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7 choses étonnantes que vous ignorez (peut-être) sur l’Arabie saoudite

samedi 24 janvier 2015, par Assane Koné

Le roi Abdallah d’Arabie saoudite, qui était âgé de 90 ans, est décédé vendredi 22 janvier d’une pneumonie. C’est son demi-frère, le prince Salmane, 79 ans, qui lui a succédé sur le trône tandis qu’un autre de ses demi-frères, le prince Moqren, doit devenir le nouveau prince héritier. Mohammed ben Nayef, neveu du nouveau roi Salmane a, lui, été désigné futur prince héritier. Profitez de cette période de transition pour faire connaissance avec le royaume wahhabite, largement méconnu.

Une succession de demi-frère en demi-frère, puis au neveu… Pour un habitué de la succession de type « primogéniture mâle », qui fait référence en Europe, il y a de quoi y perdre son latin. « Le système de succession en Arabie saoudite est adelphique, contrairement à l’Europe où il demeure patrilinéaire », explique Nabil Mouline, spécialiste de l’Arabie saoudite au CNRS et à Stanford, interrogé par « Le Point ».
En d’autres termes, le règne saoudien passe de frère en frère d’une même génération (ou de demi-frère en demi-frère puisque les rois ont plusieurs femmes). À sa mort en 1953, Abdel Aziz al-Saoud, fondateur de la dynastie des Al-Saoud et premier roi de l’Arabie saoudite moderne, laisse derrière lui une cinquantaine de fils. Six d’entre eux ont ainsi accédé au pouvoir : Saoud, Fayçal, Khaled, Fahd, Abdallah et le nouveau roi Salmane. Son successeur, déjà désigné, le prince Moqren, est le plus jeune des fils du fondateur du royaume.

Edictée tardivement, en 1992, par le roi Fahd, la loi de succession est relativement floue. Elle prévoit que le trône aille « au plus apte des enfants et des petits-enfants d’Abdel Aziz », explique « Orient XXI ». Des princes ont ainsi « sauté leur tour ».
Mais il faut savoir que plusieurs factions s’opposent au sein même de la famille royale. « Chaque transition générationnelle donne lieu à des guerres fratricides acharnées où c’est le prince le plus fort qui l’emporte », souligne Nabil Mouline. Cette fois, le roi Salmane a désigné comme futur prince héritier - futur successeur du prince Moqren -, l’un de ses neveux, le prince Mohammed ben Nayef. Ce serait le premier prince de la deuxième génération, celle des petits-fils d’Abel Aziz, à accéder au trône.

La dynastie saoudienne compterait plusieurs milliers de membres, dont environ 4.000 princes, descendants du roi Abdel Aziz. Tellement nombreuse, la famille royale constitue quasiment une classe sociale en soi. Une classe de privilégiés, évidemment, « dont la puissance financière est considérable et le train de vie en général ostentatoire », écrivait « Le Point », en 1995. Grâce au pétrole, forcément.
Plusieurs demeures, voitures de luxe, voyages… Les princes et princesses touchent chaque mois des indemnités de plusieurs milliers d’euros minimum (« Le Point » avançait en 1995 le chiffre de 100.000 francs, soit 15.000 euros, pour un prince de rang moyen). Les princes se sont par ailleurs imposés dans tous les secteurs de la vie du pays, et notamment dans le commerce.

Symbole de cette « caste », le prince al-Walid Ben Talal, souvent décrit comme l’homme d’affaires le plus influent du Moyen-Orient, avait fait les gros titres en 2013, lorsqu’il avait porté plainte contre le magazine « Forbes » qu’il accusait d’avoir sous évalué sa richesse... et de l’avoir mal placé dans le classement des personnalités les plus riches du monde. Sa fortune s’élèverait à environ 30 milliards de dollars.
A l’opposé, une partie de la population est lourdement frappée par le chômage, qui culmine à 25%.

L’histoire est insolite. En Arabie saoudite, une mendiante est morte en mars 2014 alors qu’elle était… millionnaire. Eisha serait décédée centenaire, après avoir amassé tout au long de sa vie une fortune estimée à 4 millions de riyals saoudiens (766.000 euros), selon France 24.

