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Livre le Mali sous Moussa Traoré : Les vérités de Soumana Sako, ministre démissionnaire du régime de Moussa Traoré

mercredi 1er juin 2016, par Assane Koné

Dans un Droit de réponse adressée au journal le 22 septembre, Soumana Sako profite pour faire la lumière sur son parcours. De son arrestation en 1974, à son rêve de devenir Président de tous les maliens, en passant par sa bourse AFGRAD de formation postuniversitaire aux USA, son poste d’Economiste Principal du PNUD, sa nomination comme Contrôleur Général Adjoint de l’Etat, la régularisation du paiement des salaires des agents de l’Etat, l’Affaire SABENA , sa démission du Gouvernement du Président Moussa Traoré, l’absence de relations entre le Président Moussa Traoré et lui avant son entrée au Gouvernement, de l’ostracisme dont il a fait l’objet de la part des autorités successives de la IIIe République, de la ‘’nécessité de relativiser le jugement sur Moussa Traoré’’, de son appartenance à l’histoire du Mali sous Moussa Traoré, et des attaques du Mouvement Démocratique contre lui pendant la Transition, Soumana Sako revient sur les menus détails de son parcours. Lisez !

« Dire que la régulation des salaires n’a concerné que Bamako et l’armée est un mensonge grossier et grotesque » (Droit de réponse aux affabulations d’un anonyme se présentant sous le label de « Les auteurs du livre Le Mali sous Moussa Traoré »)

Monsieur le Directeur de Publication du journal Le 22 septembre,

Dans votre édition du 12 mai 2016, un anonyme se présentant, peut-être abusivement, sous le label collectif de « Les auteurs du livre Le Mali sous Moussa Traoré », sous le couvert d’un droit de réponse à l’article de votre journaliste Yaya Samaké relatant ma rencontre avec un groupe de jeunes de Kalabancoro, poursuit en réalité la stratégie intellectuellement malhonnête et politiquement irresponsable de falsification et de révision de l’Histoire récente de notre pays.

Outrepassant les trois thèmes évoqués par l’article de M. Samaké, et allant bien au-delà de la simple et normale polémique politique qui fait le charme et l’utilité de la vie démocratique, l’auteur anonyme s’adonne à une attaque en règle contre ma personne et contre mon cursus.

Du reste, je me demande ce que des cadres comme Djibril Diallo et Souleymane Dembélé, un de mes aînés au Lycée Askia Mohamed et à l’ENA et ancien collaborateur au Contrôle Général d’Etat, tous deux patriotes attachés au progrès du Mali même si le premier nommé a manqué de courage politique à un moment donné, peuvent bien avoir en commun avec un Oumar Kanouté, mon aîné à l’Ecole Fondamentale de Bafoulabé où il n’a participé à aucune activité culturelle, sportive, a fortiori politique ne serait-ce qu’à travers le Mouvement Pionnier et qui s’est retrouvé, probablement par népotisme, propulsé Secrétaire Général de l’UNJM ?

Toujours est-il que, par respect pour vos lecteurs et dans le souci d’éclairer les jeunes générations qui sont, en réalité, la cible de cette campagne forcenée de falsification de notre Histoire de la part de ceux qui, manifestement, ‘’n’ont rien appris ni rien oublié’’, je livre les mises au point suivantes comme autant de démentis formels aux élucubrations de l’auteur anonyme :

1. Du droit de dire sa part de vérité :

Grâce à la démocratie arrachée de haute lutte par notre Peuple le 26 mars de l’an de grâces 1991, nul ne dénie aujourd’hui à qui que ce soit le droit de dire sa part, toute sa part de vérité, ce qui n’était le cas pas sous le régime des falsificateurs de l’Histoire. Il s’agit en l’occurrence d’un droit garanti par la Constitution du 12 janvier 1992 : la liberté d’opinion, d’expression et de presse.

Les ‘’auteurs’’ du fameux livre de réécriture de l’Histoire sont des citoyens maliens à part entière qui ont, comme tout le monde, le droit de participer à l’animation du débat politique et aux compétitions électorales. Après tout, et c’est tout à l’honneur du mouvement démocratique et du Peuple malien tout entier, la Constitution du 12 janvier 1992 ne comporte pas d’ »article 76 » !

Ce qui est contestable et que je condamne, c’est la falsification délibérée de l’Histoire récente du Mali et de mon cursus personnel dans le but de semer la confusion dans l’esprit des jeunes générations. Ce qui est moralement abject et intellectuellement inadmissible, c’est le fait pour ceux qui n’ont pas hésité à verser le sang et les larmes de simples citoyens réclamant le droit politique élémentaire d’adhérer au Parti de leur choix, de vouloir se présenter à la fois en sauveurs de ce Peuple qu’ils ont bâillonné et en ‘’victimes innocentes’’ d’une démocratie qui les a en fait sauvés et qui leur reconnaît les droits qu’ils avaient refusés aux autres maliens.

Sous leur régime, un simple tract véhiculant des informations réelles conduisait à des années de prison pour ‘’propagation de fausses nouvelles’’. De leurs temps, les responsables de la Ire République ont été arbitrairement, et souvent violemment, privés de dire ‘’leur part de vérité’’. Sous la démocratie même imparfaite, car toujours en construction, un livre colportant des contre-vérités est présenté publiquement et dans les media sans que les auteurs en soient inquiétés.

Grâce à la démocratie et aux qualités indéniables d’hommes d’Etat des responsables de la Transition démocratique, ceux qui, 23 longues années durant, ont imposé une chape de plomb à un Peuple qu’ils prétendaient sauver de la ‘’dictature’’ et du ‘’pouvoir personnel’’ ont bénéficié de tous les droits de la défense et de la préservation de leur dignité d’homme là où ils ont envoyé le Père de l’Indépendance et ses compagnons de la construction nationale moisir et s’éteindre dans l’isolement, les mauvais traitements, l’humiliation et sans défense dans les sables brulants du Grand Nord ou dans les geôles des Camps des parachutistes et du Génie militaire.

