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Le Mali, 53 ans après : Le second assassinat de Modibo Keïta

lundi 3 février 2014, par Assane Koné

En programmant, pour le 20 janvier 2014, la signature de nouveaux accords de coopération militaire entre le Mali et la France, la hiérarchie politique et militaire de notre pays a, non seulement désavoué l’acte de souveraineté nationale posé le 20 janvier 1961 par Modibo Keita exigeant le départ des troupes de la France coloniale, mais elle a surtout offert à cette même France coloniale l’occasion rêvée de prendre sa revanche sur ce qu’elle considère toujours comme une humiliation à réparer.

Le report, si ne die, de cette date assassine, sous la pression populaire, ne change rien aux blessures deuxième fois mortelles infligées à l’honneur de Modibo Keïta après celles du coup d’État de 1968.

D’aucuns, se prenant pour les surdoués de notre peuple, restent fermés aux débats contradictoires salutaires, et laissent supposer, par leurs propos, que toutes celles et tous ceux qui ne sont pas favorables à ces accords sont moins patriotes qu’eux et leurs partisans.

Au sortir des nombreuses interrogations, entre autres celles ci-dessous, qui interpellent la conscience de chacune et de chacun la vérité, à n’en pas douter, éclairera bien des zones d’ombre qui nourrissent la confusion volontairement entretenue sur la situation politique, militaire et sociale de note pays :

  Est-ce par insuffisance de réflexion et/ou par aveuglement passionnel et/ou par complexe d’infériorité que la hiérarchie politique et militaire malienne, si c’est elle l’auteure, avait proposé ce jour anniversaire pour le retour revanchard et triomphal de l’armée française sur nos terres ?
  Si c’est François Hollande qui l’avait choisi, ne l’avait-il pas retenu, voire imposé, convaincu de son ascendant sur les autorités maliennes dont il a déjà testé la faiblesse de résistance par son cinglant et humiliant « Je serai intraitable  », sur la date de l’élection présidentielle ?
  N’est-il pas grand temps d’arrêter l’épanchement des sempiternels sentiments de reconnaissance à la France pour son « sauvetage » du Mali et se demander, plutôt, qui a rendu la situation volontairement pourrie, neuf mois durant, afin de justifier l’intervention longtemps programmée de Serval ?
  Si la géopolitique de 2014 n’est pas celle de 1961, aux dires du Président Ibrahima Boubacar Keïta, en quoi les visées hégémoniques de la France sont-elles différentes et pourquoi le Mali doit-il abdiquer son devoir de souveraineté ?
  Ces accords ne sont-ils pas une forme déguisée de mise sous tutelle de notre pays et de son armée ?
  Comment la présence de l’armée françaises et d’autres troupes étrangères éventuelles peut-elle être contrôlée sur notre territoire et les dérapages certains empêchés et/ou sanctionnés ?
  Dans quel pays, en Afrique, la présence de troupes étrangères chargées d’une prétendue sécurisation a-t-elle provoqué autre chose que le massacre de civils, de viols de populations et de propagation de maladies vénériennes, du sida, etc. ?
  Quel autre rôle est appelée à jouer l’armée nationale, dans un contexte où la décision est permanente de la marginaliser chaque jour un peu plus, sinon celui d’une armée supplétive dépourvue de véritables moyens pour accomplir elle-même sa mission ainsi confisquée ?
  Où donc sont-ils les armes et les équipements dont elle aurait du déjà être en possession ?
  Est-on entrain de la restructurer, de la former seulement sur le plan théorique, c’est-à-dire au tableau ou à l’écran, sans contact réel avec les armes et les équipements, objets de cette restructuration et de cette formation ?
  Qu’a-t-on fait de l’énorme contribution à l’effort de guerre consentie dans un élan patriotique sans précédent par les Maliens de l’Intérieur et de l’Extérieur ?
  Croit-on l’armée malienne aussi incapable de faire face à sa raison d’être qui est de protéger elle-même le peuple de ses ennemis extérieurs et intérieurs ?
  Pourquoi refuse-t-on de la réarmer et de réparer, ici et maintenant, la faute volontaire et grave de ses deux derniers chefs suprêmes, à savoir Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré ?
  Le moratoire secret qui aurait été signé par le premier en 1993 interdisant l’importation d’armes lourdes par l’armée malienne sur une période 30 ans, dont la validité courra jusqu’en 2023, est-il réel qui expliquerait l’impossibilité d’acheter ces armes indispensables à nos Forces de Défense Nationale ?
  Cela expliquerait-il l’outrecuidance des pays de la Cédéao franc-maçonnique qui avaient refusé de rendre aux autorités de la transition les armes achetées par notre pays pour entreprendre la libération du nord occupé ?

