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Mission de l’Unesco : Le constat des égratignures de la crise sur l’authenticité de Djenné

mercredi 19 mars 2014, par Assane Koné

Une importante mission de l’Unesco conduite par son responsable adjoint de la section culture de l’unité Afrique, Bandiougou Diawara, a bouclé le vendredi dernier une visite de 3 jours à Djenné. La mission voulait constater et analyser l’état d’avancement de la conservation. Classée patrimoine mondiale de l’humanité par l’Unesco depuis 1988, la ville de Djenné subit des agressions sur son riche patrimoine architectural, ce qui entraîne un effritement de son authenticité.

Tirant les conclusions de sa visite sur le terrain, la mission a rencontré le comité de gestion du patrimoine de Djenné en présence du chef de la Mission culturelle éponyme et du préfet. Le constat est alarmant. Le bien patrimoine de Djenné n’est pas loin d’un danger.
Selon la Mission, la crise a été beaucoup plus profonde que l’on ne l’imagine. Le tourisme a été mis à genou. Les hôtels ont été fermés. Ils sont tous dans un état de dégradation avancée puisque les promoteurs n’ont pas de ressources pour les entretenir. La quasi-totalité de ces établissements hoteliers sont faits de terres. C’est ce qui fait la particularité de Djenné.
Ce constat est général dans les zones touristiques du Mali. Le tableau peint par Moussa Alassane Diallo, président de l’Association des banques et établissement financiers (Apbef) est illustratif : « Il s’agit sans aucun doute des secteurs où les effets de la crise étaient les plus palpables. Le pays étant classé à haut risque, les visites se sont raréfiées, induisant une chute libre du taux d’occupation des hôtels. Elle a eu pour conséquence des licenciements massifs dans ce secteur. Les zones touristiques qui, pour la plupart, se situent au Nord du pays ont été désertées et tout le petit commerce gravitant autour de cette activité en a pâti (artisanat, restauration, guides etc.) ».
Le nombre de visiteurs dans les établissements hôteliers, de janvier à juillet 2012, a baissé de près de 90 % par rapport à la même période de 2011 (8097 contre 74 050 en 2011). Plusieurs établissements ont temporairement fermé leurs portes et ont mis en chômage technique (739 agents) ou définitif (208 agents). Ces faits illustrent bien le cas de Djenné.
La faiblesse de l’Etat à l’époque à travers la Mission culturelle n’a pas arrangé les choses. Dans le tissu ancien de la ville, les bâtiments centenaires ont manqué d’entretien. Certains se sont effondrés en partie ou en totalité comme du beurre au soleil. Les nouveaux riches ont revêtu leur maison de briques cuites. Le ciment, les portes et fenêtres métalliques ont été introduites dans les constructions. La légendaire insalubrité de la ville s’est aggravée. Les berges ont été illégalement occupées et littéralement englouties par des ordures solides, ce qui entraîne à coup sûr un sérieux problème sanitaire. Les neuf ports fluviaux de la ville ont disparu depuis belle lurette.
Le pillage sur les sites archéologiques a pris une ampleur sans précédent. Les différents sites qui constituent une mine d’information sur la riche histoire de Djenné ont été « agressés« et vandalisés.
Et brusquement c’est le réveil ! La crise a révélé à tous, même aux plus sceptiques, que l’économie de la ville repose sur le tourisme. Tout le monde y trouve son compte : hôteliers, restaurateurs, guides touristiques, maraîchers, pêcheurs, etc. La relative prospérité de la ville reposait sur le tourisme et toutes les activités liées à ce secteur.
Ce n’est pas déjà le péril encore moins le déclassement sur la liste des patrimoines de l’Unesco. Mais la menace est bien perceptible. Alors l’Unesco a suggéré au comité de gestion du patrimoine de Djenné et à la mission culturelle un plan d’action urgent.
Il s’agit tout d’abord de délimiter le tissu ancien. En d’autres termes, séparer les secteurs classés patrimoine du reste de la ville par des bornes visibles. Les sites devront être protégés et surveillés pour éviter l’érosion et surtout le pillage. Le service d’assainissement devra jouer toute sa partition, par conséquent, il renforcera et appuiera par des moyens à la hauteur de la mission.
Djenné devra s’ouvrir au département archéologique de l’Université du Mali qui a brillé par son désintérêt pour les sites archéologiques.
Ce plan d’urgence n’est possible sans une mobilisation internationale, mais aussi et surtout sans l’implication des populations et tous ceux qui tirent des bénéfices dans l’activité touristique. Ce n’est pas dévoiler un secret quand on sait qu’il y a une lutte féroce des pays pour faire inscrire leurs « produits » sur la liste des patrimoines de l’Unesco.

Lévy Dougnon
(Radio Jamana Djenné)

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