2. De mon arrestation en 1974 :

C’est dans le cadre des enquêtes sur le tract intitulé « La farce électorale du 2 juin 1974 » par le Regroupement des Patriotes Maliens (RPM) contre le référendum constitutionnel du 2 juin 1974 que j’ai été arrêté le 26 mai 1974 par la Police du CMLN (Comité Militaire [dit] de Libération Nationale). En effet, pour la junte militaire, nous étions trois personnes à pouvoir lui lancer un tel défi : feu Kary Dembélé, professeur à l’ENA et à l’ENSUP, Bakary Konimba Traoré dit Bakary Pionnier en service à l’IPGP (Institut de Productivité et de Gestion Prévisionnelle) et moi, alors Secrétaire Général des Etudiants de l’ENA et Vice Président de l’UNEM (Union Nationale des Etudiants du Mali), chargé de la Presse et de la Propagande.

C’était cela aussi, la dictature du tristement célèbre CMLN, cette junte obscurantiste que l’on voudrait nous présenter comme le sauveur du Peuple malien : un simple tract devient une « affaire de déstabilisation présumée » qui a conduit, après un simulacre de procès dont les sentences étaient dictées à partir de la Permanence du Parti abusivement rebaptisée « Maison du Peuple », plus d’une dizaine de citoyens maliens dans les prisons du Grand Nord !

J’ai été libéré le 11 juin 1974 vers midi, soit l’avant-veille de la date programmée pour la soutenance de mon Mémoire de fin de cycle, non pas « par mansuétude pour ne pas rater l’occasion de me présenter à l’examen de fin d’études », mais tout simplement parce que les enquêtes menées par les Commissaires de Police feu Youssouf Balla Sylla alias Zapata du 3e Arrondissement et Yacouba Coulibaly de la Poudrière ont démontré que je n’avais rien à voir avec cette affaire.

Selon les termes de Youssouf Balla Sylla : « Sako, tu es blanc comme neige dans cette affaire. Ton problème, c’est d’être en avance de mille ans sur le Peuple malien ! » . En fait, j’ai eu une chance inouïe qui m’a fait échapper aux griffes de la junte militaire, laquelle m’attendait ‘’au tournant’’ depuis que a) le Comité scolaire du Lycée Askia Mohammed avait refusé de soutenir le coup de force du 19 novembre 1968 et d’installer les fameux ‘’Comités Culturels de Plein Air’’ dont l’objectif était de ‘’dépolitiser la jeunesse et de l’orienter exclusivement sur le sentier du chant et de la danse’’ ; b) j’avais, avec d’autres camarades de l’ENA, de l’ENSUP et de l’Ecole de Médecine, pris l’initiative de créer l’UNEM (Union Nationale des Etudiants du Mali) dont l’orientation anti-impérialiste et anti-CMLN était manifeste à travers son texte fondateur, la Charte de l’Etudiant, dont j’étais le principal auteur ; c) j’avais joué un rôle clé dans la première grande marche jamais organisée par les Etudiants dans les rues de Bamako, marche qui a eu lieu en janvier 1973 officiellement pour condamner l’assassinat d’Amilcar Cabral, le leader du PAIGC mais aussi pour fustiger ‘’l’impérialisme et ses valets nationaux’’ et, d) j’avais incité mes camarades de l’ENA à ne pas se faire recruter dans la Police du CMLN.

A la nouvelle de mon arrestation, mon ami et promotionnaire de l’ENA, feu Seydou Traoré, qui effectuait son stage à la SONATAM, eut la présence d’esprit d’aller immédiatement vider ma chambre dans la maison familiale à NTomikorobougou de tous papiers, y compris cet autre tract (rédigé sur fond vert et fustigeant, entre autres, la ‘’Gestapo de Tiécoro’’) venu de France celui-là, avant la perquisition menée chez moi par les Inspecteurs Broulaye de la Poudrière et Amar Maïga du 3e Arrondissement.

Bakary Pionnier a eu moins de chance : un brouillon de tract, intitulé « A armes égales » en souvenir d’un débat politique sur l’ORTF en France, qui demandait tout simplement que le CMLN autorise aussi les adversaires du référendum à faire campagne pour le Non, retrouvé chez lui lors de la perquisition mais qu’il n’avait pas diffusé, lui a valu 4 longues années de prison ferme pour le motif fallacieux de « propagation de fausses nouvelles ! C’était cela aussi, le CMLN, le déni des droits politiques les plus élémentaires par un régime qui prétendait apporter « la liberté » au Peuple !

Pour le reste, aucun membre de l’AEEM n’a été arrêté pendant la Transition Démocratique 1991/1992, contrairement à ce que les falsificateurs de l’Histoire tentent sournoisement d’insinuer.

3. De ma bourse AFGRAD de formation postuniversitaire aux USA :

La bourse AFGRAD (African Graduate Fellowship) qui m’a été offerte en 1976 par l’Institut Afro-Américain (AAI) de New York n’avait besoin de l’aval de quelque autorité politique que ce soit, encore moins du régime militaire au pouvoir au Mali. C’est donc une affabulation de mauvais goût que de prétendre que c’est avec l’aval du Président Moussa Traoré que j’ai obtenu la bourse AFGRAD. Cette année-là, l’Institut Afro-Américain mettait en compétition 100 bourses à l’échelle de toute l’Afrique au sud du Sahara et il n’y avait pas de quota par pays, chaque candidature étant appréciée sur ses mérites propres suivant les critères en vigueur au niveau du programme AFGRAD lui-même.

C’est tout à fait par hasard que j’ai eu vent de la disponibilité de ces bourses américaines par Monsieur Nancouma Traoré, un cadre de la Division des Ressources Humaines de la Direction Nationale du Plan dont l’épouse servait comme aide-comptable au sein de mon Département à l’Opération Puits, un projet de lutte contre la sécheresse relevant du Ministère chargé de l’Hydraulique et de l’Energie et doté de l’autonomie financière et de gestion.

Après avoir rempli le formulaire que m’a remis M. Nancouma Traoré, je l’ai déposé moi-même à la Direction Nationale du Plan sous bordereau d’envoi signé par le Directeur National de l’Opération, feu Antoine Traoré pour transmission à l’Attaché culturel de l’Ambassade des Etats-Unis à Bamako. Après une présélection effectuée par Ms Cynthia Wise de l’Institut Afro-Américain, la décision d’attribution de la bourse fut prise, en toute indépendance et sans aucun aval du Gouvernement malien, par le Comité des Doyens des universités américaines participant à la mise en œuvre du programme AFGRAD. Voilà la vérité pure et limpide, chers falsificateurs impénitents de l’Histoire !

