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Affaire bérets rouges/ FIFH : « L’ouverture du procès Sanogo est une première victoire qui oblige la justice malienne à tenir ses engagements rapidement »

vendredi 9 décembre 2016, par Assane Koné

Ce jeudi 8 décembre, la Cour a décidé de renvoyer l’affaire des bérets rouges dit procès Sanogo à la première session d’assises de 2017, afin de permettre une nouvelle expertise médicale des corps découverts dans le charnier de Diago en décembre 2013. En outre, les juges ont rejeté toutes les autres exceptions préliminaires soulevées par la défense et ont écarté la demande de libération conditionnelle des accusés.

Les victimes, la FIDH et l’AMDH et leurs avocats appellent les autorités maliennes à faire en sorte que l’expertise médicale requise soit effectuée dans les meilleurs délais et que les dispositions pour garantir la reprise du procès dès la première session d’assises de 2017 soient prises au plus vite. Ce report doit être l’occasion pour les autorités maliennes d’améliorer la sécurité des victimes, des témoins et de leurs avocats. Les prochains mois sont également décisifs pour démontrer qu’aucun obstacle ne se dresse sur le chemin de la vérité et la justice.

Les parties civiles regrettent que ce procès historique soit reporté d’environ 3 mois. Cependant elles ne se découragent pas. Aujourd’hui elles ont une certitude : la justice malienne est face à ses responsabilités et plus rien ne doit empêcher la tenue de ce procès une fois la nouvelle expertise effectuée.

Bilan des débats sur les exceptions préliminaires de la défense

L’audience du mercredi 7 décembre a été consacrée aux débats sur plusieurs questions de procédure et de compétence qui justifiaient, selon la défense, le report du procès à la prochaine session d’assises, voire des nullités de procédure. Les avocats de la partie civile tout comme le procureur général se sont fermement opposés à ces demandes de renvoi et de libération conditionnelle des accusés. Les débats ont duré sans interruption de l’ouverture de l’audience à 9h du matin jusqu’à 15 heures passées, avant une suspension pour délibération jusqu’au lendemain. La Cour a annoncé sa décision le jeudi 8 décembre vers 12 heures.

Sur les motifs des demandes de renvoi ou de nullité figuraient notamment  :

L’absence persistante de certains témoins

Malgré la quinzaine de témoins présents à l’audience du mercredi, la défense a estimé que le parquet avait manqué de diligence dans ses démarches de recherche les concernant, en particulier vis-à-vis des témoins cités par la défense. Le parquet ainsi que la partie civile étaient prêts à poursuivre la procédure avec les 14 témoins présents. La Cour a rappelé que les mandats d’amener qu’elle avait ordonnés ne concernaient que les témoins de l’accusation, et avaient pour la plupart été exécutés. Ainsi les juges ont rejeté la demande de renvoi de la défense sur ce motif, en précisant que les témoins qui n’ont pu comparaître le jour même en raison de leur éloignement auront l’opportunité de rejoindre la procédure par la suite.

Le respect des délais de citation des accusés

Plusieurs avocats de la défense ont mentionné que les citations à comparaître remises aux accusés ne respectaient pas les délais légaux, puisque l’article 256 du Code de procédure pénale prévoit des délais de 15 et 30 jours respectivement selon si l’accusé est domicilié au siège ou dans le ressort de la juridiction. Les avocats de la partie civile tout comme le ministère public ont fait valoir que ces délais ne s’appliquent que devant le tribunal correctionnel et le tribunal de police, et qu’en revanche devant la cour d’assises le délai prévu par le code de procédure pénale est de 5 jours. La Cour a confirmé cette interprétation et a en conséquence rejeté la demande de renvoi sur ce motif.

La légalité de la détention préventive des accusés

La défense a soutenu que la détention préventive des accusés avait dépassé les limites prévues par la loi, puisque les mandats de dépôt sont d’une durée d’un an renouvelable deux fois. Les avocats de la partie civile et le ministère public ont rétorqué que les accusés sont détenus conformément à l’ordonnance de prise de corps et non pas dans le cadre du délai légal des mandats de dépôt. La Cour a effectivement confirmé que l’ordonnance de prise de corps se substitue au mandat de dépôt, et qu’il y avait donc lieu de rejeter ce motif de nullité ou de libération conditionnelle.

• La compétence de la cour d’assises

La défense a tenté de soulever l’incompétence personnelle et matérielle de la cour. Selon plusieurs avocats, il s’agirait d’un « procès de l’armée malienne » concernant des infractions de caractère militaire commis entre militaires, qui devrait ainsi être jugé par un tribunal militaire. Une fois de plus, les avocats de la partie civile ainsi que le ministère public ont rejeté cette interprétation, rappelant que les accusés n’ont pas agi dans le cadre de leurs fonctions militaires et que cette question avait déjà été tranchée par les juridictions maliennes tout comme par la Cour de la CEDEAO. La Cour a confirmé que l’arrêt de renvoi de la Chambre d’accusation est attributif de compétence et qu’il n’y avait donc pas lieu d’étudier sa compétence dans l’affaire.

• Le respect de la procédure quant à l’expertise médicale

La défense a enfin relevé que les experts désignés n’avaient pas prêté serment devant la Cour, et que les accusés n’avaient pas été notifiés du rapport d’expertise, en ce qui concerne les corps découverts dans le charnier de Diago en décembre 2013. Les avocats de la partie civile et le parquet ont noté que la défense avait cependant eu accès au dossier complet de l’instruction avant l’ouverture du procès. Les juges ont néanmoins considéré que la défense n’ayant pas été notifiée du rapport d’expertise tel que prévu par l’article 283 du code de procédure pénale, cela constituait une violation du principe du contradictoire et des droits de l’accusé, et par conséquent ont fait droit à la requête de la défense d’ordonner une nouvelle expertise.

En conclusion, les juges ont renvoyé l’affaire à la première session d’assises de 2017 pour permettre qu’une nouvelle expertise soit effectuée par le laboratoire Charles Mérieux, dans un délai de 45 jours après sa saisine. Les juges ont par ailleurs rejeté toute demande de libération conditionnelle des accusés, précisant que cela pourrait porter préjudice à la procédure, en particulier à travers le risque d’altération des preuves et de pression sur les témoins.

Lettre de diffusion de la FIDH


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