Politique > Ben Rassoul, président de Français Sans Frontières : « Pierre Buyoya a le meilleur profil pour succéder à Abdou Diouf ».

Ben Rassoul, président de Français Sans Frontières : « Pierre Buyoya a le meilleur profil pour succéder à Abdou Diouf ».

mardi 28 octobre 2014, par Assane Koné

Ben Rassoul est le président fondateur de Français Sans Frontières, une organisation culturelle à vocation pédagogique qui œuvre à la promotion de la langue française dans les pays anglophones, notamment au Ghana. Ici, il se prononce sur la candidature de Pierre Buyoya à la tête de l’OIF. Il estime qu’il a le meilleur profil pour succéder à Abdou Diouf. Lisez

Bonjour monsieur Ben Rassoul. Vous êtes très actif dans la promotion de la langue française, notamment au Ghana. Qu’est-ce qui vous fait courir tant, pour la promotion de la langue française ?

Le français pour nous, au-delà d’un simple véhicule de communication, représente un instrument d’intégration mondiale qui peut aider à l’émergence de nos pays les plus pauvres. Imaginez un seul instant, comme par enchantement, aucun individu dans les pays francophones ne parvient pendant un moment à s’exprimer en français. Soyons un peu fou et imaginons les conséquences sur la société. Il apparait donc nécessaire pour nous de promouvoir cette langue de développement, d’union, d’identité et d’unité.

Le prochain sommet de la francophonie se tient bientôt à Dakar et devra aboutir à l’élection d’un nouveau Secrétaire général. Quels commentaires ?

Je place un réel espoir dans ce sommet en ce sens que de nouvelles résolutions, je ne m’en doute, seront prises pour booster la langue française non seulement dans les pays membres de l’OIF, mais au-delà. Abdoul Diouf n’a pas du tout démérité. Il a été à la tâche et je souhaite qu’en partant, son esprit reste, parce que l’organisation aura encore besoin de son doigté magique.

Pas toujours facile de remplacer un homme de la trempe de Abdou Diouf. Qui selon vous peut donc relever cet immense défi ?

Vous savez, l’OIF est une institution complexe qui nécessite une solide expérience, notamment dans la gestion des conflits mais aussi les droits de l’Homme et la consolidation de la démocratie. Et surtout la connaissance des sérails de l’OIF. L’Afrique qui bat le record de francophones est généralement le théâtre de conflits de tous genres, de violations des droits de l’Homme avec son corollaire de démocratie prostituée. Elle a donc besoin, plus que jamais, de la contribution de cette institution pour la sortir du gouffre. Il faut dès lors, à sa tête, un homme dont la connaissance approfondie des relations humaines et diplomatiques tranche avec un simple management de villes ou de simples postes honorifiques. Sans ambages, Pierre Buyoya, ex président du Burundi et actuel haut représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel est le meilleur cheval qui puisse par une réorientation stratégique continuer les immenses chantiers de son prédécesseur pour ouvrir la voie à de nouveaux défis. Il a le meilleur profil.

La Francophonie a été trop orientée vers les questions politiques contrairement à sa conception originelle voulue par ses pères fondateurs qui rêvaient de faire de ce joli instrument un véritable levier pour l’intégration nord-sud en promouvant autant que faire se peut la langue française. Il faut par exemple que le futur SG négocie et obtienne des chefs d’Etat anglophones l’introduction du français comme langue vivante 2 obligatoire dans les programmes scolaires comme c’est le cas pour l’anglais dans les pays francophone.

Pierre Buyoya est tout de même un ex-putschiste. Quelles leçons pourraient-ils donner à d’éventuels faiseurs de coup d’Etat ?

Je n’ai aucun doute que le souhait de Pierre Buyoya, à présent, est qu’il n’y ait plus de coup d’Etat dans le monde. Mais souvent les changements de régime s’imposent de par leur nature ; s’ils ouvrent la voie à des processus véritablement démocratiques. C’est pourquoi, souvent, face à l’embrigadement de la démocratie, des coups d’Etat démocratiques s’imposent. Vous êtes sans ignorer que Pierre Buyoya reste incontestablement le stimulant, le promoteur de la démocratie au Burundi. Face à la répression féroce de Jean Baptiste Bagaza contre les catholiques, Pierre Buyoya avait-il autres choix que d’éviter à son pays le chaos en 1987 ? Je crois que non.

Il a fait le choix entre un sanguinaire et la survie du peuple. Deux pages dans un journal ne suffisent pas pour parler de l’engagement démocratique de cet homme. C’est pourquoi, pour nous, l’étiquette un peu galvaudée de putschiste lui colle mal à la peau. Pierre Buyoya est l’incarnation de la trilogie, sauveur, libérateur, serviteur. Devons-nous condamner un pilote qui, face à l’inévitable crash de son avion en pleine métropole, force un amerrissage ? Non, ce serait de la sorcellerie politique.
Je l’ai d’ailleurs récemment écouté sur RFI et j’ai senti l’envie d’un homme de pousser une cause aussi loin que possible. Et son expérience milite en sa faveur.