Au demeurant, je n’aurais jamais obtenu une bourse AFGRAD si son attribution avait dépendu d’une manière ou d’une autre du Gouvernement du Mali. Major de ma promotion tant au Lycée Askia Mohammed (1970) qu’à l’ENA (1974), cela n’a pas suffi pour me permettre d’obtenir une des bourses étrangères dont l’attribution dépendait du Gouvernement malien.

4. De mon poste d’Economiste Principal du PNUD :

Le poste d’Economiste Principal du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) est un poste purement technique, et non politique. En tant que tel, au contraire de postes tels que la Présidence de la Commission de l’UEMOA ou de l’Union Africaine, il n’a besoin d’aucun appui ou aval politique et diplomatique d’aucun Gouvernement et les candidatures sont strictement personnelles. Mon dossier de candidature n’a même pas été transmis par le canal de l’Etat malien. En fait, c’est un ami personnel, feu Mohamédoun Bocoum, qui m’a, en mars 1989, informé de l’appel à candidatures lancé par le PNUD pour le recrutement d’Economistes Principaux (postes de fonctionnaires internationaux contrairement aux Economistes nationaux), fait remplir la Notice Personnelle (formulaire de candidature) des Nations Unies et l’a remise en personne à M. Guiterra, Représentant Résident du PNUD au Mali.

Ayant besoin d’un ordre de mission pour voyager à New York en vue de l’interview de recrutement exigée par les procédures des Nations Unies, il s’était trouvé au Cabinet de la Présidence des cadres suffisamment ignorants et malveillants pour dire qu’en réalité, sous le couvert de ‘’job interview’’, j’allais plutôt accorder des interviews à la presse américaine et en profiter pour mener campagne contre le Président Moussa Traoré et son régime !

Pour débloquer ma demande d’ordre de mission qui était restée près d’un mois en souffrance, il m’a fallu expliquer au Secrétaire Général de la Présidence, M. Django Sissoko ce que signifiait « job interview » et ce, le vendredi précédant le dimanche de juin 1989 où je devais voyager sur New York via Paris, tous frais à la charge du PNUD, l’interview ayant été programmée pour le mardi suivant à 12h30 au DC-Building en face du Secrétariat Général des Nations Unies !

Avant d’entreprendre en fin novembre 1989 le voyage sur New York pour ma prise de fonctions, j’ai, conformément à la tradition, sollicité et obtenu une audience d’adieu auprès du Président Moussa Traoré. Mais, contrairement aux usages en la matière, cette audience n’a pas été couverte par les media d’Etat.

Ce n’est donc ni le Président Moussa Traoré ni quelque autre autorité malienne que ce soit qui m’ont aidé à obtenir le poste de fonctionnaire international du PNUD. J’ai été recruté par le PNUD sur la base du mérite personnel suivant un processus très sélectif et dépourvu de tout critère politique.

Pour la petite histoire, je dois dire qu’en juin 1986, j’avais obtenu le poste d’Economiste national au sein du Bureau du PNUD de Bamako. Le remaniement ministériel qui est intervenu à la même période ayant vu le remplacement du Ministre d’Etat Oumar Coulibaly par le Ministre Mahamadou Wagué, j’ai préféré renoncé au poste et continuer comme Directeur de Cabinet du Ministère de Tutelles des Sociétés et Entreprises pour ne pas donner au Ministre Wagué l’impression que je ne voulais pas l’aider dans ses premiers pas.

5. De ma nomination comme Contrôleur Général Adjoint de l’Etat :

Une fois n’est pas coutume, les falsificateurs impénitents de l’Histoire du Mali et de mon cursus personnel ont vu juste. En effet, après ma démission du Gouvernement, le régime ne m’a pas jeté aux oubliettes mais pour des motifs à mille lieues de la ‘’mansuétude’’ qu’ils laissent sous-entendre. En effet, considéré comme l’ennemi public numéro du régime, j’étais filé 24 heures sur 24, plus d’un an durant, par la Sécurité d’Etat (qui me désignait sous le nom de code Eddy Murphy).

Le soutien manifeste du Peuple, de l’UNTM qui m’avait envoyé une délégation pour me demander ce qu’elle devrait faire (ce à quoi je répondis que ma démission était une décision et une affaire strictement personnelles et que la Centrale ne devrait pas s’en mêler), des soldats de l’Armée (notamment ceux de l’Armée de l’Air qui ont failli se mutiner) des partenaires techniques et financiers et de plusieurs Ambassades étrangères dont celles des Etats-Unis d’Amérique et de Grande-Bretagne (cette dernière étant en résidence à Dakar à l’époque) ainsi que l’attention de la presse internationale (y compris Jeune Afrique) ont fortement contribué à calmer l’ardeur belliqueuse et vengeresse des faucons et autres sycophantes du régime qui tentaient de convaincre le Président Moussa Traoré que ma démission était non seulement un affront qu’il fallait laver dans le sang, mais aussi et surtout, le signal d’un coup d’Etat contre lui que j’avais perpétré en son absence avec, affirmaient-ils mais sans même un semblant de preuve, l’aide de « jeunes officiers de l’Armée ». Soit dit en passant, dans la nuit du 22 aout 1987 au moment précis où je rencontrais à mon Cabinet une mission de la BCEAO, le Ministre de la Défense réunissait, en sa résidence de la Cité ministérielle sise face à mon bureau, les Chefs d’Etat major pour leur donner l’ordre de contrer le coup d’Etat que, d’après lui, je manigançais contre le régime avec l’arraisonnement de l’avion de la SABENA.

Cela dit, contrairement aux affabulations des falsificateurs impénitents de l’Histoire, je n’ai pas été nommé Contrôleur Général Adjoint de l’Etat « tout de suite après ma démission ». En effet, ma nomination à ce poste n’est intervenue que plus de 13 (treize) mois après ma démission du Gouvernement. En outre, cette nomination procédait beaucoup plus d’une « logique administrative » car j’étais un cadre de l’ex-IGAAEF (à la fois successeur et prédécesseur du Contrôle Général de l’Etat, le Service de la Présidence de la République où j’avais, en 1974, volontairement demandé d’être affecté en tant que major de ma promotion de l’ENA), d’une « logique d’humiliation » (car, en tant qu’ancien Ministre, je devais servir sous les ordres d’un ancien Directeur de Cabinet, le tout-puissant Ministre de la Défense ayant décidé que l’Etat malien ne devrait plus me confier un poste de responsabilité !) et d’une « logique d’isolement politique » en évitant de me nommer dans un poste relevant des corps constitués et qui, de ce fait, me conserverait une certaine visibilité politique et médiatique dans le cœur et la conscience du Peuple, que d’une quelconque « logique de mansuétude » à mon égard.

