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AFRIQUE DE L’OUEST : L’avenir de « l’or blanc » est bien sombre

lundi 11 octobre 2021, par Assane Koné

Les filières cotonnières ouest-africaines sont dans un véritable piège : en effet, les producteurs de coton ne subsistent que grâce à leur appartenance au « système coton », indispensable pour accéder au crédit, aux intrants coton et céréales, à la commercialisation, à la formation.

Selon un rapport de l’Initiative ELD, en Afrique par l’adoption à grande échelle de l’agroforesterie, le « système-coton », qui se traduit par la fourniture « clés en main » d’une série de services d’appui aux producteurs de coton, est le fruit d’une organisation de la production héritée de la période coloniale et post-coloniale, durant laquelle le paradigme de la filière verticalement intégrée était prégnant. Or, du fait de la baisse tendancielle des cours mondiaux du coton, de la mauvaise gouvernance avérée des filières cotonnières, de la stagnation des rendements en zone cotonnière et des pressions à caractère idéologique des institutions de Bretton Woods qui poussent à la privatisation des sociétés cotonnières, la pérennité des services au système de production cotonnière et la garantie d’un prix d’achat minimal du coton au producteur se trouvent menacées, ainsi que l’illustre le cas malien. De fait, ce qui a pu constituer la force de la filière coton en Afrique de l’Ouest francophone, à savoir une organisation de la production et de la commercialisation sous forme de filière intégrée, réductrice d’incertitudes pour le producteur, se révèle aujourd’hui être son principal « talon d’Achille ». En effet, dans un système faiblement incitatif, au sein duquel le producteur devait se contenter de produire le maximum possible de coton, sans tenir compte des conditions réelles du marché mondial, et la société cotonnière, véritable monopsone, se contenter d’égrener puis d’exporter le coton fibre vers l’ancienne métropole (la France via l’ex-CFDT, actuel DAGRIS), il ne s’est développé aucune logique véritable d’adaptation à l’environnement nouveau : peu de gains de productivité au champ, peu d’initiatives de transformation locale de la fibre, peu d’apprentissage des techniques modernes de vente à terme, peu de réflexion prospective sur les filières de diversification agricole...

Une destruction programmée

Le résultat des mutations institutionnelles en cours est que la destruction programmée de la filière intégrée risque de se traduire par une chute spectaculaire de la production cotonnière (ainsi que l’atteste l’exemple du Ghana et dans une moindre mesure celui du Bénin), mais aussi céréalière, contrairement aux hypothèses de substitution qu’escomptent les économistes de la Banque mondiale. Les conséquences prévisibles évoquées plus haut risquent de plonger les économies cotonnières ouest-africaines dans une situation doublement catastrophique, tant du point de vue de l’avenir de la production, des exportations de coton, des devises qu’elles en tirent, indispensables pour assurer l’importation du gap alimentaire, que celui de la baisse programmée de la production céréalière du fait de l’effondrement du système d’assurance que constitue l’appartenance au « club coton ».

Dans la perspective de fournir des fondements théoriques à un argumentaire légitime de soutien aux filières cotonnières ouest-africaines, un important axe de recherche s’avère donc être la construction d’une théorie du « prix de production » du coton graine, fondée sur les coûts de production, à la fois réels et objectifs, opposable au mode actuel de détermination du prix au producteur, fondé sur une logique hybride de recherche d’équilibre financier de la filière coton et d’une connexion hypothétique aux prix mondiaux du coton. Cet axe de recherche paraît d’autant plus important que le marché mondial du coton fonctionne mal et que la seule réponse des institutions de Bretton Woods, partisans déclarés du libéralisme économique, consiste à faire payer par les plus vulnérables (les producteurs de coton africains), les réformes indispensables à effectuer au sein des filières cotonnières d’Afrique de l’Ouest. A ce jeu, les économies cotonnières ouest- africaines sont à coup sûr perdantes. Piégées dans une mono spécialisation primaire et un paradigme productif fondé sur l’extraversion économique, elles subissent un ajustement douloureux dont les premières victimes sont les producteurs de coton. Dans ce contexte, le discours dominant sur l’accroissement de la compétitivité des filières cotonnières ouest- africaines insiste à juste titre sur l’indispensable effort à fournir en termes de rendements, et la nécessaire amélioration de la qualité de la fibre. Il est beaucoup moins question du taux de change CFA/Dollar via l’Euro, élément crucial s’il en est, de la compétitivité prix d’une économie. Il convient de ne pas ouvrir la boîte de Pandore...

Mohamed Keita
ARC EN CIEL


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