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Plainte contre les crime au nord : Une facture salée pour le gouvernement

jeudi 13 novembre 2014, par Assane Koné

Animée d’une volonté de répondre rapidement au besoin de justice des femmes victimes de viols et violences sexuelles lors du conflit dans le Nord, l’AMDH et ses partenaires viennent de porter plainte devant le tribunal de la Commune III. Cette initiative va coûter cher au gouvernement engagé dans un processus politique, qui certainement va se solder par des libérations extrajudiciaires.

Dans le cadre du projet conjoint « mobiliser la société civile pour une réponse à la crise de droits humains au Mali », l’AMDH en partenariat avec cinq organisations sœurs, a organisé mercredi, une conférence de presse qui avait pour thème « les victimes de crimes sexuels du conflit du nord du Mali portent plainte ».

L’objectif était d’informer l’opinion nationale et internationale sur la plainte avec constitution de parties civiles déposée mercredi 12 novembre 2014 par les 6 organisations au nom de 80 femmes victimes de viols et violences sexuelles pendant le conflit du Nord du Mali et à attirer l’attention des autorités politiques et judiciaires maliennes sur la gravité de ces crimes sexuels commis et la nécessité absolue de poursuivre les auteurs de ces violations graves constitutives de crimes contre l’humanité.

Évoquant l’objet de la plainte, le président d’honneur de l’Association malienne de droits de l’Homme et coordinateur du pool d’avocats des victimes, Me Brahima Koné a fait remarquer que les violations des droits humains commis ont été ignorées par la justice nationale.

Or, dit-il, les viols et les violences sexuelles qui ont été perpétrées à grande échelle doivent constituer une priorité pour la justice. « Les infractions sont désormais incorporées dans notre disposition judiciaire, conformément au Code pénal. Les infractions visées par cette plainte sont constituées par des faits de viols, de prostitutions forcées, d’esclavages forcés. Parce que les faits constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité », a-t-il annoncé.

Avant d’ajouter que les organisations ont déposé une plainte collective auprès du tribunal de première instance de la Commune III afin que la justice malienne puisse répondre rapidement au besoin de justice des femmes et filles victimes de viols et violences sexuelles lors du conflit dans le nord du pays.

Bisbille entre le gouvernement et défenseurs

La plainte collective des organisations AMDH, la Fidh, Wildaf-Mali, Cri de cœur, Association des juristes maliennes, Deme-so, est déposée au moment où l’Etat du Mali est en pleine négociation avec les groupes armés. L’initiative risque d’influencer le processus politique en cours, qui dans le temps s’est toujours soldé par des libérations des auteurs de crimes au regard du droit international et de graves atteintes aux droits humains, notamment des viols et violences sexuelles à l’égard des femmes, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.

Le non-respect, la non-application des principes juridiques font que la violence sur les personnes gagne du terrain. Elles sont des milliers de victimes qui vivent dans l’ignorance de leurs droits ratifiés par l’Etat en vue de leur permettre de vivre dignement dans la sécurité physique et morale. Cette volte-face des autorités fait que les principaux acteurs bénéficient des mêmes privilèges, marginalisant le système judiciaire. Ils se retrouvent puissants face au pouvoir.

Pour rappelle, la plus récente libération dans le cadre de l’accord préliminaire de Ouagadougou a eu lieu le 15 août 2014. Ag Alfousseyni Houka Houka, ancien juge islamiste de Tombouctou, inculpé pour son rôle présumé dans la commission de violations graves des droits humains, a été libéré par les autorités maliennes dans le cadre des négociations politiques en cours entre le gouvernement malien et les groupes armés. Cette libération politique dénoncée dans le temps a été une véritable atteinte à l’indépendance de la justice et une violation flagrante des droits des victimes à la justice et à la vérité.

La raison est motivée par la réconciliation. Mais ce processus ne doit absolument se faire au détriment de la justice ni dans l’oubli des victimes.

Ce personnage important du mouvement islamiste à Tombouctou, libéré y dirigeait un tribunal islamique qui a ordonné, entre autres, des amputations, lapidations, flagellations et arrestations arbitraires lors des dix mois durant lesquels le nord du Mali était sous le contrôle des groupes islamistes armés. Cette libération contre-versée devait tenir compte des principes de l’indépendance de la justice nationale.

En tout cas l’Etat est épinglé et doit accorder une attention particulière à cette question lors de la prochaine rencontre à Algérie. Car, les organisations exigent une place à la justice.

Selon la partie civile, c’est une prise de responsabilité pour veiller à ce que toutes les victimes de violations des droits humains puissent bénéficier de toutes les formes de réparation, y compris des mesures de restitution, d’indemnisation, de réadaptation, de satisfaction et de garanties de non-répétition. Ces mesures de réparation doivent inclure des explications complètes sur les faits survenus et identifier ceux qui en sont responsables afin que les familles puissent savoir ce qui est arrivé à leur proche. « La réconciliation doit s’appuyer sur la justice pour une paix durable. Aucune nation, aucun peuple qui a souffert de graves crimes contre l’humanité ne peuvent prétendre à la réconciliation, à la paix et au développement durable sans une justice saine, équitable et luttant efficacement contre l’impunité », a affirmé la présidente de Wildaf-Mali.

Avant d’ajouter : si la justice nationale réagit à la légère, le concours de la Cour pénale sera sollicité afin de faire la lumière sur les crimes enregistrés.

C’est désormais la chamaillerie entre les défenseurs des droits humains et le gouvernement. Ils ont déjà engagé 13 avocats, dont 10 maliens et 3 internationaux, pour défendre le dossier.

Bréhima Sogoba

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