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Bilal Ag Cherif : « A ce rythme-là, il risque de ne plus avoir d’accord auquel se référer »

samedi 17 septembre 2016, par Assane Koné

L’invité Afrique du jour est Bilal Ag Cherif, secrétaire général du Mouvement national pour la libération de l’Azawad, le MNLA, un des mouvements qui compose la CMA, la Coordination des mouvements de l’Azawad. Bilal Ag Cherif revient sur les affrontements qui opposent la CMA et la Plateforme à Kidal. Il met aussi en garde : si cela continue l’accord de paix pourrait bien devenir caduque. Notre correspondant a pu se rendre à Kidal dans le Nord-Mali pour réaliser cette interview.

RFI : Vous êtes actuellement le président de la Coordination des mouvements de l’Azawad, la CMA. Une délégation de la CMA était à Bamako avant la fête de Tabaski pour discuter avec la Plateforme. Aucun accord n’a été trouvé en deux semaines. Pourquoi les pourparlers n’avancent pas ?

Bilal Ag Cherif : Dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord, il ne devrait pas y avoir de ce genre de rencontre. L’accord a été signé entre trois parties. Toutes ces parties doivent respecter leur engagement. On ne peut pas faire de chaque petit détail, l’essentiel du débat. Si on fait ça, on fait fausse route.

Vous parlez de « petit détail », mais la gestion sécuritaire de la ville de Kidal fait pourtant pleinement partie de l’accord de paix ?

A la signature de l’accord, les différents signataires avaient chacun un espace géographique confirmé. La plateforme n’était pas à Kidal. En 2015, la CMA et la Plateforme s’étaient rencontrés à Anéfis. On avait décidé d‘organiser un forum pour discuter des modalités du partage sécuritaire de la ville. Mais à la dernière minute, la Plateforme a refusé d’y prendre part. C’est là que nous avons compris que la Plateforme a une position qui n’est pas claire. Actuellement, le problème concerne tout l’Azawad, c’est tout le processus qui est concerné par ce qui se passe Si on ne trouve pas une solution, il va arriver un moment, où nous n’aurons plus d’accord.

Pourquoi s’être déplacé à Bamako, si derrière il n’y a pas une volonté de trouver une solution ?

On s’est rendu à Bamako, parce qu’on a été invité. Mais la solution doit être trouvée dans le cadre de l’accord. On a été la dernière partie à signer parce qu’on voulait être sûr de l’honorer. On constate que les deux autres parties, le gouvernement et la Plateforme veulent tourner le dos à cet accord. Nous on s’y accroche. Si on continue à ce rythme-là, il risque de ne plus avoir d’accord du tout auquel se référer.

Beaucoup d’observateurs estiment que le conflit de Kidal est communautaire, une rivalité entre Imghad et Ifoghas. Vous parlez des accords d’Anéfis, qui ont permis de faire avancer un peu le processus de paix. Pourquoi ne pas envisager un Annefis 2 pour discuter de ces problèmes ?

Les résultats d’Anéfis 1 ne nous encouragent pas à un Anéfis 2. La solution aujourd’hui est que le gouvernement malien prenne ses responsabilités. Que chacun respecte ses engagements. Il faut qu’on cesse de se réfugier sur des petits détails pour occulter l’essentiel. Il faut situer le conflit dans son vrai cadre et le régler par des leviers communautaires. On n’a pas à inscrire ça dans le cadre de l’accord de paix.

Est-ce que la CMA a été affaiblie par la dissidence de Moussa Ag Acharatoumane, qui a créé récemment le MSA, le Mouvement pour le salut de l’Azawad ?

L’intention dans ces démarches pernicieuses, souterraines, c’est d’affaiblir les mouvements. Mais ça ne marchera pas. La CMA a été constituée de manière régulière. Avec une structure, une charte. La CMA est intacte, forte et solide, on ne sera pas affaiblis parce que quelques individus la quittent.

Les fondateurs du MSA estiment que le HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad) prend de plus en plus d’importance au sein de la CMA, que les décisions sont unilatérales, qu’en pensez-vous ?

La CMA est une coordination de trois mouvements, MAA (Mouvement arabe de l’Azawad), MNLA, et HCUA. Moussa Ag Achatouraane fait parti de ceux qui ont rédigé la charte. Dans cette charte, il y a une présidence tournante et le fait que chaque parti garde sa personnalité. C’est facile de se réfugier derrière des arguments qui n’existent pas pour justifier sa dissidence quand on a des ambitions inavouées.

Par ambitions inavouées, est-ce que vous sous-entendez que ce mouvement a été créé pour essayer de briguer un poste au sein des futures autorités intérimaires ?

L’installation des autorités intérimaires se fait par consensus. Je ne me prononcerai pas sur les ambitions des gens. Mais je vous assure qu’il n’y a personne qui puisse réserver une place quelconque.

Est-ce que ce nouveau mouvement pourrait intégrer la CMA, ou même l’accord de paix ?

On ne s’est pas encore réuni pour en parler, mais il faut rappeler que la CMA s’est constituée lentement et a signé l’accord d’Alger. Alors qu’on ne sait même dans quelles circonstances précises, ce mouvement, le MSA, s’est créé. On a l’expérience de la création de mouvements trop rapide, cela finit mal. Si le MSA veut rejoindre la CMA, il faudra étudier la demande, mais ce sera long.

Pour conclure, cela va bientôt faire trois ans que Ghislaine Dupont et Claude Verlon, les deux journalistes de RFI, ont été assassinés à Kidal. L’enquête n’avance pas. Est-ce que selon vous, quelqu’un protège d’une manière ou d’une autre les responsables ?

Les étrangers sont sacrés dans notre culture. A plus forte raison les journalistes. Ils sont venus pour expliquer ce qui se passe dans l’Azawad. Il est impensable que l’on couvre ou que l’on cache l’identité des responsables. Les gens sur qui il y a des soupçons, sont recherchés. Nous ne cacherons pas les assassins.

Par Anthony Fouchard
http://www.rfi.fr


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