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Maltraitance des enfants : Le calvaire des aide-ménagères

mardi 28 mai 2019, par Assane Koné

Elles devaient être sur les bancs d’école. Mais, les contingences de la vie ont fait d’elles des aide-ménagères dans des familles. Malgré leur jeune âge, certaines de ces aides ménagères vivent un véritable calvaire dans leur séjour Bamakois.

« Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école. A 10 ans, une cousine de ma mère de passage au village a proposé que je vienne avec elle à Bamako pour travailler. Toute joyeuse, je me suis embarquée dans un minibus. Mais, ma joie ne fut que de courte durée. Dès mon arrivée, ma tante m’a placée chez une dame contre la somme de 7500 FCFA par mois. Mais, mon jeune âge ne m’a pas exempté des travaux pénibles de cette famille. J’étais la première à me réveiller et la dernière à me coucher au-delà de minuit, dans un espace que l’on offrira même pas à un mouton ». Cette histoire nous a été racontée par Mlle S.D, lors de la commémoration de la journée du 8 mars 2018.

Malheureusement, la petite S.D n’est pas un cas isolé. Pratiquement, dans toutes les villes maliennes, l’on rencontre des centaines de S.D. Et, parmi ces cas, nous avons été impressionnés par l’histoire de la jeune A.A.

« Depuis petite, mes parents m’ont donné en adoption à ma grande sœur, mariée dans notre village. Elle m’avait inscrite dans une Médersa que j’ai quittée en classe de 2e année. Et, depuis, j’étais devenue la bonne à tout faire. Je nettoyais la maison, lavais les ustensiles, faisais la lessive et j’avais à peine le temps de me promener et de jouer avec mes amies ». Ce calvaire que nous a raconté la petite A.A, n’est pratiquement rien devant l’enfer qui l’attendait, une fois arrivée à Bamako.

« Une connaissance du mari de ma sœur est arrivée de Bamako. Elle avait besoin d’une aide-ménagère. Le mari de ma sœur m’a dit de partir avec elle », a indiqué A.A. Avant de préciser qu’elle a passé quelques mois chez la dame qui ne manquait pas de la frapper et de l’insulter. « Un jour, elle m’a accusé de vol et m’a frappé avec une violence inouïe. J’ai été obligée de fuir de chez elle et sans mon salaire de plusieurs mois de travail », a-t-elle expliqué. Mais, A.A n’était pas au bout de sa peine. Une petite lueur d’espoir de bonheur va l’effleurer, mais ne durera pas. « Dans ma fuite, j’ai été accueillie par une femme qui habite à Kalaban-Coura. Au début tout se passait bien entre nous. Mais, après les premiers mois, elle a commencé à m’accuser de tout. Quand son enfant faisait une bêtise, la coupable était toute désignée : c’était moi », s’est elle souvenue. Avant d’ajouter qu’elle était devenue pour cette dame quelqu’un sur qui elle devait déverser toute sa haine. « Pour des futilités, elle rentrait dans une colère indescriptible et me rossait de coups à n’en pas finir. Me frapper la rendait heureuse, je crois », s’est-t-elle convaincue, jusqu’au jour où l’irréparable va se produire.

« Un jour, j’ai préparé de la bouillie et déposé à l’endroit qui m’a été indiqué à cet effet. Malheureusement, son enfant est allé mettre sa main dans la bouillie chaude. Ma patronne s’est vite rendue à la pharmacie pour acheter des produits pour calmer la douleur, au moment ou je dorlotais le petit. Mais, avant son départ, elle m’a demandé de mettre de l’eau à bouillir au feu. A son retour, pour me punir elle a mis ma main dans l’eau bouillante et l’a brulée », selon A.A qui n’était pas encore au bout de ses surprises. En effet, deux jours après, sans l’amener à l’hôpital, sa patronne va la convoquer au Commissariat pour avoir bruler son enfant. « Au Commissariat, j’ai exposé les faits. Les policiers ont interpellé ma patronne et m’ont conduit au Groupe de recherche action droit de l’enfant (GRADEM) », a-t-elle conclu son histoire.

Des ONG comme des ilots de quiétude pour des aide-ménagères

Souvent pour tirer ces jeunes filles des griffes de leurs bourreaux, il faut l’intervention des associations et ONG de défense des droits des enfants. Au Mali, face aux souffrances des jeunes aide-ménagères, des associations ont été créées pour la lutte pour le respect de leurs droits : APAFE MUSO DAMBE, WILDAF, SOLI AM, APSEF, AEJT, et la Cellule nationale de lutte contre le travail des enfants…

« Le GRADEM a été mise en place pour lutter contre la maltraitance des aide-ménagères », a indiqué Mme Dakouo Sanihan, Directrice du Centre d’accueil de l’ONG GRADEM. Selon elle, son centre accueille des aide-ménagères en détresse et des filles victimes de maltraitance. « Pour ce qui concerne les filles victimes de maltraitance, le centre s’est doté d’un volet assistance juridique », a-t-elle indiqué. Avant d’ajouter que lorsque le centre n’arrive pas à gérer des cas de maltraitance, il fait recours à WILDAF. Qu’à cela ne tienne, pour la seule période du 1er janvier 2018 au 31 juin 2018, le centre a accueilli 71 jeunes filles aide-ménagères victimes de violences, d’abus et d’exploitation. « Souvent, nous sommes obligés de recourir à la justice pour la réparation des préjudices subis par les jeunes filles aide-ménagères », a-t-elle précisé. Parallèlement au recours à la justice, le Centre les héberge, les assiste, leur prodigue des soins médicaux et procède à la recherche de leurs familles.

Mais que faire pour éviter qu’une aide-ménagère et sa patronne n’arrivent au point de non retour ? Elle dira qu’il n’y a pas de recette miracle. Cependant, partant du fait que la maltraitance tire sa source souvent de l’incompréhension qui s’installe entre l’aide-ménagère et sa patronne, elle a proposé la rupture du contrat. Mais, elle pense aussi, que le moment est arrivé pour professionnaliser ce secteur pour la satisfaction de tous. Aussi, elle a invité les parents d’enfants à prendre toutes les dispositions pour que leurs enfants de moins de 16 ans ne viennent dans les centres urbains pour devenir des aide-ménagères.

Bintou Coulibaly


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