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Cheick Tidiane Seck, artiste-musicien (Mali), invité d’honneur au Masa : ‘’La culture, le vrai laboratoire médical pour guérir l’Afrique de demain’’
vendredi 16 mars 2018, par
Invité d’honneur à la 10e édition du Marché des arts du spectacle d’Abidjan (Masa), l’artiste-musicien Cheick Tidiane Seck, qui s’est mué en Black Boudha parce que fédérant tout ce qui est africanité, est à Abidjan depuis la nuit du 12 mars 2018. Les festivaliers peuvent s’attendre à une surprise…
Vous êtes l’un des invités d’honneur du Masa qui célèbre, en cette dixième édition, 25 années d’existence. Pour vous qui êtes parrain de certains festivals (Afrique et Mexique) et présent à plusieurs festivals à travers le monde, quel regard portez-vous sur le chemin que parcourt le Marché des arts du spectacle d’Abidjan ?
C’est le plus grand marché de la culture africaine et dont je suis fier. Dans la mesure où ce doit être une vraie fenêtre pour nous autres Africains vers le monde et vers nous-mêmes. Qu’on se retrouve pour communier et changer artistiquement et musicalement les arts [plastiques]. Rien ne doit être négligé. Je pense que c’est le vrai laboratoire duquel viendront tous les médicaments pour guérir l’Afrique de demain.
Comment, selon-vous, dans cette dynamique, le pont culturel entre Etats africains peut-il être une évidence ?
On l’a toujours prôné : il y a eu l’Oua [Organisation de l’unité africaine], aujourd’hui l’Union africaine, l’Onu [Organisation des Nations unies], etc. Il faut qu’il y ait réellement les Etats-Unis d’Afrique. Depuis quarante ans, je le dis, les enfants représentent le flambeau. C’est ce qui se dit aujourd’hui et tout le monde le pense. Mais, ce ne doit pas être que de la parole. Il faut que ce soit consenti en chaque Africain. Il faut que chacun se dise : unis, nous serons forts devant toute adversité, devant toutes les contraintes. C’est l’union qui fait la force. Divisés, nous pouvons être à la merci de tout le monde. Alors que si nous sommes unis, nous allons présenter un autre fonctionnement pour le nouvel ordre mondial.
Quels modèles économiques pour les arts de la scène ? C’est le thème de cette 10e édition. Pour vous qui, depuis plusieurs décennies, parcourez les scènes du monde, quelle vision partagez-vous du modèle économique ?
L’art, c’est le sport, la peinture, le théâtre, c’est tout. Voyez-vous, est-ce que le salaire d’un Laurent Pokou est pareil que celui d’un Drogba ? Non ! Il y a une évolution, un changement de mentalité. Un Neymar est payé à coup de centaines de millions, mais Zidane n’atteignait pas ce montant. Le monde évolue, les mentalités changent de même qu’au niveau de l’économie mondiale, les choses bougent. Un des vecteurs de création de débouchées économiques ne peut être qu’à travers les arts, en général. Pourvu que les tableaux de nos peintres soient vendus un jour au même prix que les tableaux de Picasso. Parce qu’il [Picasso] s’est aussi inspiré de l’Afrique. La culture est un des vecteurs les plus prépondérants en matière d’économie.
Ce jeudi, il y a, dans le programme du Masa, cette rencontre musicale dénommée ‘’Les Eléphants du jazz’’ avec Paco Séry, Luc Sigui et Isaac Kemo. Bien qu’invité d’honneur du Masa, donc pas sur la scène, l’on ne vous imagine pas être à un concert de Paco et observer un piano qui ne soit pas joué par vous. Seriez-vous sur scène ?
Cela est fort possible. Paco est invité au Masa et je fais partie des invités d’honneur du professeur Yacouba Konaté. Ma vie, c’est de jouer de la musique. Ma vie transparaît dans l’expression de mon art et de ma musique. Ce n’était pas prévu. Me voir sur scène peut être la surprise. Jeudi, il y a les Eléphants du jazz que dirigera mon frangin, mon petit frère de cœur Paco Sery. On risque de me voir apparaître à un moment du concert. Parce qu’Abidjan est une partie de mon itinéraire artistique et musical. J’étais ici de 1978 à 1983 avec, entre autres, Paco Séry [Ndlr ; qui fait son entrée au même moment dans la salle de rédaction du Journal du Masa], Jimmy Hyacinthe, Bailly Spinto, Djédjé [Ernesto], Mamadou Doumbia, Bédé Andralex, Salif Kéita, Mory Kanté… A l’époque, nous étions tous là, à Abidjan.
Depuis cette époque jusqu’à maintenant, vous êtes passé de Cheick Tidiane Seck à Black Boudha-Le Guerrier. Comment s’est faite cette mutation culturelle ?
Aujourd’hui, Cheick Tidiane Seck s’est mué en Black Boudha-Guerrier. Certains disent Guerrier. Même Manu Dibango qui est notre aîné à [nous] tous m’appelle Guerrier. A la profession, je suis Black Boudha, le Boudha noir. Ce nom vient du fait que j’essaie de fédérer tout ce qui est africanité.
Interview réalisée par Koné Saydoo
Le Journal du MASA 2018