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Situation des droits humains au Mali : Et au-delà des dénonciations !

mardi 26 août 2014, par Assane Koné

Depuis 2012, le Mali est pris dans une tourmente, caractérisée par des crimes au regard du droit international et de graves atteintes aux droits humains, notamment des viols et violences sexuelles à l’égard des femmes, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats. La situation a motivé beaucoup d’organisations de défense des droits humains à publier des rapports, mais jusqu’ici aucune mesure, n’a été initiée pour punir les auteurs de ces actes.

Elles sont des milliers. Les victimes au Mali qui vivent dans l’ignorance de leurs droits. Mais le non-respect, la non-application des textes juridiques par l’Etat et la passivité des organisations de droits de l’homme font que la violence sur les personnes gagne du terrain. Ce qui fait aujourd’hui du Mali, un pays qui ne respecte pas comme il se doit les textes juridiques qui protègent le peuple. Pourtant, plusieurs instruments régionaux, nationaux et internationaux ont été ratifiés par le Mali, reconnaissant les droits de la personne humaine.

Mais depuis 2012, le Mali est au cœur de la problématique. Le sud du pays a été longtemps soumis à une instabilité politique, suite aux évènements de mars 2012 qui ont renversé le président démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré. Ce putsch militaire dirigé par les hommes de Kati, selon les rapports des acteurs de droits humains, a entraîné des violations graves des droits humains. De nombreux responsables politiques et militaires ont été arrêtés et détenus de manière arbitraire. La liberté de la presse a été remise en cause suite à l’arrestation, l’enlèvement et les menaces dont ont fait l’objet des journalistes de la part d’individus armés, partisans présumés de la junte militaire.

Les autorités de la transition n’avaient pas les réalités du pouvoir comme l’ont démontré l’agression dont a été victime le chef de l’État par intérim, Diouncounda Traoré, ainsi que la répression et l’intimidation, en toute impunité, d’opposants à la junte militaire. Les violations des droits humains les plus graves commises par les acteurs du 22 mars ont eu pour cible des militaires et des policiers arrêtés après une tentative de contrecoup d’État qui a eu lieu le 30 avril 2012.

Selon les investigations des droits de l’homme, ces violations des droits humains comprennent des tortures, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées. La répression, qui a fait suite à ce contrecoup d’État, a été d’autant plus violente que les militaires et policiers arrêtés n’ont pas été incarcérés dans un lieu de détention officiel, mais ont été conduits au camp de Kati, siège de la junte, où ils se sont retrouvés livrés, durant longtemps, aux mains des militaires auxquels ils s’étaient opposés.

Les autorités de transition n’ont pas respecté pleinement les obligations qui leur incombaient aux termes des traités internationaux en matière de droits humains et n’appliquaient pas les garanties essentielles de protection des droits humains expressément prévues par la législation nationale. Ce qui a aggravé la situation socio politique au sud.

Quant au nord, c’était une zone « Non droit ». Plusieurs allégations d’atteintes aux droits humains commises par les groupes islamistes armés, notamment homicides, recrutement d’enfants soldats, viols et autres. Des exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées commises par les groupes armés.

Pour appuyer les autorités à appliquer la liberté fondamentale des personnes, les organisations de défenses de droits humains avaient formulé des recommandations pour l’application des normes nationales et internationales relatives aux droits humains. Des points invitant l’Etat à respecter pleinement les obligations qui lui incombe aux termes des traités internationaux de droits et les garanties essentielles de protection de la personne humaine expressément prévues par la législation nationale.

La diversion !

Les principaux acteurs continuent de bénéficier des mêmes privilèges, marginalisant le système judiciaire. Ils se retrouvent puissants face à cette nouvelle composition du pouvoir. Qu’il s’agisse du Nord et du Sud. Malgré, les éléments de preuve recevables et suffisants, aucune date n’est précisée pour le jugement des hommes de Kati. Au Nord, nous assistons chaque jour à la libération des combattants des groupes armés. La plus récente a eu lieu le 15 août 2014. Ag Alfousseyni Houka Houka, ancien juge islamiste de Tombouctou, inculpé pour son rôle présumé dans la commission de violations graves des droits humains, a été libéré par les autorités maliennes dans le cadre des négociations politiques en cours entre le gouvernement malien et les groupes armés.

Cette libération politique est une véritable atteinte à l’indépendance de la justice et une violation flagrante des droits des victimes à la justice et à la vérité. Il est absolument nécessaire que la réconciliation et les négociations politiques entamées se poursuivent, mais ni au détriment de la justice ni dans l’oubli des victimes.

Ce personnage important du mouvement islamiste à Tombouctou, libéré y dirigeait un tribunal islamique qui a ordonné, entre autres, des amputations, lapidations, flagellations et arrestations arbitraires lors des dix mois durant lesquels le nord du Mali était sous le contrôle des groupes islamistes armés.

Mais, le 15 juillet 2014, le gouvernement du Mali a procédé à la libération, sous prétexte méprisable de la réconciliation, puis à l’échange de 42 éléments des groupes armés présumés auteurs de graves violations de droits humains et inculpés par la justice malienne, contre 45 éléments des forces armées et de sécurité capturés par les groupes armés lors des combats du 23 mai 2014 à Kidal. La réconciliation doit s’appuyer sur la justice pour une paix durable. « Aucune nation, aucun peuple qui a souffert de graves crimes contre l’humanité ne peut prétendre à la réconciliation, à la paix et au développement durable sans une justice saine, équitable et luttant efficacement contre l’impunité », aime dire les hommes de droit.

Il revient à l’Etat de prendre sa responsabilité pour veiller à ce que toutes les victimes de violations des droits humains puissent bénéficier de toutes les formes de réparation, y compris des mesures de restitution, d’indemnisation, de réadaptation, de satisfaction et de garanties de non-répétition. Ces mesures de réparation doivent inclure des explications complètes sur les faits survenus et identifier ceux qui en sont responsables afin que les familles puissent savoir ce qui est arrivé à leur proche. Et les organisations de poser des actes concrets après les rapports pour le respect du droit dans notre pays.

Bréhima Sogoba

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