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Une de « Minute » : Taubira « encaisse le choc »

mercredi 13 novembre 2013, par Assane Koné

A la une de l’hebdomadaire « Minute » on peut lire : « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane ». Saisi par le Premier ministre, le procureur de la République a ouvert une enquête pour injure publique à caractère racial. «  Moi j’encaisse le choc, mais c’est violent pour mes enfants », a déclaré Christiane Taubira sur France 2.

Invitée du JT de 20h de France 2 mercredi soir, Christiane Taubira réagissait pour la première fois depuis la parution de la une de Minute. «  Le Premier ministre voulait que je porte plainte. (...) La justice doit apporter une réponse, car le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ne sont pas des opinions, ce sont des délits. Mais ce n’est pas la seule à devoir apporter une réponse : elle doit venir de la société entière.  » La ministre de la Justice juge que le racisme est en train de prospérer en France.
« Ces propos prétendent m’expulser de la famille humaine, dénient mon appartenance à l’espèce humaine. Ils sont violents. Moi j’encaisse le choc, mais c’est violent pour mes enfants, mes proches, mais aussi pour tous ceux qui me ressemblent  », a ajouté la ministre.

Interrogée par David Pujadas sur la déclaration du FN condamnant la une de Minute, Christiane Taubira s’est montrée très ferme. « Tant que le FN ne reniera pas son héritage, tout ce qui fait son identité, je ne pourrais pas croire [à leur condamnation de la une de Minute]. (...) C’est juste de l’hypocrisie, de la lâcheté. »

« Nous ne sommes pas racistes  », déclare Minute

«  Nous ne sommes pas du tout racistes, cette Une est de mauvais goût mais c’est de la satire, ce n’est pas un délit », a déclaré à l’AFP Jean-Marie Molitor, patron de Minute après le tollé suscité par sa Une comparant la ministre de la Justice Christiane Taubira à un singe. « Nous assumons cette Une, il n’y a rien à regretter. c’est un jeu de mot horrible, du mauvais goût à l’état pur. Mais c’est un comique bien français, on dit bien malin comme un singe », a poursuivi le directeur de publication de l’hebdomadaire d’extrême droite.

«  Tous ces réactions des politiques sont un nuage de fumée. Cette montée au créneau de Jean-Marc Ayrault, du ministre de l’Intérieur... Cette hystérie collective me dépasse mais c’est une jolie publicité pour nous », s’est-il félicité. « Il n’y avait rien de méchant dans l’article contre Mme Taubira, qui, intelligente, a compris que cela ne méritait pas » de faire un procès, a-t-il jugé. « On ne peut plus rien dire sans être taxé de racisme. Cette Une n’est pas raciste. Quand on voit la ceinture de bananes de Joséphine Baker, personne ne dit que c’est raciste. Et personne ne bouge sur les Unes de certains confrères, comme quand le Pape est croqué par Charlie Hebdo, mais c’est aussi parce que ce ne sont pas les mêmes qui sont visés », a-t-il affirmé.

Ouverture d’une enquête

L’hebdomadaire d’extrême droite « Minute » qui titre à la une « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane  » était disponible en kiosque mercredi matin. Le gouvernement avait annoncé dès mardi étudier les moyens d’en d’empêcher sa diffusion. S’il n’est pas parvenu à éviter sa diffusion, une enquête préliminaire pour injure publique à caractère racial_ en application de l’article 40 du code de procédure pénal invoqué par le Premier ministre _ a néanmoins été ouverte mercredi, a annoncé le parquet de Paris. Cette enquête a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) de la police judiciaire parisienne.
Cette Une de l’hebdomadaire d’extrême droite a suscité l’indignation du monde politique, à droite comme à gauche. « Révoltante  ». C’est le sentiment du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, face à la Une de l’hebdomadaire d’extrême droite « Minute  ». «  Nous devons étudier dans les heures qui viennent les moyens que nous pouvons prendre pour agir contre la diffusion de ce journal. Nous ne pouvons pas laisser passer cela   », a déclaré à la presse Manuel Valls, en marge d’un colloque à l’Assemblée nationale sur les réponses à apporter face à la montée du FN. Il a jugé la Une de l’hebdomadaire « révoltante  », « insupportable par la personne qu’elle attaque, Christiane Taubira mais aussi par l’aspect révulsif que cela provoque ».
Des parlementaires PS mais aussi UMP ont fait part mardi de leur choc suite à la publication de la Une de « Minute » . Mercredi, les réactions ont continué, et le maire de Paris Bertrand Delanoë a notamment estimé que «  dans cette période de crise économique et sociale et de perte de référence démocratique, la République (devait) défendre ses valeurs  » avant d’ajouter : « Aucun de nous ne doit offrir de prétexte au racisme ». Patrick Karam, conseiller (UMP) régional Ile-de-France, a même demandé au ministère de l’Intérieur d’"engager la dissolution du journal Minute". Sur France Info, Florian Philippot, vice-président du FN, a assuré pour sa part que la Une en question, comparant la ministre guyanaise Christiane Taubira à un singe, "est inadmissible, extrêmement choquante, comme souvent avec les Unes de Minute puisque nous-mêmes en avons été victimes plusieurs fois".

Des soutiens dans l’opposition

Le président de l’UMP Jean-François Copé a indiqué mercredi qu’il soutenait la démarche judiciaire du gouvernement, considérant sa Une « profondément scandaleuse », tout en insistant qu’il ne laisserait «  pas dire ni sous-entendre que la France est raciste ou que les Français sont racistes  ».

  • Le collectif de parlementaires « La Gauche Forte  » organisait un débat mardi soir à l’Assemblée autour des «  réponses que la gauche doit apporter face à la montée du FN  », auquel participaient Manuel Valls et Christiane Taubira. Le site Internet de l’hebdomadaire n’était plus accessible depuis la mi-journée, en raison, selon « Minute  », d’un « piratage  ». Cela n’a pas empêché l’indignation de monter dans la classe politique.

Sur Twitter, le premier secrétaire du Parti socialiste Harlem Désir a dénoncé une « ignoble Une » et la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a critiqué des « propos honteux et nauséabonds ». Des ténors de l’opposition ont également condamné l’hebdomadaire. La députée UMP et ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, Valérie Pécresse, a réagi sur Twitter : « Je t’apporte mon soutien total face au tombereau d’insultes que tu continues de recevoir  ». Le député UDI Yannick Favennec parle de «  la honte » qu’il ressent face à la une de l’hebdomadaire d’extrême droite. Pour sa part, Alain Juppé, demande une «  réponse pénale  ».

Par Les Echos

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