Au demeurant, à l’émissaire du Secrétaire Général de la Présidence qui me recommandait fortement de ne pas décliner le poste d’Adjoint, je répondis comme suit : « Je suis un agent de l’Etat malien. Même si l’Etat décidait que le poste de planton était celui où je pouvais être le plus utile au Peuple, je n’y ferais aucune objection. Après tout, le tout premier bureau que j’ai eu à occuper après l’obtention de mon Ph.D. aux USA fut le bureau du planton du Chef de Cabinet du Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale. C’est à moi que les plantons des autres Ministères venaient présenter le courrier arrivée car, pour eux, j’étais le planton ».

En vertu de cette même « logique d’humiliation », les sbires du régime relevaient à chacun de mes passages dans les stations-services la quantité de carburant que je prenais, guettant avec délectation le moment où, réduit comme ils l’escomptaient à ne pouvoir plus acheter que deux ou trois litres à la fois, ils pourraient alors jubiler : « L’ennemi public no 1 commence à tirer le diable par la queue, le moment n’est plus loin où, toute honte bue, il viendra s’agenouiller, demander pardon et supplier qu’il soit nommé à un poste où il pourrait verser le prix du condiment à sa famille » !

Autre illustration de ce que le régime des falsificateurs de l’Histoire ne m’a pas « jeté aux oubliettes », je fus entendu par la Police et convoqué par le juge d’instruction tout simplement parce qu’un commerçant détaillant dont les affaires ne marchaient plus du fait que les retards de salaires étaient de retour et qui avait été arrêté pour avoir lancé ses babouches sur le Président Moussa Traoré à la Grande Mosquée de Bamako, avait couché sur papier retrouvé chez lui la composition d’un « Gouvernement révolutionnaire de la République du Mali » dans lequel mon nom figurait comme Premier Ministre et Ministre des Finances !

6. De la régularisation du paiement des salaires des agents de l’Etat :

Selon un adage bien de chez nous « Tu as beau être contre le lièvre, il te faut reconnaître qu’il court vite et a de longues oreilles ». Les falsificateurs de l’Histoire affirment avec une désinvolture inouïe que l’action de régularisation des salaires (des bourses et des pensions) , que je mets en réalité à l’actif de l’ensemble des cadres et agents du Ministère des Finances et du Commerce (à qui je n’avais de cesse de répéter que, avec ou sans l’aide du FMI et de la Banque Mondiale, nous allions redresser l’économie et les finances publiques de notre pays, le Mali ; message auquel ils ont profondément adhéré et qui les avait fortement motivés pour donner le meilleur d’eux-mêmes pour soulager les souffrances du Peuple) n’avait concerné que Bamako et l’Armée, rien de moins !

Ce mensonge est grossier et grotesque, jure avec la réalité vécue par les agents de l’Etat sur l’ensemble du territoire national et dans les Ambassades du Mali à l’Etranger, dénote une ignorance totale des mécanismes du Budget national et du Trésor et relève d’une mauvaise foi tellement évidente qu’il n’y a pas lieu d’épiloguer là-dessus. Qu’il me suffise de dire tout simplement ceci : si tant est donc qu’avant mon arrivée au Ministère des Finances et du Commerce, l’Etat des falsificateurs de l’Histoire n’arrivait même pas à payer les salaires de Bamako et de l’Armée, cet Etat incompétent eût mérité de chuter bien avant le 26 mars 1991 !

A titre de rappel historique, surtout pour les jeunes générations, l’un des motifs fallacieux invoqués par les putschistes du 19 novembre 1968 à l’appui de leur coup de force contre un Gouvernement légal et contre l’Armée était que ‘’l’Etat malien était en cessation de paiement’’ alors même qu’aucun salaire n’était resté en souffrance de 1960 à novembre 1968 !

Dans leur fameux et fumeux livre, les falsificateurs de l’Histoire osent affirmer, sans sourciller, que les salaires de la Fonction Publique étaient à jour au 31 décembre 1990 et que ceci expliquerait pourquoi, selon eux, « le Gouvernement de Transition a pu payer les salaires sans difficultés majeures » ! Quelle superbe ignorance ! Même à supposer que les salaires étaient à jour à fin 1990, cela n’eût pas garanti leur payement les mois suivants, a moins forte raison pendant toute la Transition 1991/1992.

De plus, ils oublient de dire qu’à la date du 25 mars 1991, les fonctionnaires accusaient au moins 3 mois de retard pour des salaires payables à l’indice gelé de 1986 (les fonctionnaires n’avançant que sur papier). Le Gouvernement de Transition a non seulement apuré les arriérés de salaires, mais aussi accordé une double augmentation desdits salaires : une première augmentation de près de 28% en moyenne en payant les salaires sur la base des indices de 1990 (avec rappel à la clé), suivie d’une seconde en juillet 1991 sous la forme de l’Indemnité Spéciale de Solidarité dont la structure était conçue dans l’esprit de la justice sociale (augmentation plus forte pour les bas salaires) tout en préservant un éventail des salaires motivant et incitant à la productivité et à la formation.

En réalité, le régime des falsificateurs de l’Histoire a été incapable de régulariser le paiement des salaires de décembre 1987 au 25 mars 1991. A fin décembre 1989, les salaires de novembre restant impayés et les caisses de l’Etat étant désespérément vides, le régime des falsificateurs de l’Histoire redoutait des émeutes populaires et ne pouvait compter que sur les décaissements des institutions de Breton Wood au titre du Programme d’Ajustement Structurel. Or, ceux-ci étaient subordonnés, entre autres, au respect du critère de la PNG (position nette du Gouvernement auprès du système bancaire), ce qui n’aurait pu être satisfait que si la CMDT acceptait de virer un montant conséquent au compte du Trésor à la Banque Centrale.

