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DEFENSE DES DROITS HUMAINS AU MALI : Mme Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty International rencontre La Coalition contre l’impunité au Mali
mardi 1er novembre 2022, par
Mme Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty International, a séjourné au Mali, où elle a rencontré, le 24 octobre 2022, à l’hôtel ONOMO, la Coalition contre l’impunité au Mali.
Mme Agnès Callamard a échangé avec les membres de la Coalition contre l’impunité au Mali, sur les obstacles qui freinent la lutte contre l’impunité et sur les solutions envisageables en partant des expériences diverses. Concrètement, au cours de cette rencontre les participants ont identifié les problèmes auxquels les différents acteurs sont confrontés dans la lutte contre l’impunité. Ils ont aussi exploré des stratégies de plaidoyer au niveau national pour réduire sensiblement les violations et garantir le droit à la justice. Enfin, les acteurs ont exploré des actions communes pour lutter contre l’impunité des violations des droits humains au Mali.
Me Moctar Mariko, Président de l’AMDH, a décidé de parler de l’impunité au Mali. Selon lui, cette impunité est caractérisée par l’absence de sanctions, de punitions ou de châtiments contre les auteurs de violation de droits humains. Il a aussi estimé qu’au Mali, qu’on fait face à une absence criarde de poursuite ou de mise en cause contre les auteurs de violation de droits humains. Dans ce domaine, il dira que le pays ces dernières années s’est fait remarquer dans le domaine de l’impunité en lien avec la pratique de l’esclavage par ascendance. « Mais, nous ne sommes pas surpris par cette impunité révoltante, car on fait face à un vite textuel qui organise la répression de cette pratique ignoble », a-t-il déclaré. Avant de dire que le code pénal malien ne permet pas de prendre à bras le corps la répression de la pratique de l’esclavage par ascendance. Il a souhaité un engagement politique de l’Etat à adopter urgemment une loi qui va incriminer la pratique de l’esclavage par ascendance au Mali. Dans la même veine, il a souhaité le renforcement des capacités des magistrats afin qu’ils soient aptes à accompagner la répression des violations des droits humains au Mali. « Nous avons constaté le blocage de certains dossiers à cause du manque de renforcement de capacité de certains magistrats sur certaines thématiques », a-t-il déclaré.
Il a aussi dénoncé la pratique outrancière de la recherche de la cohésion sociale au détriment de la sanction des auteurs de certaines violations graves de droits humains. « Dans ce pays, nous avons assisté sans jugement à la libération politique de certains auteurs de violation de droits humains pour favoriser l’entente nationale et la cohésion sociale », a-t-il déploré.
Il a aussi mis l’accent sur la poursuite de certaines infractions commises par des éléments des forces de défense et de sécurité, sans l’autorisation du Ministre de la défense. Pour cela, dans le souci de l’efficacité de la lutte contre les violations des droits humains et réduire de façon drastique l’impunité au Mali, il a souhaité l’organisation d’une grande campagne afin d’amener l’Etat admettre que certains infractions doivent relever des tribunaux de droit commun et non militaires.
Pour Mme Diawara de l’APDF, les organisations de défense des droits humains font face au Mali à des difficultés comme : l’impunité, l’absence de loi sur la violence basée sur le genre, la non application correcte des instruments juridiques existant, la non application des instruments juridiques internationaux, l’influence des leaders religieux et le fait que les communautés maliennes ont une tendance à banaliser les violations des droits humains.
Cependant, elle a salué le réveille des femmes qui dénoncent de plus en plus les violations dont elles sont victimes. Mais, elle a regretté le manque de volonté politique à s’engager clairement dans la lutte.
Pour une réussite de la lutte contre les violations des droits humains au Mali, en guise de stratégie, elle a proposé la formation des acteurs de la justice sur les violences basées sur le genre ; l’harmonisation des textes maliens avec les instruments juridiques internationaux ; la mise en place des bureaux d’assistance juridique dans tous les tribunaux du pays ; rapprochement de la justice des justiciables, harmonisation des coûts des dossiers et des pièces administratives.
Quant à Cheick de l’Association Avocats sans frontière Canada, il a regretté l’absence de loi spécifique au Mali qui criminalise la pratique de l’esclavage par ascendance. Il a estimé que les organisations de défense des droits humains doivent se donner les mains pour être très regardant sur les quelques avancées qui ont été obtenues lors du processus de relecture du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale, afin qu’elles soient en bonne place dans les montures finales.
Le témoignage du fils d’une victime d’esclavage par ascendance a jeté un froids dans la salle. Pour son refus d’être esclavage par ascendance cette dame a été tuée et mis dans un sac et jetée dans la nature, quelque part dans la région de Kayes.
« J’ai été inspirée pour des réflexions, mais j’ai pas de stratégie à vous proposer immédiatement », a déclaré Agnès Callamard. Avant d’ajouter qu’elle a été surprise de constater qu’au-delà des groupes islamistes, il y d’autres difficultés de violation de droits humains au Mali. Elle a rappelé les nouvelles dynamiques de la pratique de l’esclavage par ascendance, les violences des groupes armés, la complexité de l’impunité qui tire souvent sa source de l’organisation sociale, juridique et des communautés.
Face à tout cela, elle a estimé que la meilleure approche serait d’avoir les bons points d’entrée pour avoir le plus d’impact pour faire avancer les chantiers de la lutte contre l’impunité. Et, pour cela, elle a suggéré de travailler sur le cadre juridique, de travailler en symbiose avec les acteurs internationaux.
Agnès Callamard a aussi estimé que le cas de la Dame Diogo Sidibé est un cas symbolique qui pourrait faire avancer la lutte contre l’esclavage par ascendance au Mali. Selon elle, cette dame est morte en martyr et il va falloir s’accrocher sur son dossier pour faire tomber ses bourreaux devant la justice malienne et que cela serve de leçon.
Au regard de la diversité des difficultés et de la multiplicité des cas de violations de droits humains, elle a proposé de choisir un cas (un village ou présumés coupables) et mettre l’accent sur ce cas pour faire bouger les lignes et ne pas se disperser sur toutes les questions d’impunité. Pour cela, elle pense qu’il falloir sélectionner des cas où il y a des témoins qui sont prêts à témoigner. « Nous sommes en admiration devant vous, votre engagement contre l’impunité et pour faire avancer le respect des droits humains au Mali. Et, nous allons tout faire pour vous soutenir dans ce combat », a-t-elle conclu.
Assane Koné