Quels sont selon vous les défis qui attendent le nouveau Secrétaire général ?

Les défis sont immenses dans un contexte où la langue française est en train de prendre de l’eau dans le gasoil. Permettez-moi l’expression. La francophonie est en forte expansion avec une relative floraison des membres, mais la langue française recule dans certaines parties du monde. Tout près de nous, le Rwanda qui a bien envie de sortir de ce bel espace. Il faut restaurer l’OIF.

Le nouveau SG, au-delà des missions politique et économique, doit s’atteler à mettre un accent particulier sur la promotion de la langue française. Sans la langue française, il n’y a pas de francophonie, il n’y a pas d’OIF. L’OIF s’est beaucoup trop investie dans les questions de démocratie et de droits de l’Homme au détriment de la langue française. Il faut même consacrer au moins 30% du budget à la promotion de la langue française. Plus la langue française sera considérée et considérable, donc étendue, plus la francophonie connaitra une expansion. On peut avoir de nombreux pays membres de l’OIF ou membres associés ou observateurs, donnant l’impression que l’OIF s’implante, mais si le français n’est pas correctement parlé dans ces pays, l’OIF aura passé à côté de sa mission stratégique. Prenons l’exemple du Ghana où mon association exerce pour le moment. Là-bas, le francais n’est pas obligatoire à l’école. Mais il est enseigné à l’école primaire et secondaire à la convenance du fondateur de l’établissement. Un petit calcul nous donne un apprentissage de la langue pendant 13 ans. Mais au soir de treize années d’études, rarement tu verras un élève parler excellemment le français. Cela doit nous interpeller et nous amener à réfléchir à de nouvelles stratégies pour rendre la francophonie plus vivante sinon le rêve de ses fondateurs risque d’être une illusion. Et je n’ai aucun doute qu’avec une équipe ambitieuse et stratège, Pierre Buyoya peut relever le défi.

D’autres candidats ont aussi des talents non négligeables en termes de gestion d’institutions comme la francophonie. On pourrait citer entre autres la canadienne d’origine haïtienne, Michaëlle Jean, ex gouverneure générale du Canada.

Madame Michaëlle Jean est une très belle femme. Belle dans la tête et belle par le parcours. Mais, vous savez, l’expérience théorique et l’expérience pratique sont deux notions complémentaires mais fondamentalement différentes. Le futur SG de l’OIF doit avoir une parfaite connaissance non seulement du reste du monde mais singulièrement de l’Afrique et de ses réalités, les arcanes du pouvoir, la température de la démocratie, le poids des droits de l’Homme, etc. Je vais au-delà. Il doit être à même de lire le « francaismètre » ; que je désigne comme une unité de mesure du niveau de pratique de la langue française dans les profondeurs du monde entier. Et c’est du reste ce qui me fascine dans les quinze axes d’actions de Pierre Buyoya. Au-delà du renforcement de la démocratie, il fait de la promotion de la langue française une réelle priorité, conformément aux fondamentaux originels de l’OIF. A l’opposé, vous avez des candidats qui misent beaucoup plus sur la démocratie et évoquent très peu la question de la langue française.

Par ailleurs, je crains que l’élection de Madame Michaëlle Jean ne pose de problèmes qu’elle n’en résolve. Le numéro deux de l’OIF, Clément Duhem est canadien, tout comme elle. Si elle est élue, il faudra bien que ce dernier démissionne au risque d’avoir deux ressortissants du même pays à la tête de l’organisation. Pourtant, le mandat de cet administrateur court jusqu’en 2018. Le virer, excusez l’expression, pourrait créer une frustration logique. Aussi, le nouveau SG a-t-il besoin de sa riche connaissance des sérails de l’OIF. C’est donc sur lui que devra s’appuyer le secrétaire général entrant pour mieux appréhender les dossiers pendants et les chantiers en cours. Pour encore trois ans, le tandem nord-sud, avec lui, peut bien fonctionner. Il est donc judicieux d’éviter à la francophonie une cacophonie qui créerait une désharmonie que je ne souhaite pas évolutive.

Madame Michaëlle Jean a certes un brillant parcours mais, entre guillemets, elle est encore dans la fleur de l’âge. Elle peut encore faire ses armes auprès de Pierre Buyoya et prendre la relève dans quelques années. Et je n’ai aucun doute que Pierre Buyoya l’y aidera car le rêve d’un bon maitre est de devenir l’élève de l’élève et non demeurer le maitre de l’élève.

Correspondance particulière

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.