ? Sommes-nous toujours en colonisation pour être si fiers de contempler les couleurs du Mali en France ? Sommes-nous en compétition avec les ex-colonies de la métropole pour hisser notre drapeau en France ? Est-ce la proclamation d’une seconde indépendance du Mali ?

En 2003 et précisément le 24 octobre Jacques Chirac en son temps président de la République française s’était rendu au Mali pour une visite officielle de 48 heures. Le drapeau tricolore (bleu, blanc, rouge) de la France flottait sur le boulevard de l’indépendance (Avenue des Champs-Elysées maliens). Je n’ai personnellement ni vu, ni entendu un seul citoyen lambda français dire que : le fait que le drapeau tricolore flotte sur le boulevard de l’indépendance du Mali était une fierté.

Maintenant, il faut se demander, qu’est-ce qui est à l’origine de cette visite annoncée tambour battant ? L’on se souvient du séisme provoquée le 28 mars 2014 par le journal Le Monde qui publia un article accusant le président IBK d’avoir été financé par l’homme d’affaires corse Michel Tomi, surnommé “le parrain des parrains”. On se souvient également que l’ancien ministre malien de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga avait été placé en garde à vue, en septembre 2014, à Nanterre (Hauts-de-Seine). Selon RFI c’était dans le cadre de l’enquête pour corruption visant l’homme d’affaires français Michel Tomi. Aucune charge n’a été retenue contre l’ex-ministre de la Défense après sa relaxe.

Mieux, on a en mémoire l’article fleuve de Mediapart du 25 mai 2015 intitulé : « Deux présidents africains écoutés par la justice française ». Cet article nous révèle que le président IBK avait été écouté téléphoniquement dans le cadre des investigations judiciaires visant l’homme d’affaires corse Michel Tomi, à la tête d’un empire financier en Afrique.

Et mieux encore, on se souvient du placement en garde en vue de Marc Gafajoli le 23 juin 2015 en France. Selon Jeune Afrique, le Français Marc Gaffajoli s’occupait déjà, pour Afrijet, la société du français Michel Tomi, de louer l’avion au candidat IBK en campagne. C’est lui aussi qui, en tant que conseiller du président, a eu pour mandat exclusif la recherche d’un nouvel appareil. Travail pour lequel il a empoché 2,1 millions de dollars (1,7 million d’euros).

A la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de se demander que vaut cette visite d’Etat ? N’oublions pas qu’en géopolitique, on nous enseigne que les pays n’ont pas d’amis mais des intérêts. Quels sont les dessous de cette visite ? Et surtout lorsqu’on définit la visite d’Etat comme l’invitation expresse d’un chef d’Etat à son homologue. Il s’agit de la plus grande marque de bonnes relations entre deux Etats. En ce qui concerne le cas de la France, en moyenne elle n’enregistre que trois visites d’Etat par an. On nous dit que c’est le signe de bonnes relations entre deux pays, avec tous ces faits énumérés ci-haut en 2014 et 2015 liés au président malien et le parrain des parrains, je me demande comment du jour au lendemain le président François Hollande peut inviter son homologue malien mine de rien. Est-ce que la France a finalement eu ce qu’elle cherchait depuis la nuit des temps ? Est-ce pour la signature définitive de la mise sous tutelle de la République du Mali auprès de la France ? Est-ce pour hypothéquer le peu qui reste du Mali ?

Ce que je sais, le Mali va payer jusqu’au dernier centime de la facture de l’intervention de l’armée française en janvier 2013 à Kona. Et c’est déjà commencé, en mars 2014 Le secrétariat général de l’ONU a attribué de gré à gré plusieurs contrats d’une valeur totale de 34,7 millions d’euros aux groupes français Thales et Razel-Bec pour la réalisation de travaux d’infrastructures au Nord-Mali. Selon le journal Jeune Afrique, un organe lié au ministère français des Affaires étrangères, avait défendu l’offre des entreprises françaises auprès des responsables onusiens. Mieux encore, le fabriquant du passeport malien change de nationalité. Jusque-là cette fabrication était détenue par une société canadienne. Le Conseil des ministres du 4 septembre 2015 nous informa que c’est une entreprise française Société ‘Oberthur Technologies’ qui assurera désormais la fabrication de notre passeport biométrique.

Par-delà, on nous affirme également qu’il y aura une levée de fonds pour la relance de l’économie malienne et la reconstruction des régions du nord du Mali. Je dirais plutôt pour mieux sceller l’avenir des générations futures. John Adams le deuxième président des Etats-Unis, nous disait : « Il y a deux manières d’asservir et de conquérir une nation l’une est par l’épée, l’autre par la dette ». Ces aides et prêts sont tous assortis par des conditionnalités obscures que le citoyen lambda ne saura jamais. Quant à Modibo Keita, le premier président de la République du Mali, il disait que « notre liberté serait un mot vide de sens, si nous devions toujours dépendre financièrement de tel ou de tel pays. »

Enfin pour clore ce billet, je dirais qu’il sera une très grande fierté pour ma modeste personne lorsque le drapeau vert-jaune-rouge flottera encore à Kidal (huitième région du Mali)

« Nos descendants ont des droits sur nous »

Washington DC, le 21-10-2015
Issa Balla Moussa Sangaré
Simple citoyen malien
http://badalabougouka.mondoblog.org

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