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Cheick Modibo Diarra : « Je ne suis pas favorable à l’installation des autorités intérimaires »

mardi 21 juin 2016, par Assane Koné

L’ancien Premier ministre de plein pouvoir de la transition et président du Rassemblement pour le développement du Mali (RpDM), Cheick Modibo Diarra, nous a accordé une interview exclusive ce week-end. Dans cette entrevue, il parle de l’installation des autorités intérimaires dans les régions du nord, la participation de son parti à la présidentielle de 2018, l’état de santé de son parti, les avantages qu’il perçoit, entre autres.

Le Prétoire : Dites-nous à quoi vous vous consacrez depuis votre départ de la Primature en décembre 2012 ?

Je suis en train d’analyser toutes les leçons que j’ai apprises pendant mon passage à la Primature. Je passe aussi beaucoup de temps dans les Conseils d’administration. Depuis 3 ans, je suis le président de ‘’The African Legal Network’’. C’est un réseau de tous les grands cabinets d’avocat d’Afrique. Je suis le président du Conseil d’administration de cette organisation qui veut trouver des stratégies lui permettant de faire la compétition avec les grands cabinets d’avocat d’Angleterre ou des Etats-Unis. En mettant bout à bout nos petits cabinets, nous pouvons arriver à faire le poids. En plus, depuis plus d’un an, je suis dans le Conseil d’administration de « International Idea ». Ça veut dire « International institute for democracy and electoral assistance ». C’est un institut qui est basé en Suède. Il note tous les pays sur leur démocratie et fait la formation pour les partis qui veulent se structurer. C’est un institut intergouvernemental qui exclut les 5 pays qui ont le droit de véto. En outre, j’ai eu une vie très chargée quand j’étais à Microsoft. Donc, c’est l’occasion pour moi de suivre mes enfants qui sont encore très jeunes. De temps en temps, je vais au champ avec ma femme pour travailler.

Les anciens Premiers ministres maliens perçoivent-ils des avantages ? Si oui, qu’en est-il de votre cas ?

Vous savez, le problème des droits qui sont accordés aux anciens Premiers ministres est compliqué. Parce qu’il y a une partie qui est écrite et une autre tacite. Par exemple, la partie qui consiste à donner à chaque ancien Premier ministre une voiture de ville et un véhicule de type 4×4, ce n’est pas quelque chose qui est écrite dans les textes de loi. Mais tous les anciens Premiers ministres les ont. Je suis le seul ancien Premier ministre du Mali à qui on n’a jamais donné de voiture.

Pourquoi cette particularité ?

Je ne saurai vous le dire. Il faut aller demander à ceux qui donnent ces voitures. Comme je vous l’ai dit, c’est quelque chose qui n’est pas écrite. Mais pour le bon service que les gens font, on essaye de mettre les anciens Premiers ministres à l’abri du besoin en leur donnant un petit moyen de déplacement. Moi je n’ai pas perçu ce droit là. Parce que ça fait plus de 43 mois que j’ai quitté le poste de Premier ministre. Mais, il y a l’autre partie qui est écrite qui dit que tout ancien Premier ministre a droit à la gratuité de l’eau et l’électricité. Depuis que j’ai cessé d’être Premier ministre, j’avoue qu’on ne m’a jamais amené une facture. D’autre part, les anciens Premiers ministres ont droit à un salaire de 700 000 FCFA par mois. Cela, je le perçois. Maintenant, les autres avantages, tels que le personnel domestique où chaque ancien Premier ministre a théoriquement droit à un ou deux chauffeurs, un ou deux cuisiniers, à un jardinier, à quelqu’un qui nettoie la maison. Sur ce plan-là, c’est moi qui paie mon jardinier, mes cuisinières et mes chauffeurs. En 43 mois, je n’ai pas perçu de d’argent pour le paiement de ces services. C’est pourquoi je dis que c’est compliqué parce que même ce qui est écrit n’est pas respecté à la lettre. Le seul personnel domestique qui nettoie ma maison, j’ai envoyé ses dossiers là bas et il est payé tous les mois. Mais pour le reste, c’est moi qui paie alors que ce sont des choses qui sont votées dans le budget annuel de la Primature. J’allais oublier, il y a un an environ, on m’a amené un groupe électrogène, je crois que les Chinois en ont fait don au Mali. Je crois savoir que d’habitude, tout le monde choisit le genre de groupe électrogène qu’il veut. Mais on m’a amené un groupe électrogène chinois. Tous les mois on m’amène le coupon de gasoil pour ce groupe.

Comment se porte le Rassemblement pour le développement du Mali (RpDM) que vous dirigez ?