Le Directeur Général de la CMDT opposa une fin de recevoir catégorique à la demande du Ministre des Finances et du Commerce, arguant que c’était à ce dernier et non à la CMDT de résoudre les problèmes de trésorerie de l’Etat. La suite ? Le Directeur Général de la CMDT fut sacrifié sur l’autel du sauvetage du régime des falsificateurs de l’Histoire, même si sa chute fut amortie par le poste de sinécure de PCA (Président du Conseil d’Administration) de l’OEHRN (Office du Barrage de Sélingué).

7. De l’Affaire SABENA :

Contrairement aux élucubrations des falsificateurs de l’Histoire, l’affaire de l’or frauduleusement exporté démasquée sur mes ordres dans la nuit du 15 août 1987 à l’Aéroport de Bamako-Senou et plus connue sous le label de « Affaire Sabena » a bel et bien abouti. Cette nuit-là déjà, l’équipe que j’avais mise sur le dossier sous la conduite de l’Inspecteur Général des Finances avait pu mettre la main non seulement sur la LTA (lettre de transport aérien) couvrant l’exportation avortée de 150 kg d’or malien, mais aussi sur l’ensemble des LTAs couvrant la totalité de l’or frauduleusement exporté par le moyen de la Sabena entre janvier 1985, date d’ouverture de la ligne Bamako-Bruxelles et ce 15 août 1987, soit plus de 15 (quinze) tonnes et demi comme clairement et irréfutablement établi par une confrontation des quantités déclarées sur LTA de la Sabena et celles déclarées sur les registres des Douanes du Mali !

Pour tromper l’opinion publique scandalisée, le régime des falsificateurs de l’Histoire se répandit en rumeurs toutes plus farfelues les unes que les autres. En effet, le régime prétendit successivement que : a) il n’y avait aucune exportation d’or et le Ministre des Finances s’était tout simplement ridiculisé en se laissant tomber dans un piège tendu par les douaniers eux-mêmes ; b) l’or en question appartenait à des vieilles dames illettrées de Lafiabougou qui téléphonaient le matin à la Sabena une certaine quantité d’or qu’elles se proposaient d’expédier par le vol du soir, quantité qui, au moment de la livraison à la compagnie aérienne s’avérait « légèrement inférieure » au poids réel, d’où, d’après cette version tirée par les cheveux, l’écart « insignifiant » entre le poids déclaré aux Douanes maliennes et celui déclaré sur la LTA ; c) a contrario, il ne s’agissait même pas de l’or du Mali, mais plutôt de l’or venant de Guinée-Conakry, le camion transportant la cargaison ayant fait un accident dont les passagers (propriétaires et expéditeurs de l’or) sont hospitalisés au Point G.

Face à l’inanité de ces ridicules et puérils contes de fées, le Gouvernement fut obligé finalement de reconnaître qu’il y avait bien exportation d’un « produit » par des « opérateurs économiques régulièrement inscrits au registre du Commerce » par le moyen d’une « compagnie étrangère exploitant une ligne commerciale régulière », non sans affirmer abusivement que la Convention de Chicago sur les transports aériens internationaux disposait que « les aéronefs étrangers exploitant une ligne commerciale régulière ne peuvent faire l’objet de saisie conservatoire ».

Par ce « fait du jour » diffusé sur la radio et la télévision d’Etat (RTM) mais que la plupart des journalistes et reporters desdits media avaient courageusement refusé de lire et de traduire dans les langues nationales, le Gouvernement pensait endormir le Peuple et lui signaler que le Ministre des Finances démissionnaire avait illégalement saisi l’avion de la Sabena. Le hic, c’est que l’article pertinent de la Convention de Chicago, une phrase qui n’est entrecoupée ni d’un point-virgule, ni d’une virgule, est ainsi libellé : « Les aéronefs étrangers exploitant une ligne commerciale régulière ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire sauf en cas de litige douanier » ! Pour confondre davantage le Gouvernement, dès le lendemain les autorités douanières fédérales du Nigéria arraisonnaient à l’aéroport de Lagos un avion étranger transportant du chanvre indien !

Ne démordant pas dans son entreprise diabolique visant à confondre le Ministre démissionnaire et à saper sa popularité auprès du Peuple, le Gouvernement mit en place une Commission interministérielle (Finances, Justice, Transports, Affaires Etrangères, Défense, etc.) ayant pour mandat de démontrer que le Ministre démissionnaire avait agi dans l’illégalité. Mais, peine perdue car la Commission a abouti exactement à la conclusion contraire : non seulement il y avait exportation frauduleuse de l’or malien, mais aussi le Ministre des Finances démissionnaire avait agi en totale conformité avec la législation nationale, notamment le Code des Douanes, et les Conventions internationales en la matière.

En fin janvier 1988, le Premier Ministre de l’époque transmit au Président Moussa Traoré le rapport de la Commission interministérielle confirmant « la contrebande d’or de plus de 15 tonnes d’or découverte à l’Aéroport de Bamako-Sénou dans la nuit du 15 août 1987 ». Ledit rapport établit la légalité de la décision d’arraisonnement de l’avion de la Sabena et entérine la démarche du Ministre démissionnaire en recommandant une transaction avec la compagnie Sabena comme prévu et autorisé par le Code des Douanes du Mali.

Le régime des falsificateurs essaya malgré tout de « noyer le poisson » en confiant le dossier à un avocat malien, Me Mountaga Tall, alors que les Douanes devaient pouvoir continuer à s’occuper du dossier comme je leur en avais déjà donné instruction lorsque j’ai fait revenir d’urgence à Bamako dans la nuit du 15 août le Directeur Général en mission de la CEAO/CEDEAO à Ségou.

Quatre ans plus tard, au 26 mars 1991 le dossier n’avait pas beaucoup progressé, et ce, nonobstant l’assurance que le Président Moussa Traoré avait indirectement donnée plus tard au Ministre démissionnaire par le canal du Ministre d’Etat Oumar Coulibaly qu’il veillerait personnellement à ce que l’Affaire SABENA ne soit pas classée. Contrairement aux affabulations des falsificateurs de l’Histoire, le Gouvernement de Transition reprit le dossier en main tout en veillant à ne pas donner l’impression que le Ministre démissionnaire devenu Premier Ministre, Chef du Gouvernement, engageait une vendetta personnelle.

Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et un cadre des Douanes m’accompagnèrent en visite officielle à Bruxelles en juin 1991 et conduisirent les transactions avec la SABENA sur la base de mes instructions, savoir : pour éviter une nouvelle saisie de son avion et une action en justice (le Tribunal malien étant obligé, à l’époque, de suivre les réquisitions des Douanes sauf à répondre lui-même du montant du préjudice fixé par les Douanes), la SABENA devait verser à l’Etat malien au moins FCFA 16 (seize) milliards destinés à la modernisation de l’Aéroport de Bamako-Sénou et à la construction d’écoles et de centres de santé au Mali.

Le Gouvernement belge a manifesté sa disponibilité à prendre en charge une partie de la somme sous forme d’augmentation de son aide publique au développement. La contreproposition de la SABENA faite au Ministre de la Justice était de verser FCFA 3 (trois) milliards, ce que j’ai catégoriquement rejeté. Conformément au principe de continuité de l’Etat, le dossier fut bouclé, à leur manière et sur leurs termes, par les autorités de la IIIe République.

Voilà les faits, vérifiables, concrets et têtus, sauf que les falsificateurs de l’Histoire, habitués qu’ils sont aux rumeurs et aux ragots en raison de l’absence de liberté de presse pendant l’essentiel de leur temps au pouvoir, préfèrent les occulter et les ignorer dans une vaine et honteuse tentative de semer la confusion dans l’esprit de nos concitoyens. Si l’Affaire SABENA sentait du souffre, c’était du côté de certains compagnons des falsificateurs de l’Histoire. En revanche, elle a fortement contribué à éveiller la conscience politique de nos concitoyens et à isoler le régime, y compris au plan international.

8. De ma démission du Gouvernement du Président Moussa Traoré :

Contrairement aux affirmations gratuites des falsificateurs impénitents et incorrigibles de l’Histoire de notre pays, je n’ai pas quitté le Gouvernement du Général Moussa Traoré sur ‘’un coup de tête’’. Le contenu et le timing même de ma lettre de démission – datée du 23 août 1987 mais avec effet au 24 août, soit plus d’une semaine après le déclenchement de l’Opération Sabena – en témoignent. Quelques mois plus tôt déjà, au lendemain d’un débat en Conseil des Ministres sur un dossier très important pour le redressement économique et financier du Mali et la moralisation de la vie publique, j’avais, sur mon insistance, obtenu une audience en tête à tête avec le Président de la République.

En entrant dans le bureau présidentiel, j’avais en poche ma lettre de démission ; je n’ai pas eu à la présenter car les réponses du Général Moussa Traoré m’avaient rassuré qu’il restait toujours sur la lignée des trois conditions que je lui avais posées en préalable à mon entrée au Gouvernement. Il n’en demeurait pas moins que, notamment en matière de choix de mes collaborateurs pour des postes-clé dans le processus de redressement économique et financier, d’importantes divergences commençaient à poindre entre le Président et moi.

Le paroxysme en fut atteint lors du Conseil des Ministres spécial du 12 août 1987 lorsque s’engagea une vive discussion de près de 20 minutes entre le Chef de l’Etat et moi – le reste du Gouvernement restant muet comme une carpe - sur la procédure et les critères de nomination aux postes techniques de responsabilité de l’Etat. En effet, je faisais valoir au Président Moussa Traoré que a) le critère de « militantisme » violait le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant le service public, encourageait l’opportunisme des cadres et serait à la longue même ‘’contre productif’’ pour le Parti du Président ; et b) la subordination des mesures individuelles –nominations et révocations- en Conseil des Ministres à l’appropriation préalable du Secrétariat Permanent du BEC empiétait sur les prérogatives constitutionnelles du Conseil des Ministres, sapait l’autorité des Ministres et encourageait le clientélisme politique, source de corruption, d’inertie et d’inefficacité de l’Administration.

En fait, pour tous les observateurs nationaux et internationaux, le Général Moussa Traoré, qui semblait prendre sa charge de Président du Mali très au sérieux tant qu’il était dans le bureau présidentiel, paraissait avoir de plus en plus de mal à résister à la force d’inertie et aux assauts de l’aile mafieuse de son régime qui semblait le submerger une fois hors du bureau officiel. En partie au moins, ma démission avait pour but de l’obliger à choisir clairement son camp entre le Peuple malien et les fossoyeurs de l’économie nationale.

9. De l’absence de relations entre le Président Moussa Traoré et moi avant mon entrée au Gouvernement :

J’ai servi sous le régime du Président Moussa Traoré comme, entre autres, Conseiller Technique du Ministre d’Etat chargé de l’Economie et du Plan (octobre 1982- 31 décembre 1984), Conseiller Technique (janvier 1985-juillet 1985) puis Directeur de Cabinet du Ministre d’Etat chargé de la Tutelle des Sociétés et Entreprises d’Etat (juillet 1985-20 février 1987), Ministre des Finances et du Commerce (20 février 1987-24 août 1987) et, enfin, Contrôleur Général Adjoint de l’Etat (octobre 1988-novembre 1989. Je ne regrette en rien d’avoir occupé ces différents postes et si cela avait été à refaire, je l’eusse fait en posant les mêmes conditions que j’avais posées au Ministre d’Etat et au Président.

Il n’en demeure pas moins que, au moment de ma nomination comme Ministre des Finances et du Commerce, je n’avais eu aucune relation, ni politique ni personnelle, avec le Président Moussa Traoré. Ma première fois de m’asseoir face à face avec lui, avec Dieu comme seul témoin, remonte au 18 février 1987 lorsqu’il me proposa le portefeuille des Finances et du Commerce pour, disait-il, aider au « réarmement moral » du Peuple malien. Avant d’accepter l’offre, j’ai posé trois conditions que le Chef de l’Etat a acceptées. Ces conditions, que je ne dévoilerai pas, ont constitué la trame fondamentale de toutes mes actions à la tête du Ministère des Finances et du Commerce.

De même, je n’avais aucune relation antérieure avec le Ministre d’Etat Oumar Coulibaly lorsque celui-ci, sur les recommandations de M. Morifing Koné, un ami personnel et promotionnaire de l’ENA, à l’époque Directeur Général de l’OPAM (Office des Produits Agricoles du Mali), me proposait le poste de Conseiller Technique chargé du Plan, de la coordination économique, des relations avec les institutions de Breton Woods et de la coopération internationale. Pas plus que je n’avais de relation préalable avec le Président Amadou Toumani Touré lorsque celui-ci me nommait, le 2 avril 1991, Premier Ministre, Chef du Gouvernement de Transition.

