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Instituts d’éducation spécialisée du Mali : L’Etat doit mieux faire

mercredi 30 octobre 2013, par Assane Koné

Le Mois de la solidarité du Mali n’est-il pas entrain de devenir l’ombre de lui-même. En cette 19e édition de la manifestation une journée porte ouverte dans les instituts d’éducation spécialisée, nous oblige à nous interrogé : Où est passé la solidarité dont nous nous vantons tant, avec tant de fierté ? Dans tous les cas la situation de ces établissements nous interpelle tous et les autorités de l’État malien en premier, parce que ce sont des enfants maliens, notamment ceux qui sont défavorisés par la nature, qui s’y battent pour se faire une place au soleil.

Dans le cadre du mois de la solidarité 2013, la période du 14 au 20 octobre 2013, a été consacrée à la semaine de la personne handicapée. En plus de la remise de la canne blanche au Directeur général de la police nationale et de la distribution gratuite de médicaments aux malades atteints de polyarthrites, la Fédération malien des associations des personnes handicapées (FEMAPH) a organisé le 18 octobre 2013, une journée porte ouverte dans les instituts d’éducation spécialisée de Bamako. Bien que le programme de cette journée ait été ficelé en commun accord avec le ministère du travail, des affaires sociales et humanitaires, la FEMAPH a eu la désagréable surprise de constater que le département de tutelle ne s’est pas fait représenter. Mais, qu’à cela ne tienne la défaillance de la politique nationale de solidarité en faveur des instituts d’éducation spécialisée de Bamako, donc de leurs pensionnaires, ne fait l’ombre d’aucun doute. « C’est avec un cri de cœur que la Fédération a organisé cette journée porte ouverte dans les Instituts d’éducation spécialisée de Bamako, afin de dire qu’ils ont besoin de beaucoup plus d’assistance que ce qui se fait actuellement », a indiqué Adama Diakité, secrétaire exécutif de la FEMAPH.

L’école des déficients auditifs, mieux logée, mais avec des problèmes quand même

La Première étape de cette journée porte ouverte, nous a conduit à l’école des déficients auditifs de l’Association malienne des sourds. Mme Sangaré Aminata Mariko, Directrice de l’école, a rappelé qu’avec un effectif de 32 élèves à sa création 1993, l’école compte aujourd’hui 362 élèves dont 137 filles. Mieux, elle dira que l’école a un 1er cycle, un second cycle, un centre de dépistage de la surdité et des soins, un cyber café, une cantine scolaire, un atelier de coupe-couture, une salle de sérigraphie, un petit espace pour le maraîchage, un air de jeu pour le préscolaire, un terrain de sport multifonctionnel, un bus de 50 places et un minibus de 18 places. « Malheureusement, notre 2e minibus a été carbonisé lors des évènements du 22 mars 2012 », a-t-elle indiqué. C’est avec beaucoup de plaisir que la directrice a exposé les réussites scolaires. Selon elle 58 élèves ont été admis au DEF, un admis au BAC et continue ses études à l’Université de Gallaudet aux Etats-Unis, parmi les admis au DEF, 6 sont devenus des enseignants pour enfants sourds et 52 jeunes sourds arrivés en 9e année, ont effectué une formation modulaire à l’ECICA dans des filières de leur choix : carrelage, plomberie, électricité, bâtiment, peinture et maçonnerie. Cependant, selon la Directrice, l’école est aujourd’hui confrontée à des difficultés. Elle a indiqué que par manque de moyens, l’école n’arrive pas toujours à assurer correctement le transport des enfants, ce qui joue sur la ponctualité. Elle a aussi touché du doigt le problème de l’approvisionnement de la cantine en denrées alimentaires et autres ingrédients (riz, huile, sel). « Malheureusement à cause de ces difficultés, la cantine n’est pas fonctionnelle or c’est elle qui permet aux élèves de travailler les après-midi  », a-t-elle indiqué. Du côté de la pédagogie, elle a dénoncé l’absence de formation continue des enseignants en langue de signes et l’absence de la prise en charge du formateur des élèves en informatique. Quand à la prise en charge médicale des enfants, la Directrice a listé un certain nombre de besoins qui aideraient le centre de dépistage de la surdité et des soins à mieux fonctionner. Ce sont : un orthophoniste, un assistant ORL, un audio prothésiste, un infirmier de santé, du matériel médical, des médicaments.

