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Lutte contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire au Mali : Que dit le bilan de la mise en œuvre des 6 recommandations de l’IPC de Septembre 2022 ?

jeudi 5 octobre 2023, par Assane Koné

En septembre 2022, dans leur engagement de lutter contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire au Mali, les acteurs étatiques et de la société civile, en collaboration avec les partenaires techniques et financiers, avaient formulé 6 recommandations à l’issue de la rencontre sur la classification Intégrée des Phases (IPC). Qu’en est-t-il un an après ? Est ce que ces recommandations ont été mises en œuvre comme cela se devait ?

Dans le cadre de la mise en œuvre de son plan d’actions annuel, l’Alliance des journalistes maliens en faveur de la nutrition et la sécurité alimentaire (AJMNSA), avec l’appui de l’ ONG « Œuvre malienne d’aide à l’enfance du Sahel (OMAES) », grâce à un financement du Programme Right2Grow, a effectué une enquête auprès des acteurs de la mise en œuvre des recommandations de la classification Intégrée des Phases (IPC) de septembre 2022 pour s’enquérir de la situation alimentaire et nutritionnelle du Mali. Ces acteurs sont : Le Système d’Alerte Précoce (SAP), la Sous-Direction Nutrition (SDN), le Commissariat à la sécurité Alimentaire (CSA) et l’UNICEF.

A l’issue de son enquête, l’AJMNSA est parvenue à la conclusion qu’en ce qui concerne la lutte contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire au Mali, le Système d’Alerte Précoce (SAP), la Sous-Direction Nutrition (SDN), le Commissariat à la sécurité Alimentaire (CSA) et l’UNICEF, ne lésinent pas sur les moyens et les initiatives pour prendre la gestion de la problématique à bras le corps.

« De façon globale, 1 242 078 personnes, réparties selon les différentes phases, sont en insécurité alimentaire »

Du côté du SAP, d’entrée de jeu, Dr Soumaïla Diarra, médecin nutritionniste, chiffre à l’appui, a mis un accent sur la gravité du problème. « Actuellement au Mali, de façon globale, 1 242 078 personnes, réparties selon les différentes phases, sont en insécurité alimentaire », a-t-il déclaré. Mais, plus grave, selon Moussa Koïta, Coordinateur national du SAP : « Cette année, le Mali a connu exceptionnellement la phase 5 (critique), avec à peu près deux mille personnes à Ménaka.

Avec ces chiffres, l’on pourrait se poser des question sur la mise en œuvre des recommandations de l’atelier de septembre 2022 sur l’analyse IPC. Dr Mahamadou Samaké, Sous-directeur de la nutrition à la Direction générale de la santé et de l’hygiène publique (DGSHP), a souligné que les 6 recommandations prévoyaient une série d’actions demandant l’implication de tous les acteurs.

Selon lui, la première visait à renforcer dans l’immédiat la couverture et la qualité de la prise en charge de la malnutrition aigüe pour réduire en urgence l’effectif des enfants et femmes enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition aigüe. « Sur ce point le processus continue et il est mis en œuvre par la Direction Régionale de la Santé », a-t-il indiqué. Avant d’ajouter que la supervision de cette activité relève de sa direction, qui a pu mener au moins une supervision dans l’ensemble des régions, districts et aires de santé pour voir l’état d’avancement de ce renforcement.

« En 2022, c’est un total de 3 374,19 tonnes de vivres qui ont été mobilisées... par l’Etat et ses Partenaires »

Pour ce qui concerne la 2e recommandation, il a soutenu qu’il visait à faire le plaidoyer pour accroitre le financement domestique de la nutrition. « Le plaidoyer pour accroître le financement est toujours en cours, mais nous risquons d’avoir des problèmes de financement », a-t-il déclaré. Selon lui, ils avaient retenu des régions qui étaient en peloton de tête dans le cadre de la malnutrition aigüe, comme Ménaka, Gao, Kayes et Tombouctou, pour y mener des sessions de plaidoyer. « Malheureusement, nous n’avons pu faire le plaidoyer que dans les régions de Gao et Ménaka », a-t-il regretté.