Affirmer ces faits réels et historiquement vérifiables ne signifie en rien manquer d’humilité ou de retenue, d’autant moins que je n’ai jamais cherché ces postes encore moins à m’y accrocher. Avec ces trois personnalités politiques du Mali, j’ai toujours donné le meilleur de moi-même en faisant preuve de la même indépendance d’esprit, de la même loyauté (qu’il ne faut pas confondre avec la servilité), de la même franchise (qui n’est ni impertinence, ni impolitesse) et du même attachement inébranlable à la défense des intérêts du Peuple malien.

Dire ce que les deux Chefs d’Etat ont pu faire de contraire aux intérêts du Mali (comme, par exemple, la mise à la retraite d’office de tous les Officiers supérieurs de l’Armée par Moussa Traoré pour opposition au coup de force du 19 novembre 1968 ou l’arrestation par le même Moussa Traoré du groupe de Diby Silas Diarra et des Officiers qui ont maté la première rébellion Touareg ; le projet de révision constitutionnelle envisagé par Amadou Toumani Touré) ne revient pas à ignorer la grande estime qu’ils ont eue pour moi, estime qui reste intacte comme le rapportent leurs visiteurs maliens et étrangers.

10. De l’ostracisme dont je fais l’objet de la part des autorités successives de la IIIe République :

Dénoncer cet ostracisme manifeste à mon encontre – tout en n’oubliant pas que la IIe République elle-aussi avait, après ma démission, bloqué ma nomination comme Conseiller au Ministère des Ressources Naturelles et de l’Environnement- ne m’empêche pas de reconnaître que la IIIe République représente, à tous égards, un progrès indéniable par rapport au régime du CMLN et de l’UDPM. Comptant parmi les cadres maliens qui ont eu la chance historique de contribuer à la mise en place de ladite République, je figure aussi parmi les tout premiers à en dénoncer publiquement les dérives et les tares et ce, dès 1997 et à plusieurs reprises depuis.

Mais je resterai, avec de nombreux autres maliens et maliennes attachés aux valeurs du 22 septembre 1960 et du 26 mars 1991, une sentinelle vigilante pour démasquer tous les nostalgiques –nostalgie mélancolique- du CMLN/UDPM qui, profitant du sentiment de désarroi des couches populaires compte tenu de la crise multidimensionnelle que notre pays traverse (manipulées en plus par les milieux putschistes et antirépublicaines face à certaines situations qu’eux-mêmes n’auraient pas pu mieux gérer, autrement ils n’auraient pas été renversés par l’insurrection populaire) essaient de nous faire croire que, jusqu’au 25 mars 1991, le Mali était un paradis terrestre que des martiens seraient venus transformer en enfer.

Mon attitude démontre à souhait que l’intérêt personnel n’a jamais été mon leitmotiv. Soit dit en passant, mon père a été arrêté et humilié à Nyamina par la junte militaire tant à la suite du coup d’Etat du 19 novembre 1968 qu’à la veille du 26 mars 1991. Mon oncle paternel, celui-là même qui m’a élevé, a également subi les affres du coup de force de novembre 1968, jusques et y compris l’interdiction de séjour à Nyamina et dans un rayon de 90 (quatre-vingt-et-dix) kilomètres de son village natal.

Pour autant, devenu Premier Ministre, Chef du Gouvernement de Transition, je n’ai point cherché à me venger. Mieux, conformément à l’esprit et aux valeurs démocratiques, soucieux de sortir le Mali du cycle infernal de violences et de règlements de comptes politiques souvent sanglants qui ont marqué certaines étapes-clé de l’Histoire pré- et post indépendance de notre pays et déterminés à contribuer à l’unité et à la concorde nationales, le Président Amadou Toumani Touré et moi avons tenu à respecter et à faire respecter tous les droits des dignitaires de l’ex-UDPM dans un contexte où d’importantes forces politiques ne leur réservaient qu’une liquidation sommaire et expéditive sans autre forme de procès.

Nous avons également veillé à leur épargner toute humiliation, y compris à l’ouverture du procès crimes de sang, quitte à tordre le cou à certaines exigences de la procédure de comparution des accusés devant une juridiction pénale.

Il convient de noter, à l’actif du Peuple malien et de sa IIIe République, que les dignitaires – même ceux non repentis – du régime du CMLN/UDPM n’ont pas fait l’objet d’ostracisme, la Constitution démocratique du 12 janvier 1992 ne contenant, comme déjà rappelé, aucun ‘’article 76’’.

Beaucoup d’entre eux ont pu accéder, sans aucune discrimination ni stigmatisation, aux hautes responsabilités de l’Etat : Vice Président de l’Assemblée Nationale, Députés, Ministres, Ambassadeurs, Directeurs Généraux de services centraux, membres de Cabinets de la Présidence de la République, de la Primature et de Départements ministériels, etc. etc.

11. De la ‘’nécessité de relativiser le jugement sur Moussa Traoré’’ :

Non contents d’exceller dans l’art abject de réécriture le passé, les falsificateurs de l’Histoire contemporaine du Mali sont aussi passés maîtres dans le métier de tronquer les phrases et de les citer hors de leur contexte.

Ainsi, lors d’un débat organisé par radio Kledu à la Caisse Autonome d’Amortissement le 26 mars 1998, anniversaire de la Révolution de mars 1991, sous la direction de feu Lamine Coulibaly et mettant face à face des représentants de la Majorité et de l’Opposition de l’époque sur le bilan de la IIIe République par rapport à la Transition, je pris la parole pour, entre autres, mettre en garde les acteurs du Mouvement démocratique au pouvoir contre certaines dérives et certains risques que la jeune démocratie courait.

En particulier, j’attirai leur attention sur la nécessité d’être extrêmement vigilants et de se rappeler que, dans la vie politique d’une nation, rien ne doit être considéré comme irréversible et définitivement acquis. A titre d’illustration, je citai le cas de l’option socialiste des années 1960. En effet, en avril 1968, rencontrant les opérateurs économiques du pays à la Permanence du Parti (actuelle Maison du Peuple), M. Louis Nègre, Ministre des Finances, assurait publiquement que l’option socialiste du Mali était irréversible : à peine huit mois plus tard, l’option socialiste était jetée dehors et le mot socialisme lui-même pratiquement banni du discours officiel et du langage populaire ! J’ajoutai aussi que l’Histoire démontre que la chute d’une dictature était toujours suivie d’une période d’euphorie elle-même suivie d’une période de doute face à la persistance des problèmes hérités du passé, voire à l’apparition de nouveaux, toutes choses pouvant inciter les couches populaires à ‘’idéaliser’’ la dictature et à regretter ‘’le bon vieux temps’’.