C’est après son enterrement que les habitants de son quartier de la ville de Jeddah ont découvert l’ampleur de sa fortune : Eisha possédait quatre immeubles d’une valeur de trois millions de riyals (575.000 euros), ainsi que des bijoux et des pièces d’or estimés à un million de riyals (191.000 euros).

Dans une ville comme Jeddah, considérée comme un centre d’affaires, la mendicité pouvait se révéler lucrative, insiste le site, surtout pendant la période de l’Aïd où il est habituel de faire un don aux plus pauvres.

« L’Arabie saoudite est le pays qui applique la charia de la manière la plus rigoriste », assure Baudouin Dupret, directeur de recherche au CNRS et auteur de « La charia aujourd’hui » sur « Le Plus » : Amputations, lapidations, décapitations… En 2014, 87 condamnés à mort ont été exécutés. 78 l’avaient été en 2013, selon un décompte de l’AFP. Le royaume a perpétré en 2014 le troisième plus grand nombre d’exécutions au monde, derrière l’Iran et l’Irak. La plupart du temps, les condamnés sont décapités, au sabre, comme le montrent ses images surréalistes d’une télévision libanaise, partie à la rencontre d’un « coupeur de tête » saoudien, Abdullah Al-Bishi.

« La charia concerne [aussi] la quasi-totalité des aspects politiques, économiques, sociaux et culturels », insiste Mathieu Guidère, islamologue, sur « Le Figaro ».
Elle s’applique également à la presse. En témoigne le cas du « blogueur irrévérencieux » Raef Badaoui, 30 ans, condamné à dix ans de prison et 1.000 coups de fouet.

« Les Saoudiennes jouissent d’un bon accès à l’éducation », assure au « Monde » Amélie Le Renard, sociologue au CNRS. « Plus de la moitié des étudiants dans les universités sont des femmes (56,6 % en 2011). » Une proportion qui ne se retrouve pas du tout dans la vie professionnelle, puisque les femmes ne représentent que 15% de la main d’œuvre du pays.

Evidemment, la loi islamique encadre la vie des Saoudiennes : elles ont besoin d’un tuteur pour travailler, voyager, se marier et même pour pouvoir se faire ausculter par un médecin. Elles n’ont pas non plus le droit de conduire ou d’assister à des matchs de football. En termes d’égalité des sexes, le royaume se classe à la 130e place sur 142...

L’application très stricte des règles islamiques conduit parfois à de véritables drames. En témoigne la mort d’une jeune étudiante, victime d’un malaise cardiaque à l’université, non secourue à temps car l’ambulance a été stoppée à l’entrée de son université... les ambulanciers étant des hommes. Ou la mort de 15 adolescentes âgées de 12 à 17, emportées par l’incendie de leur école, car les grilles sont restées fermées, tant que les jeunes filles ne s’étaient pas drapées du long vêtement noir islamique.

« Pour un Saoudien, les vacances à l’étranger, c’est goûter aux plaisirs interdits. Pour les Saoudiennes, c’est se débarrasser du voile… et vivre aux antipodes de l’existence austère du royaume », explique Amal Zaher, journaliste pour « Al-Watan », dont l’article a été traduit par « Courrier international ».

L’auteur admet ainsi que la plupart des Saoudiens « partent à l’étranger pour échapper aux pesanteurs et fuir les restrictions de notre société, dans laquelle il faut se justifier pour chaque geste et chaque mouvement ».

Quand l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant, ancien nom de l’EI) s’est installé en Syrie, l’Arabie saoudite a soutenu l’organisation. Son objectif : affaiblir la présence iranienne, via le Hezbollah, en Syrie et obtenir la tête du président syrien, grand allié de l’Iran.

Mais la donne a changé : les combattants de l’EI menacent dorénavant directement le royaume wahhabite, qui abrite les lieux saints de La Mecque et Médine. L’Arabie saoudite a donc fait un virage à 180°, déclarant la guerre aux djihadistes et multipliant les mesures tous azimuts.

Construction de « murailles » anti-djihadistes, multiplication du nombre de militaires aux frontières, renforcement des sanctions contre les candidats à la guerre sainte… Le pays tente de réparer en urgence les conséquences de ses alliances passées.

L’Obs

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