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Entretien avec l’eurodéputé souverainiste Nigel Farage : L’Europe doit cesser de coloniser l’Afrique !

lundi 2 juin 2014, par Assane Koné

À l’occasion de la victoire de l’UKIP aux élections européennes au Royaume-Uni, nous republions cet entretien qui date de décembre 2013. Nigel Farage y abordait l’épineuse question des alliances entre eurosceptiques au Parlement de Strasbourg, nous expliquant pourquoi il refuse de s’allier au Front national.

Daoud Boughezala : Il y a vingt ans, opposé au traité de Maastricht, vous quittiez le Parti conservateur britannique pour créer l’UKIP. Or, bien que le Royaume-Uni soit resté à l’écart de la zone euro, il n’a pas fait mieux que les autres membres de l’Union Européenne.

Nigel Farage : Grâce au ciel, le Royaume-Uni n’a pas adopté l’euro ! La monnaie unique est un échec dramatique à tous les niveaux. On nous avait dit que l’euro apporterait prospérité et stabilité sur le vieux continent, alors qu’il a entraîné crise sur crise ! Il était certain que l’euro ne correspondrait pas à l’économie des pays méditerranéens. Mais il y a une autre grande vérité cachée : la France et l’Allemagne ne peuvent pas supporter le même corset économique et monétaire. C’est pourquoi je prévois de très grandes difficultés pour l’économie française dans les années à venir, à moins que vos dirigeants ne se décident à sortir de l’euro pour retrouver la maîtrise de leurs finances…

Revenir au franc ? Maintenant que nous sommes embarqués dans la même galère, ne serait-ce pas périlleux de quitter le navire sans radeau de sauvetage ?

Rester dans l’euro est en tout cas la plus mauvaise des solutions.

Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen ne disent pas autre chose. Pourquoi vous alliez-vous au premier et rejetez-vous les appels du pied de la seconde ?

La charte de l’UKIP est très claire : nous avons une certaine idée de la démocratie libérale et de la tolérance. Bien que nous puissions partager les critique anti-européistes du Front national, nous ne nous accommodons pas de son passif historique. Je pense notamment à l’antisémitisme, avec lequel nous ne transigerons jamais.

Mais vous divergez également avec le président de Debout La République qui fustige les politiques bruxelloises de rigueur et de dérégulation pendant que vous défendez des positions économiques assez libérales. Votre alliance avec Dupont-Aignan n’est-elle pas le mariage de la carpe et du lapin ?

J’ai en effet une vision plus ouverte et plus libre du marché que Nicolas Dupont-Aignan. Mais sur les grands sujets politiques comme l’Europe, nous savons dépasser nos différences politiques. L’essentiel, c’est que nous refusons tous deux d’être pieds et poings liés dans une Union européenne qui décide des lois. Ce n’est pas parce que Nicolas Dupont-Aignan et moi-même avons des points de vue économiques divergents que nous ne voulons pas que le Royaume-Uni et la France prospèrent, qu’elles commercent et coopèrent en bons voisins.
Nos deux pays n’en sont pas moins très différents. Ainsi, contrairement à la France, le Royaume-Uni n’a pas ratifié les accords de Schengen. Vous reprochez aux gouvernements britanniques successifs d’avoir accueilli 4 millions d’immigrés ces dernières années, l’Union Européenne donc n’est pas en cause…
À l’intérieur de l’Union européenne, la libre circulation est aussi-totale. Tous les citoyens de l’UE peuvent se rendre dans un pays non-signataire de Schengen en passant un simple test de résidence. Pour cela, il suffit d’aller chez un médecin et de recevoir un numéro de sécurité sociale. Ceci dit, si Londres intégrait l’espace Schengen, cela casserait définitivement les barrières entre les pays pauvres et riches de l’Union européenne. Plus d’un million d’étrangers venant d’Europe de l’Est vit déjà au Royaume-Uni. Depuis l’an dernier, les portes de l’immigration en provenance de Roumanie et de Bulgarie s’étant ouvertes, nous subissons une seconde vague massive de flux migratoires. C’est un jeu perdant-perdant, pour notre pays mais aussi pour l’Europe de l’Est qui se dépeuple.

On annonce une possible majorité eurosceptique au Parlement européen à l’issue des élections de juin, ou à tout le moins une forte minorité souverainiste, notamment issus de partis populistes est-européens. Quelles sont vos stratégies pour renverser la balance en Europe ou, au minimum, peser au sein de cette assemblée ?

Je ne peux pas prévoir l’importance du nombre de députés eurosceptiques, nous verrons. Tout dépend du nombre de parlementaires de centre-gauche et de centre-droit qui sont dans une perspective eurosceptique et sont prêts à voter contre les directives présentées au Parlement par la Commission Européenne. De toute manière, je mise moins sur le Parlement européen que sur mes actions au Royaume-Uni. L’essentiel de ma stratégie consiste à faire pression sur le gouvernement britannique pour le pousser à organiser un référendum sur notre appartenance à l’Union européenne.

Pourtant, si le gouvernement britannique de l’époque avait plus regardé du côté de l’Europe que vers le grand large, vous auriez peut-être évité d’entrer en guerre en Irak…

Au contraire, l’Union européenne devient de plus en plus interventionniste ! Sa politique de sécurité commune l’engage dans des opérations navales dans l’Océan Indien, où elle peut tester l’armée communautaire, marine et aérienne, qu’elle est en train de constituer. Si l’UE avait mis en place une véritable politique étrangère, elle aurait notamment bombardé la Syrie. Il suffit d’écouter les discours de messieurs Verhofstadt et Cohn-Bendit : l’UE veut une force militaire et a bien l’intention de l’utiliser…

Cela nous avait échappé ! Au Mali, les Etats européens ont surtout laissé la France se débrouiller seule. Vous avez néanmoins dénoncé l’opération Serval comme une tentative de diversion par rapport aux difficultés économiques. Défendez-vous donc le principe du « chacun chez soi » même quand un Etat vous appelle à l’aide ?

Commençons par le commencement, Hollande n’avait pas le droit d’invoquer l’Union Européenne dans cette entreprise militaire. Il a prétendu parler en notre nom à tous, sans en avoir l’autorité et la légitimité pour le faire !

Certes, mais garantir la stabilité de l’Afrique n’est-ce pas le meilleur moyen de ralentir les flux migratoires vers l’Europe ?

La meilleure chose que l’UE puisse faire pour l’Afrique, c’est de lui permettre de sortir de la pauvreté, pas de partir en guerre sur son sol ! Au lieu de faire le gendarme de l’Afrique, nous pourrions immédiatement endiguer le trafic de pêche qui pille les stocks de poissons de la côte Ouest Africaine. Ouvrons les yeux : le protectionnisme de la Politique Agricole Commune empêche l’Afrique noire de nous vendre des haricots verts et ses autres produits agroalimentaires sans pratiquer des tarifs exorbitants. Bref, l’UE poursuit la colonisation par d’autres moyens : la guerre et l’économie.

Publié le 28 mai 2014 à 14:30 dans Monde Politique

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