Dans le cas du Mali, ce risque ne devait pas être sous-estimé. Dans les campagnes qui, un peu partout dans le monde, sont plutôt portées à soutenir les régimes conservateurs, le Général Moussa Traoré n’est pas aussi honni que dans les centres urbains et semi-urbains. Et je citai un extrait des propos de ce notable de Nyamina mais sans aucune indication qu’ils résumaient le sentiment commun de tous les notables présents dans le vestibule du Chef, comme l’affirment trop hâtivement et imprudemment les falsificateurs impénitents de l’Histoire du Mali.

Les tristes évènements du 22 mars 2012, une vraie tentative de restauration du régime de l’UDPM, sont malheureusement une illustration de la justesse prémonitoire de mes mises en garde adressées en 1998 aux acteurs du Mouvement Démocratique.

12. De mon appartenance à l’histoire du Mali sous Moussa Traoré :

Ah bon ? Quelle farce de mauvais goût ! Si c’était le cas, pourquoi le livre des falsificateurs de l’Histoire fait-il alors le blackout sur mon passage au Gouvernement qui, qu’ils le veuillent ou non, a activement contribué à l’éveil des consciences et à réunir les conditions propices à la contestation populaire du régime ayant débouché sur sa chute à peine quatre ans plus tard ?

‘’Ephémère Ministre des Finances’’ ? Certes, mais ce bref passage a plus marqué les esprits et eu plus d’impact sur le cours de l’histoire du Mali que ne l’ont jamais eu ceux de ces opportunistes et flagorneurs du régime de Moussa Traoré qui passaient tout le temps à répéter, tels des perroquets, ‘’comme le Secrétaire Général l’a dit’’, ou ‘’comme le Président l’a dit’’ sans que ni le Président Moussa Traoré lui-même ni le Peuple malien ne sachent jamais ceux que eux-mêmes pensaient !

13. Des attaques du Mouvement Démocratique contre moi pendant la Transition :

Contrairement aux affirmations des falsificateurs de l’Histoire, les attaques – perfides, sournoises et de très bas étage politicien - dont j’ai fait l’objet pendant la Transition (et au-delà) ne venaient pas du Mouvement Démocratique dans son ensemble mais plutôt d’une frange bien précise de l’Adema – ce Parti ayant accueilli en son sein beaucoup de transfuge de l’ex-UDPM- qui voyait en moi un adversaire redoutable pour l’élection présidentielle nonobstant le fait que l’Acte Fondamental tenant lieu de Constitution de la Transition, me faisait interdiction de me présenter aux compétitions électorales.

De surcroît, la campagne de presse forcenée que menait contre moi l’un des titres-phare de la presse de l’époque participait de la préparation politique et psychologique de la tentative de coup d’Etat perpétrée par notre Ministre de l’Administration Territoriale. Il est donc vain pour les falsificateurs de l’Histoire de rêver de me retourner contre l’ensemble du Mouvement Démocratique en général, voire contre le parti Adema tout entier.

14. De mon rêve de devenir Président de tous les maliens :

Je n’ai nul besoin des falsificateurs de l’Histoire du Mali pour savoir que le Président de la République est celui de tous les maliens. Mon action politique en faveur de la réconciliation nationale – tourner la page mais sans la déchirer ni dans le mépris de la justice pour les victimes – et du dialogue constructif entre toutes les forces politiques et sociales ne date pas d’aujourd’hui. Dans le sillage du Président Modibo Keïta et de ses compagnons de la lutte pour l’Indépendance et la construction nationales, je place l’unité et la concorde nationales au dessus de toutes autres considérations.

J’ai toujours soutenu que le multipartisme ne signifie ni division, ni exclusion, ni marginalisation ; bien au contraire, il permet à l’Etat et au Peuple de bénéficier de l’apport synergétique, politique et intellectuel, de tous et de chacun pour le bien-être individuel et collectif ; et tels furent et demeurent mon crédo et ma pratique, au Gouvernement et hors du Gouvernement. Ce n’est pas par hasard que mon parti politique, la CNAS-Faso Hèrè (Convention Nationale pour une Afrique Solidaire) a pour slogan : Le Mali pour tous, des chances égales pour chacun !

Malheureusement, loin de contribuer à consolider l’unité nationale et à aider le Mali à tourner la page mais sans la déchirer ainsi qu’ à sortir du cycle infernal de règlements de comptes politiques, le fameux livre des falsificateurs de l’Histoire (dont, soit dit en passant, la tonalité et finalité sont à l’antipode du livre intitulé Défense et Illustration de l’Action de l’US-RDA), tirant manifestement son inspiration de la campagne forcenée de dénigrement de la IIIe République menée à partir du 22 mars 2012 par des forces civiles et militaires antirépublicaines et antidémocratiques, risque plutôt de remettre en cause les efforts entrepris de part et d’autre pour amener tous les enfants du Mali à se donner la main, dans le respect de la diversité naturelle des opinions et projets politiques, pour sortir notre pays commun de la crise multidimensionnelle qu’il traverse et redonner à notre Peuple, celui-là même pour le bonheur duquel nous prétendons tous nous battre, et singulièrement à la jeunesse des villes et des campagnes, de nouvelles raisons de vivre et d’espérer.

Enfin, mon ambition de devenir Président de la République du Mali est cette même ambition qui doit animer tout cadre soucieux du présent et de l’avenir de notre patrie commune, le Mali, mais il ne s’agit point d’une obsession. N’étant pas-encore- Président de la République, le Peuple malien ne s’en porte pas plus mal, car nul n’est indispensable, mais que les falsificateurs de l’Histoire de notre pays veuillent bien le croire, l’enfant de Nyamina ne s’en porte pas plus mal, non plus.

Bamako, le 24 mai 2016
Soumana Sako


Voir en ligne : Livre le Mali sous Moussa Traoré : Les vérités de Soumana Sako, ministre démissionnaire du régime de Moussa Traoré

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