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Mohamed Fall Ould Mohamed, à propos de la résolution de la crise du Nord « Notre déficit de bonne gouvernance nous confine dans un eternel recommencement »

mardi 19 août 2014, par Assane Koné

« La Société Civile ignorée dans le processus d’Alger s’inquiète de ne pas entrevoir la prise en compte de ses préoccupations majeures. Elle est préoccupée par la part belle faite aux mouvements armés de tous bords, qu’ils se disent proches de l’Etat ou en rébellion. Elle est préoccupée par la lente progression vers l’acceptation de l’impunité et l’utilisation de l’amnistie comme matière de négociation sans que pédagogiquement nous en tirions collectivement les fondements d’une garantie de non répétition des douloureux événements survenus dans notre pays ». Telle est la conviction de Mohamed Fall Ould Mohamed, Ingénieur de constructions civiles. Il l’expose clairement dans contribution déposée à notre rédaction. Lisez !

Elle est préoccupée par la part belle faite aux mouvements armés de tous bords, qu’ils se disent proches de l’Etat ou en rébellion. Elle est préoccupée par la lente progression vers l’acceptation de l’impunité et l’utilisation de l’amnistie comme matière de négociation sans que pédagogiquement nous en tirions collectivement les fondements d’une garantie de non répétition des douloureux événements survenus dans notre pays

La Société civile était dans la posture de considérer que la défaillance historique de l’Etat devait être relevée objectivement et sans complaisance de façon à ce que cet épisode dramatique de notre vie nous serve à bâtir un avenir meilleur.
Elle qui était aux premières loges au moment de l’occupation avait, par sa mobilisation, su entretenir notre fois en notre pays et préserver les fondements de la république, mais également nos valeurs d’humanité et nos liens séculaires du vivre ensemble se trouvent aujourd’hui relégués au second plan alors même que le Mali est toujours dans la tourmente.

En prenant comme point de départ l’Accord préliminaire de Ouagadougou, il y a, de notre point de vue, un déficit de fond dans sa mise en œuvre qui, en réalité, a fini par entamer son esprit et les perspectives qu’il entre -ouvrait.
Dans l’Accord préliminaire de Ouagadougou, il est précisé au « Chapitre III du Processus post électoral, Article 21 : A l’issu de l’élection présidentielle et 60 jours après sa mise en place, le nouveau Gouvernement du Mali, en collaboration avec la Commission dialogue et réconciliation entamera, avec l’accompagnement de la Communauté internationale, des pourparlers de paix avec toutes les communautés du nord, les signataires ainsi que les groupes armés ayant adhérés au présent Accord, en vue d’aboutir à l’établissement d’une paix globale et définitive. » et à l’Article 25 il est dit : « Les dispositions du présent Accord restent en vigueur jusqu’à la signature d’un accord global et définitif de sortie de crise ».

« Toutes les communautés du nord » expressément mentionnées dans l’Accord préliminaire de Ouagadougou, nous semble reléguées au second plan pour ne pas dire exclues dans le fond au détriment de la montée en puissance des groupes armées. Ainsi nous avons la surprise de constater encore une fois, que les populations et leurs organisations de sociétés civiles se trouvent dans la posture d’acteurs de second plan, qu’il faut mobiliser simplement pour s’assurer une certaine légitimité au cours du processus de négociation.

Nous noterons au passage que l’accord préliminaire est précis en ce qui concerne la partie de la « société civile » qui sera concernée par les négociations, à charge au Mali d’initier les mécanismes et modalités pour assurer l’implication du plus grand nombre dans le processus plus global de dialogue et réconciliation.

Dans la nouvelle configuration « Feuilles de route d’Alger » ce qui est frappant, c’est la difficulté pour asseoir les parties autour de la même table et dont le résultat a été les signatures séparées de deux(2) feuilles de route, jumelles mais coépouses, ce qui nous en excusons frise quelque peu l’inceste.

En vérité, les « feuilles de route d’Alger » sont assez révélatrices des divergences qu’il y a sur le fond par rapport à la crise au Mali, divergences sur le diagnostic, sur les leçons à tirer, les responsabilités et les projections d’avenir possible.

Le choix d’une configuration de sortie de crise dans laquelle l’on consacre de facto les groupes armés du nord comme porteur de revendications des populations à l’exclusion de leurs organisations civiles , ne peut procéder du prétexte habituel que l’ « Etat n’avait pas eu le choix » encore moins de celui de « raison d’Etat inavouée » ou de secret défense

En vérité, au moment où nous avons toute la communauté internationale à nos chevets et où les intérêts se précisaient, il nous était, pour une fois loisible, de faire de bons choix républicains.

Des choix qui, pédagogiquement, proscrivent l’usage de la force comme forme de revendication et qui ancrent dans les esprits que seul l’Etat doit avoir le monopole et l’usage de la force.

• Des choix qui nous soustraient de la surenchère sécuritaire dans un environnement mondial où la sécurité est la nouvelle matière stratégique pour laquelle chaque Etat, chaque nation faible doit payer le prix fort.
• Des choix qui ne créaient pas sur notre territoire le nième marché mondial de forces armées privées et mercenaires s’offrant au plus offrant.

Bien sûr, nous entrevoyons que la prochaine étape du processus planifié dans les feuilles de route d’Alger concerne la prise en compte des positions des acteurs de la société civile, dans une démarche plutôt consultative.

Ce caractère consultatif pourrait- il anticiper la prise en charge de toutes les revendications de fonds des populations ? Elles, qui au nord comme au sud et dans toutes les communautés, voulaient cette fois engager le Mali dans un nouveau contrat social républicain, dans lequel fondamentalement leur plus grande exigence est l’amélioration durable de l’offre de service public en matière de sécurité et la garantie de non répétition des rebellions et des exactions.

Certainement non, si l’on considère que toutes les spéculations, sinon les négociations se font sur fonds de satisfaction des revendications des groupes armés et de leur positionnement par rapport au marché et aux partenariats qu’entre ouvrent le déficit sécuritaire du Mali, et la surenchère des enjeux sous- régionaux. Des questions de toute évidence bien plus importantes que le « droit primaire à la vie » de nos populations !

A présent, la Société civile malienne se rend à l’évidence que le processus de négociations en cours n’offre aucune garantie de non répétition, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Notre déficit de bonne gouvernance nous confine dans un eternel recommencement.

Mohamed Fall Ould Mohamed
(Ingénieur de constructions civiles)

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