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Toulouse : Dans les cités, Merah n’est pas un emblème

dimanche 17 mars 2013, par Assane Koné

Basso Cambo, c’est le bout de la ville. C’est là, dans le quartier du Mirail, que Mohamed Merah a « baigné » au cœur d’un des épicentres de la mouvance radicale de l’islam toulousain. Loin de la cité des Izards où il a grandi, c’est à Basso Cambo, a milieu de quelques préfabriqués abritant la mosquée provisoire, que l’adolescent turbulent s’est ouvert à la religion. Tous les vendredis, l’imam Mamadou Daffé, un universitaire d’origine malienne, y délivre des prêches qui n’ont pas toujours été modérés. Ici, les Frères musulmans tiennent le haut du pavé. Ils s’occupent de tout. Accompagnent les plus démunis en mal d’insertion, font œuvre de soutien social, pallient les insuffisances de l’Etat. Prosélytisme oblige, ils distribuent des aides autant que de la propagande.

Comme dans d’autres quartiers à forte proportion de musulmans – celui-ci est le plus important –, la mouvance salafiste y est active et les Frères musulmans y prospèrent. Hors la ville, dans les zones rurales, c’est plutôt le Tabligh, autre mouvement radical islamiste, qui tente de séduire les fidèles. Pour les services chargés de surveiller ces milieux, le phénomène n’est pas nouveau. Mais depuis l’affaire Merah, les policiers sont à l’affût. « On surveille ce qu’on appelle ’les signaux faibles’ avec une plus grande attention », explique le préfet de région, Henri-Michel Comet. « Les équipes de la sécurité publique engrangent de l’observation et du renseignement qu’on fait remonter plus qu’avant », assure Lucien Pourailly, le directeur départemental de la sécurité publique. Mais les deux hommes sont formels : dans sa ville natale, Mohamed Merah n’est pas devenu un personnage emblématique.
« RÉFÉRENCE ANTIFLIC »
Rares ont été les marques d’engouement à son égard. Dans les semaines et les mois qui ont suivi les tueries de Toulouse et de Montauban, des tags antisémites à sa gloire ont certes été peints sur des façades. Mais rien de très alarmant pour les responsables de la sécurité. De manière récurrente, « dans les cités, Merah est devenu la référence antiflic, même s’il n’est pas devenu un modèle », relève un commandant de police.
Le nombre d’islamistes militants fichés par le renseignement intérieur reste à peu près le même qu’il y a un an : environ 80 personnes, dont une petite moitié avec un signalement judiciaire pour Toulouse et son agglomération. Quelques-uns se retrouvent dans les clubs de sports de combat, tant pour s’y entraîner que pour y dénicher d’éventuelles recrues. D’autres restent sous l’influence du groupe d’Artigat (Ariège), ce village, situé à une soixantaine de kilomètres au sud de la Ville rose, autour duquel tournaient le frère et la sœur de Mohamed Merah. En 2007, les principaux acteurs de ce groupe qui organisait des filières de djihadistes en direction de l’Irak, avaient été interpellés. Leur leader, Olivier Corel, 66 ans, un Français d’origine syrienne, alias « l’émir blanc », avait bénéficié d’un non-lieu. Huit jeunes gens, sept Toulousains et un Albigeois, avaient été condamnés à des peines allant jusqu’à six ans de prison. Ils sont aujourd’hui libres. L’un d’eux, Sabri Essid, portait le cercueil de Merah au cimetière de Cornebarrieu en mars2012.
L’implantation islamiste toulousaine remonte à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Plusieurs cadres du Front islamique du salut (FIS) algérien, interdit, originaires de la région de Mostaganem sont venus se réfugier à Toulouse et dans sa région. Ses militants ont réussi à tisser une toile en Midi-Pyrénées et à repérer ceux qui seraient susceptibles de les rejoindre.
Le Monde
Par Yves Bordenave - Toulouse, Envoyé spécial

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