Le centre de réhabilitation pour handicapé physique, dans le noir depuis juin 2013

Créer en 1973, par l’association malienne pour la promotion des handicapés physiques (AMPHP), le centre de réhabilitation pour handicapés physiques (CRHP) a pour mission d’assurer la prise en charge scolaire et médicale des enfants handicapés physiques. Selon Mme Hapsatou Tall, Directrice du CRHP, le centre qui faisait la fierté de tous les maliens et qui a permis à des centaines d’enfants handicapés de poursuivre les études dans des écoles classiques, connait actuellement de nombreuses difficultés. Elle a dénoncé le manque d’équipement pour la rééducation et le manque de matériel didactique. Elle a indiqué que les véhicules en mauvais état, sont toujours au garage. En plus du manque d’électricité depuis juin 2013 pour non payement de facture, les salaires du personnel administratif devient un casse tête. Pire, elle dira que tables et chaises y sont en mauvais état et incomplets. Elle n’a pas caché l’espoir fondé sur cette journée porte ouverte pour assister à la résolution des problèmes de cette école qui est aujourd’hui, voisine des résidences de Dioncounda Traoré et du Générale Amadou Haya Sanogo, mais dans le noir. Il faut dire que cette école qui souffre aujourd’hui du manque de solidarité des plus hautes autorités de ce pays, n’a pas toujours été désœuvrée. Selon Mme Hapsatou Tall, le centre est l’expression de la solidarité en vue de donner une chance aux nombreux enfants souffrant de polio. En effet, c’est en 1958 que sœur Agnès de l’Institut Marchou a confié quelques enfants souffrant de polio à Réné Canvel, pour la rééducation fonctionnelle. En 1959, compte tenu du nombre de plus en plus croissant des enfants handicapés non scolarisés, Réné Canvel a crée le centre pilote de Bamako pour la scolarisation et la prise en charge médicale de ces enfants. En 1964, le Président Modibo Keita fait don de son prix Lénine de la paix, d’une valeur de 14 millions de francs malien à Réné Canvel. En 1970, des hommes de bonne volonté se regroupent pour former l’association malienne pour la promotion des handicapés physiques. Cette association a pour but de soutenir les actions des pouvoirs publics en faveur de la réhabilitation socio-économique des handicapés maliens. C’est cette association qui a initié le CRHP.

Centre médico-physico-éducatif de l’AMALDEME, le courant est revenu, mais jusqu’à quand ?

