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Protection de la femme : Les femmes battues boudent leur numéro vert

mardi 29 avril 2014, par Assane Koné

Lancé tambour battant, amplifié par les journaux, les radios et les télévisions, le numéro vert dédié aux femmes en détresse (dans le couple) ou en sommes-nous avec ce fameux 80 00 11 32 ? A plus d’un mois de sa mise en service, ce programme n’a pas été un succès jusque-là !

« Dès qu’il veut lever la main sur vous, téléphonez 80 00 11 32, c’est le numéro vert pour les femmes  Au lendemain de son lancement, voilà ce qu’on lisait sur les réseaux sociaux. Le succès semblait garanti à telle enseigne que la panique était dans le camp des hommes, du moins ceux qui violentent leurs conjointes ! Les femmes s’en étaient données à cœur joie.

En réalité, ce programme initié par ONU-Femme et la direction nationale de la police est un mauvais programme. Mauvais parce qu’il est mal inspiré et inadapté à notre société. En Afrique et au Mali en particulier, il y a d’autres mécanismes de règlement des conflits dans le couple qui ne soient pas la dénonciation publique ou la police.
Ces méthodes ont prouvé leur efficacité. On aurait dû exploiter et renforcer ces canaux traditionnels. Il est connu de tous que chez nous le mariage n’engage pas seulement le couple, mais bien au-delà des familles. Culturellement, même pour un dernier recours on évite la police. Un couple devant la police, ça laisse des traces à vie même en cas de réconciliation. Après le pire qui est le divorce, il y a une vie.
C’est pourquoi après 10 jours de mise en service du numéro vert, nous avons tenté d’en savoir davantage. D’abord, le numéro n’est joignable que par une seule société de téléphonie mobile. Cela n’est pas connu pour les potentiels usagers de ce numéro. Déjà, c’est l’exclusion d’une bonne partie des femmes.

Un internaute sur les réseaux sociaux déclare : « Belle initiative. Mais dites-moi, en quoi cet appel sera utile pour toutes ces femmes battues qui sont en milieu rural souvent à plus de 70 km du commissariat le plus proche. Réfléchissons encore ! En attendant, donnons un carton rouge à ceux qui violentent leurs femmes« .
De source policière, il nous est revenu que les femmes n’appellent pas. Du moins, elles appellent (une dizaine par jour) juste pour savoir si le numéro est fonctionnel après sa mise en service. Aucun cas signalé. Est-ce à dire qu’aucune femme n’est victime de violence ?

Toujours est-il que faire intervenir la police dans notre contexte social dans un couple ou même dans une relation humaine est très mal compris. Beaucoup, sur les réseaux sociaux, pensent que ce programme d’ONU-Femme accroîtrait indiscutablement le nombre de divorces. Qui va reprendre une femme qui l’a traîné devant la police dans le contexte malien ?, interrogent des internautes. Réponse : ils ne sont pas nombreux, ceux qui sont capables de le faire.

Un mois après, plusieurs tentatives auprès de la police ne nous ont pas permis de savoir l’évolution des appels. La police est silencieuse. On aimerait bien en savoir davantage à travers son partenaire ONU-Femme. En tout cas comme le dit cet autre internaute, « il faut réorienter clairement la cible et l’objectif« .
De tels projets inadaptés (mais juste pour faire plaisir au bailleur) ne manquent pas dans le pays.

Lévy Dougnon
(Radio Jamana Djenné)

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