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Drogues au Mali : Le visage féminin de la toxicomanie

lundi 23 décembre 2019, par Assane Koné

La consommation des drogues au Mali et plus précisément à Bamako, se féminise. Et, face à la dépendance, les consommatrices sont plongées dans un enfer pour se procurer « la dose quotidienne ».

« J’ai été initiée à la consommation de la drogue par le cannabis à travers une copine, dont j’enviais la silhouette fine. Elle était svelte, alors que moi j’avais une forte corpulence. Sur les conseils de son petit ami, un expatrié travaillant au Mali, j’ai commencé à consommer cette herbe sensée faire perdre du poids, loin de me douter qu’il s’agissait d’une quelconque drogue. L’ami de ma copine l’achetait à 1000 FCFA et me l’offrait. Petit à petit j’avais atteint mon but car je perdais du poids, sauf que j’étais aussi devenue accro à la drogue à ma grande surprise ». C’est en ces termes que S.S a bien voulu nous expliquer comment elle est arrivée à la consommation du cannabis. Aujourd’hui, devenue pratiquement une grande consommatrice de drogue, S.S ne se contente plus du cannabis. Elle est passée à l’héroïne. Et, a intégré un gang, où elle commet des délits pour s’assurer sa dose quotidienne.

Ces dernières années, la consommation de la drogue par les femmes, est devenue un fléau. Et, l’histoire de S.S est similaire à beaucoup d’autres cas rencontrés dans la capitale.

Selon une enquête menée en 2012 par l’Association de lutte contre la toxicomanie juvénile au Mali, 25% de filles moins de 18 ans consomment de la drogue. Et les raisons indiquées par la présidente de cette association, Traoré Assitan, sont entre autres : « la déception amoureuse, les violences conjugales, les mauvaises fréquentations ou autres violences psychologiques »

Selon le Dr Souleymane Coulibaly, psychiatre à l’hôpital Point G, c’est en essayant de trouver un réconfort illusoire que se crée la dépendance. Une dépendance qui conduit à un changement de comportement et d’apparence chez l’individu.

Sous l’influence de la drogue, ces personnes peuvent s’avérer être un danger pour elles-mêmes comme pour leur entourage.

« Tu ne peux pas t’imaginer ce que le manque peut te faire faire. Ça t’amène à escroquer et à voler pour avoir de l’argent. On est prêt à commettre toutes sortes de forfaits pour pouvoir se procurer sa dose », martèle d’une voix pleine d’amertume G. K, consommatrice de drogue dure.

De par les témoignages, les femmes sous l’emprise de la drogue commettent des crimes et des violences pour pourvoir à leur besoin. « A la différence des hommes, on est plus fragilisée. On est souvent obligée de nous prostituer pour avoir de l’argent afin d’acheter de la drogue. Parfois, il arrive que dans le groupe, que le chef demande de te donner à lui en contrepartie de ta dose, sans oublier les nombreux cas de viols », témoigne une rescapée sous l’anonymat.

Rejetée par la société pour leur addiction, les toxicomanes sont isolées de leurs proches et de leur famille. Et, elles ont parfois des difficultés à s’intégrer même après l’abandon de la consommation de la drogue. Etiquetées, ces femmes déclarent être marginalisées pour la vie avec une grosse difficulté à avoir un mari dans leur environnement.

« Être drogué est mal perçu par notre société. Et, lorsque c’est la femme c’est encore pire. La société ne tolère point cette déviation chez nous les femmes car nous sommes vues comme des délinquantes », a estimé M. T, ancienne toxicomane.

Une rédemption difficile malgré les discours de tolérance prônés par les garants de la société

En effet, selon le muezzin Mohamed Kamesso, la religion musulmane interdit toute consommation de stupéfiant quel que soit le sexe. Sur la question, il est rejoint par l’Abbé Oscar Théra, prêtre, secrétaire général de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest. Toutes les deux confessions recommandent d’apporter assistance à la personne dépendante sur le chemin du « repenti » et de faciliter son insertion sociale.

Pour le sociologique Mamadou Diouara, la consommation des drogues est un phénomène assez récent dans notre société. « La société régit par ses valeurs socioculturelles, se montre moins clémente face à une femme toxicomane », a-t-il ajouté.

Rejetée pour la plupart par leur entourage, les consommatrices de drogue renforcent leur dépendance, en croyant y trouver une échappatoire. Sous addiction, ces personnes développent une agressivité dont elles sont les premières à en souffrir. Plus exposées aux viols, aux maladies sexuellement transmissibles, aux violences, et à la stigmatisation, les femmes toxicomanes sont plus fragilisées dans la société que les hommes, selon Amadou Koïta, communicateur traditionnel.

Mais, la drogue n’a pas de sexe devant la loi. La loi 01-078 du 18 juillet 2001 portant contrôle de drogues et précurseur en République du Mali, interdit toute détention, achat, vente et consommation de drogue en République du Mali, explique le Procureur Abdoul Karim Diarra du Tribunal de la commune VI de Bamako. Selon ses dires les peines prévues vont de 5 ans à 20 ans de détention ferme, en plus du payement d’une amende allant de 200 mille à 1 millions de FCFA

Bintou COULIBALY


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