Et qu’en est-il de Kidal, cette écharde dans la blessure nationale qui continue de faire si mal à notre honneur ?

Nous avons l’impression bizarre d’une nouvelle diversion destinée à occulter les enjeux de cette région au profit de ce dossier des accords de coopération après celui de la demande du jugement improbable d’Amadou Toumani Touré pour haute trahison.

Jugement improbable en effet, car la Justice malienne n’est pas encore suffisamment indépendante du pouvoir politique pour accepter que soient cités à la barre et, éventuellement poursuivis pour complicité, les deux Présidents de l’Assemblée Nationale, à savoir Le Président en exercice lui-même et Dioncounda Traoré, qui n’ont jamais interpellé Amadou Toumani Touré sur sa gestion militaire criminelle du pays.

Déjà, heureusement, la passion soulevée par ce faux débat a été rapidement refroidie par la lucidité retrouvée des débatteurs.

Certains ont construit au Président Ibrahima Boubacar Keïta la légende du « kan-kelen-tigi ». Une légende qu’il doit valider, au plus vite, en se rappelant encore et toujours que le traitement du dossier de Kidal est la priorité des priorités dans l’opinion nationale qu’il a lui-même contribué à forger avec l’affirmation plusieurs renouvelée de son intransigeance sur la souveraineté du Mali sur la région et sa détermination à ne laisser le pays se placer ou être placé sous la tutelle de qui que ce soit.

La grandeur du Mali des grands empires aussi bien que celle des grands royaumes repose sur deux crédos majeurs : «  l’honneur est plus précieux que la vie » et «  le dire vrai et le faire vrai  ». Pour l’essentiel, ils sont consignés dans la charte du Mandé.

Avant cette charte, c’est-à-dire plusieurs millénaires plus tôt, nos Vénérables Ancêtres, depuis Kamita « l’Égypte antique », avaient posé, à travers les quarante-deus (42) Commandements de la Déesse Maât et les Sagesses et Instructions, les fondements véritables d’un État juste, équitable dans lequel la peur du « dire vrai et du faire vrai » est bannie de la conscience populaire et le sens de l’honneur est plus élevé que la préservation intéressée de sa propre vie.

C’est à ses valeurs fondatrices que le Mali doit revenir, ici et maintenant, si tant est que ceux et celles qui ont sa destinée en mains, aient la volonté réelle de corriger rapidement le faux tir imprimer à ce futur par les faux amis et les forces centrifuges.

Pour s’aider à réussir cette mission sacrée, s’il l’identifie comme la sienne, le Président Ibrahima Boubacar Keïta, gagnerait à encourager et à soutenir, entre autres, la création et l’existence d’un Véritable Journalisme d’Investigation afin de lui permettre de découvrir la vraie nature du caché et de l’apparent.

Car, lorsque les relations diplomatiques d’un État sont basées sur la mendicité, les faux amis et les forces centrifuges, relais de l’impérialisme occidental et arabe, ne se séparent jamais de leurs armes souveraineticides : la duplicité et/ou le chantage à peine voilé.

Doumbi-Fakoly Doumbia
Écrivain, chercheur.
Président du Rassemblement pour la Réhabilitation
de la Religion Négro-Africaine – 3RNA-Maaya

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