La 3e recommandation qui préconisait de « renforcer le dispositif d’assistance alimentaire d’urgence pour les populations en Phase 3 et plus, tout en intégrant des programmes de protection adéquate qui prennent en compte les besoins essentiels des enfants de moins de cinq ans et des femmes enceintes et allaitantes ». A ce sujet, Amadou Dembélé, Commissaire adjoint à la Sécurité alimentaire, a indiqué que pour l’assistance alimentaire, sur une prévision de 1 841 067 personnes de la phase 3 et 4 identifiées par le Système d’Alerte Précoce en novembre 2021, en tenant compte de l’insuffisance des ressources financières, 1 191 772 personnes ont bénéficié d’une distribution alimentaire gratuite (DAG) de 34 147 tonnes de céréales par l’Etat à travers le Commissariat à la Sécurité Alimentaire.

Il a ajouté qu’en outre, 2 029 360 personnes ont bénéficié d’un complément fourni par les partenaires techniques et financiers à travers les membres du Cluster Sécurité Alimentaire que sont : PAM, FAO et une quarantaine d’ONG internationales et nationales. « En matière de soutien aux moyens d’existence, 26 800 ménages, soit 160 800 personnes ont été assistées à travers les cash-transferts effectués par le Commissariat à la Sécurité Alimentaire sur les fonds des indemnités ARC pour un montant de 268 000 000 FCFA ; l’achat de 5000 tonnes d’aliment bétail pour un montant de 1 091 500 000 FCFA ; l’achat de 453 tonnes d’aliment poisson pour un montant de 499 650 000 FCFA », a-t-il déclaré. A cela, il a ajouté la réhabilitation de 5 puits pastoraux, la réalisation de 7 forages productifs, la réhabilitation de 10 forages pastoraux et de 11 périmètres jardins maraîchers, la fourniture de 11 kits maraîchers, de 11, 5 kilogrammes de semences maraîchères, de 3,575 tonnes d’engrais pour un montant de 739 925 629 FCFA.

Par ailleurs, il a soutenu que les partenaires techniques et financiers, à travers les membres du Cluster Nut-SA, ont assisté 2 591 680 personnes dont 384 449 personnes parmi les Déplacées Internes (PDI) pour un montant de 46 376 230 000 FCFA. « Cette assistance se fait sous forme de coupons (76%), cash (17%) et en nature (7%) », a-t-il indiqué. Selon lui, en 2022, c’est un total de 3 374,19 tonnes de vivres qui ont été mobilisées à cet effet par l’Etat et ses Partenaires.

Pour ce qui est de la 4e recommandation, dont la mise en œuvre devait renforcer la réponse multisectorielle liée à la fourniture des services sociaux de base de qualité (EHA, alimentation, santé, protection sociale etc.), Dr Mahamadou Samaké, Sous-directeur de la nutrition à la Direction générale de la santé et de l’hygiène publique (DGSHP), a indiqué qu’une session s’est tenue à Gao à travers un renforcement de capacité, pour démontrer le lien entre Wash et Nutrition.

La 5e recommandation demandait le renforcement du dispositif de surveillance et d’alerte précoce pour la nutrition dans les cercles en phase 3 et plus et la réalisation des enquêtes nutritionnelles SMART rapide dans les cercles en phase 4. Selon Dr Mahamadou Samaké, Sous-directeur de la nutrition à la Direction générale de la santé et de l’hygiène publique (DGSHP), la Sous-direction nutrition suit chaque semaine la situation nutritionnelle dans le pays et fait une proposition de solution. « Les enquêtes nutritionnelles SMART rapides dans les cercles en phase 4, ont été réalisées à (Tidermen) à Ménaka, à Gao (Ansongo), à Mopti (Bandiagara), à San (sites des déplacés), à Diéma et Nioro, a-t-il déclaré. Avant de révéler qu’ à la sortie de cette enquête, Ansongo et Ménaka ont été classés zones d’alerte réelle ; et les partenaires ont pris rapidement à bras le corps la situation dans ces zones. Il a salué l’appui des partenaires tout en insistant sur l’importance d’avoir des ressources au niveau local pour entreprendre des activités de prévention et de prise en charge.