Le complexe médico-psycho-éducatif de l’Association malienne de lutte contre les déficiences mentales chez l’enfant (AMALDEME), selon Samba Coulibaly, Directeur exécutif adjoint de l’AMALDEME, est constitué d’un centre et d’une école. Selon lui, le centre offre des prestations médicales, thérapeutiques et d’assistance psychologique. Il prendre en charge actuellement 713 enfants en situation de handicap mental, dont 582 en prise en charge ambulatoire, 45 à l’école spéciale et 70 repartis entre le préapprentissage et les groupes d’animation thérapeutique et de socialisation, 16 repartis entre les différentes classes de l’école intégratrice. Il dira que l’école compte deux filières. Une filière spéciale qui regroupe uniquement 45 enfants handicapés mentaux lourds et profonds, dont certains sont des polyhandicapés et des autistes. A côté, il y a l’école intégratrice de 203 élèves, avec 14 en situation de handicap. « La prise en charge de ces enfants, surtout en nombre aussi élevé, ne va pas sans difficulté  », a-t-il indiqué. Dans ce chapitre, il a rappelé les difficultés liées à l’insuffisance et au manque de formation des ressources humaines et les difficultés liées à l’insuffisance des ressources didactiques, notamment le matériel didactique et pédagogique. Il a aussi mis l’accent sur les difficultés liées à l’insuffisance des ressources financières pour faire face au fonctionnement courant. Il a précisé que l’AMALDEME assure le transport des enfants à 2 534 400 FCFA pour le carburant, 1 800 000 FCFA pour les diverses réparations des véhicules et 264 000 FCA pour l’entretien des véhicules, soit un total de 4 598 400 FCFA pour le transport. Du coté de la cantine, le fonctionnement s’élève à 8 227 600 FCFA. L’entretien des bâtiments s’élève à 827 800 FCFA. A cela, il faut ajouter les salaires et charges sociales qui s’élèvent par mois à environ 2 196 000 FCFA, soit 26 352 000 FCFA par an. « A ce jour l’AMALDEME fait face à une dépense totale annuelle de 43 776 400 FCFA, dans laquelle l’Etat, à travers la direction nationale du développement social, fait une contribution annuelle de 7 millions de subvention et 6 millions en petit équipement  », a-t-il indiqué. L’AMALDEME est contrainte à rechercher le gap auprès des partenaires qui sont aujourd’hui en difficultés. Ces difficultés avaient plongés l’AMALDEME dans le noir et assoiffé ses pensionnaires. A la faveur de la campagne présidentielle, lors d’une visite du candidat Soumaila Cissé, à la Fédération malienne des associations des personnes handicapées, il a fait une contribution de 10 millions de FCFA pour faire face à la facture d’électricité de l’AMALDEME. Ce geste a été apprécié par les responsables de l’AMALDEME.

L’IJA est dans le noir et la SOPRAM se meurt

Pour un besoin annuel estimé à 36 millions de FCFA, l’UMAV ne reçoit que 8 millions de FCFA de la part de l’État. Cette révélation a été faite par Moumouni Diarra, Président de l’Union malienne des aveugles. Selon lui, en tout et pour tout, par an l’État met à la disposition de l’Institut une subvention de 3 millions de FCFA et 5 millions à la disposition de l’association. Ce manque de subvention serait à la base de l’accumulation d’un certain nombre de problèmes qui se caractérisent par la rupture de la fourniture de l’électricité pour un impayé de 49 millions de FCFA. « Nous avons accumulés cette dette depuis les années 90. On a aussi une accumulation de facture d’eau qui s’élève à 3, 7 millions de FCFA  », a-t-il indiqué. Avant de regretter le fait que les jeunes élèves soient aujourd’hui doublement aveugles. « Déjà défavorisés par la nature, ils n’ont pas la chance d’avoir l’électricité dans les salles de classe et à l’internat », a-t-il dénoncé. Avant de mettre l’accent sur les difficultés d’alimentation des enfants au niveau de l’Internat. « Nous bénéficions d’un appui du PAM en mil, sel, huile et petits-poids. Mais nous sommes obligés d’acheter tout le reste », a-t-il révélé. Mais, Moumouni Diarra regrette le fait que l’Etat n’ait pas encore perçu l’enjeu autour de la société de production des aveugles du Mali (SOPRAM), qui produit la craie et des serpières de très bonne qualité. « A défaut de nous subventionner à hauteur de souhait, l’État pouvait tout de même mettre en place un dispositif pour approvisionner les écoles maliennes des craies que nous produisons. Cet argent pourraient nous aider à faire face à certaines charges de l’école », a-t-il déclaré. Avant de dire que la SOPRAM qui emploie 43 aveugles, a dans ses magasins 50 millions de FCFA de stock de craie. Et, il dira que depuis 3 mois, la SOPRAM n’arrive plus à payer ses travailleurs.
A la fin de la journée, Moctar Bah, Président de la Fédération malienne des associations des personnes handicapées (FEMAPH), a indiqué que la finalité c’est d’aboutir à une école malienne inclusive pour tous, afin d’atteindre les OMD. Après avoir indiqué que toutes ces écoles ont été créées par les associations, avec le soutient de partenaires extérieurs, Moctar Bah a estimé que cela ne peut plus continuer. Il a invité l’État à s’ assumer afin que tous les enfants handicapés du Mali bénéficient des même chances que tous les autres enfants du pays.

Assane Koné

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