Mon parti se porte très bien. En termes d’adhésion pure, je suis sûr et certain qu’aujourd’hui, mon parti est le plus grand parti du Mali. Parce que je ne suis pas sûr qu’on puisse trouver au Mali un parti qui puisse présenter un demi-million de personnes détentrices de cartes de membre. Nous avons imprimé un demi-million de cartes que les gens achètent à 100Fcfa. Ces 500 000 cartes sont finies et nous sommes en train d’en imprimer. Si on se base sur ces statistiques, nous avons énormément d’adhérents. Les soudeurs, les colleurs de pneus, les tailleurs, les chauffeurs de taxis, les conducteurs des grands véhicules font la grande majorité de mes militants. Ce ne sont pas des gens qui sont nécessairement des universitaires qui peuvent aller dans les stations de radios mener des débats. Mais c’est la majorité de notre population. Donc le parti va très bien, car reflète la composition de notre société. Je dis que le parti peut mieux se porter, parce que lorsque vous avez ces adhésions avec autant d’enthousiasme et de passion surtout basés sur la courte expérience que je leur ai donnée de ce que j’appelle faire la politique autrement pendant la transition, où les gens n’ont manqué de rien, où les citoyens avaient presque un accès égal à tous les services de l’Etat, où l’Etat s’est préoccupé à ce que le niveau de vie des citoyens puisse s’améliorer, nous ne doutions pas qu’il y ait autant d’adhésions. En plus, au lieu d’augmenter les salaires des 60 000 fonctionnaires seulement, nous avons jugé que cela puisse profiter à tout le monde. Nous avons passés ces sommes là aux opérateurs économiques, leur permettant ainsi de ravitailler les populations en denrées de première nécessité à moindre coût. Car il n’y a pas que les fonctionnaires qui mangent. Nous avons fait en sorte que le délestage soit amoindri. C’est pourquoi nous avons une adhésion massive de ce groupe représentatif de notre société. Il faut maintenant que les jeunes cadres puissent venir dans le parti pour canaliser cet enthousiasme.

De quel bord politique se réclame le RpDM ? L’opposition ou la majorité présidentielle ?

Je ne suis pas sûr que ces partis qui se sont divisés en deux groupes l’aient fait sur des bases idéologiques. Parce que quand je regarde ces partis, je ne vois aucune différence idéologique entre eux. S’il s’agit de savoir qui a soutenu Ibrahim Boubacar Keïta ou Soumaïla Cissé entre les deux tours, je suis allé écouter les deux candidats à leur demande. J’ai fait un compte rendu fidèle à mon parti qui, à l’issue d’un vote, a décidé de soutenir IBK. Ainsi, nous avons battu campagne pour lui. Si cela fait appartenir à la majorité, je suis de la majorité. Mais parmi ceux qui l’ont soutenu, il y a un autre groupe qui s’est formé que les gens appellent majorité présidentielle. Nous ne faisons pas partie de ceux-là. Nous l’avons soutenu parce que nous croyons à sa vision : « Pour l’honneur du Mali et le bonheur des Maliens ! Le Mali d’abord ! », et non pour chercher un poste dans le gouvernement.

Des Maliens estiment que vous êtes invisible, voire inactif. Qu’en pensez-vous ?

Vous-mêmes vous savez que je ne suis pas inactif. Je suis venu d’Afrique du Sud il y a 10 jours. Pendant cette période j’ai mis en place la coordination régionale de mon parti à Ségou. Dans la même semaine, j’ai rencontré trois groupes différents dont les femmes de Kati. Nous faisons la politique autrement. Etre agité comme un électron libre pour qu’on vous voit et parler tout le temps n’est pas notre style. Lorsque nous avons quelque chose à dire, nous le disons. Lorsqu’il n’y a rien à dire, nous travaillons. Je suis allé dans les coins reculés de Ségou, où on m’a dit que des membres d’autres partis ont dit que j’ai abandonné la politique. Ceux qui répandent ces informations pensent que dans ces zones, tant que les gens savent que je suis dans la politique, ils n’ont aucune chance.

Serez-vous candidat à la présidentielle de 2018 ?

Ça, je ne sais pas ! En plus d’être le plus grand parti du Mali, nous voulons de la démocratie au sein du RpDM. Tant que le parti n’aura pas désigné un candidat, nous ne pouvons pas dire qui va être son candidat. Mais une chose est certaine, à toutes les élections, notre parti présentera des candidats. En ce moment, nous participons à la législative partielle de Barouéli. Nous allons présenter un candidat à la présidentielle.

Etes-vous favorable à l’installation des autorités intérimaires dans les régions du nord ?

Je ne le suis pas pour deux raisons. La première raison est une raison de légitimité. Je pense que les gens qui ont été élus dont les mandats sont expirés présentent plus de légitimité que des gens qui ont été choisis. La deuxième chose pour laquelle je ne suis pas d’accord, et c’est une spéculation de ma part, je m’en excuse d’avance puisse que ça concerne les régions du nord, c’est qu’il ne faut pas que ceux qui ont porté les armes par le passé soient le choix pour ces autorités intérimaires. Car, cela fera penser qu’il y a une prime à la rébellion. Avec tous les problèmes que nous avons, j’aurai préféré une extension du mandat de ceux qui ont été élus. Car ce sont des gens qui ont déjà une légitimité qui, jusqu’à preuve du contraire, est toujours là. Je vous en ai donné la preuve. Quand j’étais Premier ministre, j’ai prorogé le mandat de l’Assemblée nationale. J’aurai pu, comme au Burkina, créer une nouvelle entité. Mais dans une démocratie, la chose la plus importante est la légitimité.

Réalisée par Oumar KONATE
Source : Le Prétoire


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