Pour sa part, Dr Silvestre Tapsoba, Chef de la section nutrition à l’UNICEF, dira que sa structure intervient à travers l’élaboration des politiques, de la législation, de la planification et la mobilisation des Fonds. « Ces financements des partenaires techniques et financiers contribuent à la mise en œuvre des programmes et projets à haut impact en matière de nutrition dont l’allaitement maternel et la diversification alimentaire », a-t-il indiqué. Avant d’ajouter que l’UNICEF appuie appuie aussi, le système de santé en terme de renforcement de capacité des agents de santé afin de promouvoir et d’encourager l’allaitement maternel. « De ce fait, depuis quelques années l’UNICEF est sur une nouvelle dynamique de l’intégration de la nutrition dans le Curricula de formation au niveau de l’éducation nationale et d’autres secteurs », a-t-il révélé.

« Les programmes de prévention sont difficilement exécutés à cause de la situation sécuritaire »

Enfin, pour ce qui concerne la méthode et l’importance du SAP dans le dispositif de lutte contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire, Dr Soumaïla Diarra, médecin nutritionniste, dira sa structure utilise plusieurs outils. Selon lui, le plus utilisé, est l’enquête nationale sur la sécurité alimentaire et la nutrition qui est réalisé deux fois dans l’année en septembre et février. « Cette enquête permet de collecter les données de près de 100 indicateurs en faveur du cadre harmonisé », a-t-il indiqué. Avant de préciser qu’à l’issue de chaque analyse et évaluation, il y a des recommandations qui sont adressées aux différents partenaires et en premier lieu à l’Etat. « Ces recommandations aident à la prise de décision aboutissant à la mise en œuvre des actions concrètes et urgentes », a-t-il ajouté.

Au titre des difficultés rencontrées pour conduire ces multiples actions en faveur la nutrition et la sécurité alimentaire, Dr Soumaïla Diarra a estimé que « l’une des plus grandes difficultés qui favorise l’insécurité alimentaire et nutritionnelle des populations est la guerre ». Selon lui, le Mali vit depuis quelques années une crise sans précédente qui cause le déplacement de milliers de personnes. Et, selon lui, cela fait que la mise en œuvre de certaines activités pouvant contribuer à la réduction des cas de malnutrition est bloquée par l’inaccessibilité de certains services de l’Etat et de certains partenaires aux populations pour la mise en œuvre des programmes de prévention. « Avant cette crise, le Mali avait suffisamment réussi à réduire la prévalence de la malnutrition aigüe et chronique qui était jusqu’à 46% dans certaines localités mais qui avait baissé jusqu’à 25 voire 20% », a-t-il déclaration. Avant de soutenir que « Les programmes de prévention sont difficilement exécutés à cause de la situation sécuritaire que le Mali traverse ». Selon lui, les localités les plus affectées par l’insécurité alimentaire sont dans la bande du fleuve.

Toutefois, il a admis que la malnutrition est liée à plusieurs autres facteurs. Selon lui, en plus de l’insécurité alimentaire, les mauvaises pratiques de consommation d’aliment, d’hygiène/Wash (d’accès à l’eau, l’assainissement) sont aussi des causes essentielles de la malnutrition dans beaucoup de localités. « L’Etat et les partenaires sont appelés à rendre les aliments disponibles partout où vivent les populations en tenant compte de leurs habitudes de consommation alimentaire », a-t-il proposé. Avant de soutenir que l’implication des journalistes à travers des spots de sensibilisation, des reportages ou des émissions en langues locales reste l’un des meilleurs atouts pour éradiquer la malnutrition.

Assane Koné


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