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Géopolitique : Gaza sous un déluge de bombe
jeudi 31 juillet 2014, par
Depuis plus de trois semaines Gaza est sous un déluge de bombe de l’aviation israélienne. Plus de 1040 morts palestiniens pour la plupart des civils innocents contre une cinquantaine de morts côté israélien. Ce sont surtout les enfants, les femmes et les personnes âgées qui payent le plus lourd tribut à Gaza.
Gaza, longue bande de terre qui s’étire sur 41 Km de long et 6 à 12 Km de large sur la côte orientale de la méditerranée, au voisinage de l’Egypte. Depuis environ 3500 ans, des populations y habitent donnant naissance à la ville de Gaza qui est à la fois une ville portuaire et un marché d’échange avec l’Egypte et la Syrie d’une part, la Péninsule arabique et la Méditerranée d’autre part.
La ville est peuplée de plus d’un million cinq cent mille habitants(1.500.000 habitants) répartis sur les 365 km2 de superficie en majorité des refugiés et descendants de réfugiés des guerres israélo-arabes de 1947, 1967 et 1973.
A la suite du blocus imposé en 2006 par Israël, la situation alimentaire s’était considérablement détériorée. Jan Ziegler, l’ancien représentant spécial des Nations-Unies contre la faim qui s’est rendu sur place en est revenu bouleversé. Il soulignait qu’en 2010, le chômage touchait 81% de la population active, que la perte d’emplois, de recettes, d’actifs et de revenus a privé la ville de nourriture.
Le revenu par habitant a diminué de moitié. En 2010, 8 personnes sur 10 avaient un revenu inférieurau seuil de l’extrême pauvreté (moins de 1,25 dollar par jour) et 34% des habitants étaient sous-alimentés. La sous-alimentation des femmes enceintes qui était estimée à plus de 22.000 a provoqué de nombreuses mutilations cérébrales chez les bébés qui sont nés en ce moment. En 2010, 4 sur 5 gazaouis ne faisaient plus qu’1 seul repas par jour. Pour survivre, 80% des habitants dépendaient de l’aide alimentaire. Ziegler a rappelé que le 27décembre 2008, les forces aériennes, terrestres et navales d’Israël ont déclenché un assaut généralisé contre les infrastructures et les habitations : 1444 palestiniens parmi lesquels 348 enfants ont été tués souvent à l’aide d’armes dont Israël expérimentait pour la première fois l’usage.
L’une des principales armes était la DIME(Dense Inert Metal Explosive). Transportée par un Drone, la bombe est faite de billes de Tungstène qui explosent à l’intérieur du corps et déchirent littéralement la victime. Les habitants pris au piège de la clôture électrifiée du côté d’Israël et du verrouillage de la frontière de Rafah du côté de l’Egypte ont été brûlés, amputés, paralysés, mutilés… Les infrastructures civiles ont été systématiquement détruites, notamment agricoles.
Le plus grand moulin de blé, le moulin Al Badr à Sudnyiyah, à l’ouest de Jablyyah, a été attaqué par les F16 israéliens et totalement détruit.Le 3 et 10 janvier 2009, des avions munis de fusées air-sol ont détruit l’usine d’épuration d’eau de Gaza city située à la rueAl-Sheick Ejin et les digues de l’étang de rétention des eaux usées.La ville s’est retrouvée privée d’eau potable pendant de longs moments.
Les bombardements en cours dans cette enclave nous rappellent ces épisodes tragiques. Alors que les organisations humanitaires affirmaient dix jours seulement après le déclenchement de l’opération « bordure protectrice » que 700.000 palestiniens étaient privés d’eau, de sanitaire et d’hygiène à Gaza et que 400.000 autres n’avaient pas d’électricité, la situation s’est considérablement détériorée. Les Nations-Unies parlent d’une catastrophe humanitaire sans précédent. Des milliers d’habitations réduits en cendre, des écoles, des hôpitaux bombardés sans cesse. La centrale électrique de la ville est en feu.Pourquoi Israël s’acharne –t-elle dans sa furie destructrice disproportionnée contre Gaza ?
Pour beaucoup d’analystes, comme l’expert italien en géostratégie Manlio Dunicci, il y’a des raisons économiques. En effet, dans les eaux territoriales palestiniennes, se trouve un gros gisement de gaz naturel appelé Gaza Marine estimé à 30 milliards de mètres cubes et d’une valeur de plusieurs milliards de dollar US. L’Agence Gouvernementale américaine de Géologie a révélé que d’autres gisements de gaz et de pétrole se trouvent en terre ferme à Gaza et en Cisjordanie.
En 1999, Yasser Arafat alors dirigeant de l’autorité palestinienne confie l’exploitation de Gaza Marine à un consortium formé de BRITISH GROUP et de CONSOLIDATED CONTRACTORS, la compagnie privée palestinienne avec respectivement 60% et 30% des actions dans lequel le fonds d’investissement de l’autorité palestinienne à 10%. Deux puits sont creusés : Gaza Marine 1 et Gaza Marine 2. Mais ces deux puits ne sont pas exploités. Israël bloque le projet parce qu’il veut tout le gaz à des prix cassés.
Pour faire bouger les lignes, Tony Blair l’envoyé du Quartet pour le Proche-Orient facilite la recherche d’un accord qui enlève aux palestiniens les ¾ des futurs revenus du Gaz. La part de revenu des palestiniens sera mis sur un compte international contrôlé par Washington et Londres.
Mais après avoir gagné les élections législatives de 2006, le Hamas rejette l’accord qu’il qualifie de vol et demande sa renégociation immédiate. En 2007, les autorités israéliennes, par la voix de l’actuel ministre de la défense Moshe Ya’alon déclarent publiquement que le gaz ne peut être extrait sans une opération militaire qui éradique définitivement le contrôle du Hamas. En 2008, Israël lance l’opération « plomb durci » contre Gaza. En septembre 2012, l’autorité palestinienne malgré l’opposition du Hamas reprend les négociations sur le gaz avec Israël. Deux mois après son admission à l’ONU en tant « qu’observateur non membre », elle voit sa position renforcée et envisage de profiter de ce succès diplomatique pour modifier la substance de l’accord largement favorable à Israël. Le projet est bloqué empêchant les palestiniens d’exploiter la richesse naturelle dont ils disposent. Mais pour autant, l’autorité palestinienne ne cède pas à l’intransigeance israélienne. Elle fait jouer d’autres cartes comme celle de la Russie. Le 23 janvier 2014, le Président Mahmoud Abas conclut avec Vladimir Poutine un accord pour l’exploitation du gisement de gaz. La formation du nouveau gouvernement d’union nationale renforce l’accord russo-palestinien. Dix jours après, le 12 juin, trois jeunes israéliens sont enlevés et retrouvés tués quelques semaines plus tard. Sans engager la moindre enquête pour connaître les auteurs de ces crimes, Israël accuse le Hamas. C’est le cassus belli qui donne le départ à l’opération « barrière protectrice » contre Gaza. L’objectif stratégique est clair pour Israël. Il s’agira de s’emparer des réserves énergétiques de tout le bassin du Levant, réserves palestiniennes, libanaises et syriennes comprises. Mais aussi donner aux Etats-Unis la possibilité de renforcer sa position au Proche et Moyen-Orient en contrant toute influence russe dans la région. Un objectif impossible à atteindre lorsque l’on sait que les jeux d’influence en cours dans cette partie du monde (avec la forte poussée de l’Iran, la défiance de la Turquie vis à vis de Washington et la position de plus en plus forte du Qatar) vont changer de façon qualitative et radicale les rapports de force.
Nouhoum Keita