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Accord pour la paix et la réconciliation : Le Centre Carter constate que le débat sur la relecture mine inutilement la mise en œuvre
lundi 4 juillet 2022, par
« Depuis octobre 2021, le dialogue est de plus en plus difficile entre les signataires de l’Accord (le Gouvernement, la Coordination des Mouvements de l’Azawad, et la Plateforme) et qu’aucun progrès significatif n’a été réalisé dans la mise en œuvre de l’Accord ». La déclaration a été faite le 27 juin 2022 par le Centre Carter, l’Observateur indépendant pour la mise en œuvre de l’Accord au Mali. C’était au cours d’une conférence de presse animée par NTOLE JEAN KAZADI, Conseil spécial adjoint du Centre Carter.
Le 27 juin 2022, le Centre Carter a publié son 10e rapport, en sa qualité d’Observateur indépendant de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.
Ntolé Jean Kazadi, Conseiller spécial adjoint au Centre Carter, a rappelé que lors de la signature de l’Accord, les parties avaient convenu à travers l’article 63 de se doter d’un observateur indépendant pour voir comment l’Accord est mis en œuvre. « Ce dispositif sur la présence d’un Observateur indépendant, est une première au monde », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que l’absence de modèle ne leur facilite pas la tâche. Mais, qu’à cela ne tienne, il dira que grâce aux discussions avec les différents acteurs, ils arrivent à travailler à faire de l’expérience malienne, un modèle pour l’avenir.
Ceci étant, il dira que contrairement aux précédents rapports qui étaient périodiques, ils ont décidé de changer de stratégie. Sans abandonner les rapports périodiques, le Centre Carter fera désormais des rapports thématiques. « Et, notre premier rapport thématique est ce 10e rapport qui porte sur la question de la relecture de l’Accord », a-t-il indiqué. Selon lui, ce rapport couvre la période de septembre 2021 à juin 2022 et se focalise sur le débat autour de la « relecture » de l’accord. « L’idée d’une ‘’relecture’’ de l’Accord a largement contribué à la situation de blocage actuelle, en accroissant l’incertitude quant à l’avenir de la mise en œuvre, en détériorant la confiance déjà fragile entre les Parties et en alimentant la défiance croissante des Maliens et Maliennes envers l’Accord », a-t-il déclaré.
Le 10e rapport de l’Observateur indépendant, selon le responsable du Centre Carter, est le fruit de 4 années d’observation quotidienne du processus de mise en œuvre et souligne que « la ‘’relecture’’ de l’Accord est une question qui mine inutilement la mise en œuvre de l’Accord ».
Il a estimé que « faute de précision sur l’idée de ‘’relecture’’, ni sur l’objectif que cette formule portait, la reprise de ce concept dans la politique nationale a alimenté le déficit de légitimité de l’Accord dans la population et la défiance entre les Parties ». « Devant les incertitudes qu’entretient l’absence de définition des expressions de ‘’relecture’’, ‘’relecture intelligente’’ ou de ‘’ mise en œuvre intelligente’’ de l’Accord, l’Observateur indépendant souligne qu’un débat prolongé sur cette question a contribué sérieusement à la paralysie de la mise en œuvre de l’Accord », a-t-il indiqué.
Ntolé Jean Kazadi a indiqué que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, est un accord-cadre large et flexible, et non un carcan figé. Pour preuve, il dira qu’au cours de sa mise en œuvre, les Parties signataires ont régulièrement procédé à des adaptations consensuelles de l’Accord pour répondre aux évolutions du contexte malien. « L’Accord lui-même prévoit de multiples mécanismes pour ce faire », a-t-il soutenu. Avant d’estimer que les appels à une relecture de l’Accord négligent cette palette d’outils. Mais, tout compte fait, il constate aujourd’hui que toutes les Parties se sont retranchées dans des positions rigides (pour ou contre la relecture), en contradiction avec leurs propres pratiques antérieures.
De telle sorte qu’en ce 7e anniversaire de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, le Centre Carter a déclaré que sa mise en œuvre se trouve dans une situation de blocage sans précédent. Ntolé Jean Kazadi a ajouté que « les parties signataires n’ont réalisé aucune avancée significative depuis près d’un an ». Selon lui, « les organes clés du processus de mise en œuvre sont à l’arrêt, pour la plupart ». Et, pire dans le même temps, il fera remarquer que « le processus de recrutements, de réarmement et les mouvements sur le terrain opérés en dehors du cadre de l’Accord, font planer le risque d’une reprise des hostilités. « Pourtant, publiquement, toutes les Parties continuent à réaffirmer leur engagement envers l’Accord », a-t-il fait remarquer.
Mais, qu’à cela ne tienne, il a estimé que la position du Président de la Transition, recueillie pour la première fois à l’occasion de la visite officielle début mai 2022 de Jason Carter, Président du Conseil d’administration du Centre Carter, peut contribuer à fixer un cap clair. Selon lui, lors de cette visite, le Président de la Transition a indiqué que la ‘’mise en œuvre intelligente de l’Accord’’ signifie : « On met en œuvre l’Accord. Chaque fois qu’il y a difficultés ou divergences, on cherche une solution entre frères ». Il a ajouté que cette position claire, et en concorde avec l’esprit de l’Accord, peut contribuer à mettre fin au débat qui hypothèque la mise en œuvre et le devenir du processus de paix.
En guise de conseil, il dira que les Parties signataires et les organes soutenant la mise en œuvre devront s’appuyer sur le pragmatisme dont ils ont fait preuve dans le passé pour sortir de la situation de blocage actuelle et concrétiser la promesse de paix et de réconciliation pour le Mali contenue dans l’Accord.
Assane Koné
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